14ème législature

Question N° 4075
de M. Jean-Frédéric Poisson (Les Républicains - Yvelines )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > radicalisation. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 16/06/2016
Réponse publiée au JO le : 16/06/2016 page : 4400

Texte de la question

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LA RADICALISATION EN PRISON


M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le Premier ministre, la nervosité du ministre de l'intérieur, il y a quelques minutes, est la meilleure preuve de l'impuissance de votre Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

Nous vous savons gré d'avoir rendu hommage aux forces de l'ordre ; nous vous savons gré du respect que vous leur portez et que nous partageons. Mais la meilleure marque de respect à leur apporter, monsieur le Premier ministre, serait de ne pas les exposer inutilement et de ne pas les mettre en danger quand cela ne sert à rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. Patrice Carvalho. Par exemple, retirez la loi « Travail » !

M. Jean-Frédéric Poisson. C'est la raison pour laquelle, il y a déjà quelques semaines, j'avais interrogé par écrit et publiquement le ministre de l'intérieur en lui demandant d'interdire les manifestations. Il m'a été répondu par écrit - et je tiens la lettre à votre disposition - que c'était impossible. J'entends aujourd'hui que ça ne l'est pas. Nous avons donc perdu trois semaines et vos décisions ont contribué à faire blesser inutilement des policiers qui ne méritaient pas cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

Mais ma question, monsieur le Premier ministre, porte sur un autre sujet. L'assassin barbare de Magnanville était connu des services de justice, repéré par les forces de police, et la décision du tribunal qui le condamnait en 2013 à trois ans de prison dont six mois avec sursis met en évidence des liens avec des réseaux islamistes, en France comme à l'étranger. Il est donc incompréhensible qu'il n'ait pas été suivi dans le détail par les services qui auraient dû être chargés de lui à l'issue de son incarcération.

Deuxièmement, vous avez été alerté à plusieurs reprises sur la radicalisation à l'œuvre dans l'univers carcéral en France. Je regrette qu'aucune décision réelle n'ait été prise, depuis de nombreux mois, pour éviter cela. Quelles décisions, monsieur le Premier ministre, vous apprêtez-vous à prendre pour lutter contre la radicalisation islamiste en prison (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Alain Marty. Le nerveux ne répond pas ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Oui, nos prisons peuvent annoncer nos malheurs de demain. Il faut donc être lucide sur le constat, regarder froidement la question et ne pas sombrer dans la surenchère, parce que je ne crois pas que la vie politique soit mue par une sorte de moteur à explosion.

Ce que vous venez de dire de l'action du Premier ministre ne reflète pas la réalité et vous le savez très bien. On peut s'opposer sans être brutal : je vous le dis, sur ce point-là vous aviez tort.

M. Michel Herbillon. Donneur de leçons permanent !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La radicalisation est un vrai problème. Il y a aujourd'hui dans les prisons 1 400 radicaux, dont 300 qui ont un lien avec le terrorisme ; 100 sont condamnés. Vous le savez très bien, monsieur le député, nous avons un double travail…

M. Claude Goasguen. Tout est dans le code pénal ! Appliquez-le !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …sur la surveillance des radicaux comme sur la déradicalisation qui constitue aussi un chantier à ouvrir et sur lequel nous avons déjà beaucoup agi. Nous allons en effet étendre, alors qu'il n'y a aujourd'hui que cinq établissements concernés, à 27 établissements les programmes de déradicalisation auxquels je vous invite naturellement à assister si le sujet vous intéresse et je sais que c'est le cas.

Concernant la surveillance, qu'il s'agisse de l'individu que vous évoquiez ou en général, il existe des structures. Elles sont loin d'être suffisantes. Il y a 186 personnels qui se consacrent, dans l'univers carcéral, à la question du renseignement pénitentiaire, mais il faut faire beaucoup plus : pas seulement en termes de moyens, car l'essentiel a été fait, mais en matière de doctrine, d'outils et de relations avec les autres services.

Dans le cas d'espèce que représente le meurtrier d'hier, cet individu était suivi, au point que le bureau du renseignement pénitentiaire a transmis à deux reprises, à la Direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et à la sous-direction anti-terroriste – SDAT –, tous les éléments.

Le drame, c'est justement que cet individu, on ne l'avait jamais perdu de vue.