Question au Gouvernement n° 4083 :
croissance et emploi

14e Législature

Question de : M. Éric Woerth
Oise (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 22 juin 2016


SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le Premier ministre, face aux débordements violents qui émaillent chaque manifestation, vous essayez de réaffirmer votre autorité. Mais pas tout à fait. Au lieu de mettre fin à cette situation inacceptable, vous vous contentez d'imposer une manifestation statique, une sorte de « fan zone syndicale ». (Rires sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Après avoir eu une attitude hostile envers les entreprises, vous avez enfin décidé de réformer le code du travail. Mais pas tout à fait. Vous avez immédiatement plié face aux syndicats pour vider de toute ambition le texte initial, coquille vide qui ne servira ni les entreprises, ni l'emploi.

Après avoir atteint des sommets, vous affirmez que le chômage baisse enfin. Mais pas tout à fait. Doit-on vous rappeler que, depuis 2012, notre pays compte plus d'un million de chômeurs supplémentaires, et que le chômage de masse persiste comme nulle part ailleurs ?

Vous affirmez que la France va mieux car elle crée des emplois marchands. Mais pas tout à fait. Entre 2014 et 2015, la France en a créé dix fois moins que l'Espagne et huit fois moins que l'Allemagne.

La France a renoué avec la croissance, entend-on. Mais pas tout à fait. La France fait moins bien que ses partenaires de la zone euro, alors que nous ne sommes plus en crise.

Vous vous félicitez d'un déficit public en baisse. Mais pas tout à fait. C'est une grossière illusion ! Hors éléments exceptionnels, dixit la Cour des comptes, le solde budgétaire ne s'est amélioré que de 300 millions d'euros, et non de 15 milliards comme vous le prétendez. De plus, le rythme de baisse de notre déficit public est l'un des plus faibles de la zone euro. En vérité, notre dette atteint aujourd'hui 100 % du PIB.

Cerise sur le gâteau pour continuer d'embrouiller les messages : vous voulez organiser une primaire. Mais pas tout à fait quand même, si je comprends bien.

À force de godiller, de vouloir une France du « pas tout à fait », vous nous conduisez à une France du « pas du tout », qui ne décide de rien et décroche. C'est pour cela que la France de 2017 aura reculé par rapport à la France de 2012.

M. Pascal Popelin. Vous vous permettez de nous donner des leçons, vous ?

M. Éric Woerth. Les Français souffrent, l'autorité est sans cesse bafouée et l'économie est pleine de cicatrices.

M. Pascal Popelin. Vous nous avez laissé un déficit abyssal !

M. Éric Woerth. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous prendre de véritables décisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, monsieur le ministre Woerth, il y a une réalité incontestable : la reprise économique prend de la vigueur.

M. Alain Marty et M. Jean-Charles Taugourdeau. Ça va mieux !

M. Guy Geoffroy. C'est ailleurs que cela va mieux ! Pas en France !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce n'est pas tout à fait vrai ! Depuis plusieurs mois désormais, les indicateurs conjoncturels le confirment.

M. Bruno Le Roux. Ça les embête !

M. Manuel Valls, Premier ministre. D'après l'INSEE, la croissance devrait s'élever à 1,6 % en moyenne cette année, après s'être établie à 1,2 % en 2015. Nous atteindrons donc cette année à peu près – et même « tout à fait » (Sourires) – le niveau de croissance de nos voisins allemands.

M. Dominique Dord. Pas tout à fait !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous le savez, et vous devriez d'abord vous en réjouir puisqu'il s'agit de nos compatriotes, le taux de chômage est en légère baisse au premier trimestre par rapport à l'année dernière.

M. Guy Geoffroy. Après tant d'années de hausse…

M. Manuel Valls, Premier ministre. L'INSEE prévoit une baisse marquée cette année : le chômage devrait toucher 9,5 % de la population active en métropole. Cela représenterait 100 000 chômeurs en moins. L'objectif, monsieur le député, c'est qu'à la fin de l'année 2016, nous soyons au même niveau ou à un niveau inférieur à celui que nous avons trouvé en 2012.

M. Jean-Pierre Gorges. Vous ferez encore pire !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Bien sûr, la situation reste difficile pour beaucoup de nos concitoyens, mais il faut tout simplement remarquer quelques améliorations. Je recevais hier M. Tavernier, le directeur général de l'INSEE, venu me présenter ces chiffres. La confiance des ménages mesurée par l'INSEE est au plus haut depuis 2007. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Vous avez entendu ce que vous vouliez entendre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Celle des entreprises a retrouvé son niveau moyen d'avant la crise. (Mêmes mouvements.) Les entreprises ont reconstitué leurs marges, grâce au pacte de responsabilité et au CICE.

M. Yves Nicolin. Alors, pourquoi organiser une primaire ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les entreprises, notamment les petites et les moyennes, retrouvent de la confiance et peuvent investir, grâce à la prime pour l'emploi que nous avons créée…

M. Guy Geoffroy. Et que nous allons payer !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et au suramortissement.

Au-delà des éléments conjoncturels que vous connaissez – le niveau de l'euro, celui du prix du pétrole, celui des taux d'intérêt –, la politique que nous menons donne des résultats.

M. Dominique Dord. Elle ne donne rien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour cela, il faut poursuivre dans la voie des réformes. Nous nous sommes donné cet objectif.

Il est d'ailleurs assez étonnant que vous prétendiez que le projet de loi travail a été vidé de son sens. J'ai l'impression qu'il provoque quand même un certain nombre de débats dans notre pays ! Certains d'entre vous nous demandent d'ailleurs de tenir sur ce sujet-là. Je considère que ce texte – je pense bien sûr à l'article 2, mais pas seulement – prévoit ce que vous n'avez jamais fait et ce qui n'a jamais été fait dans notre pays, avec le soutien des syndicats réformistes,…

M. Nicolas Sansu. De moins en moins !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …en instaurant la négociation dans l'entreprise et en créant des droits supplémentaires pour les salariés.

Monsieur le ministre Woerth, en 2012, vous n'avez pas tout à fait gagné. Vous avez perdu (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains),…

M. Philippe Cochet. Vous aussi, vous allez perdre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …parce que vous avez été jugé sur le bilan du gouvernement précédent. En 2017, nous verrons bien. En tout cas, il nous paraît important que nous puissions gagner, pour les Français, sur le front du chômage et de la croissance.

M. Alain Marty. Baratin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Tel est notre véritable objectif. Le reste, monsieur le ministre Woerth, n'est que formules et polémiques inutiles. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Données clés

Auteur : M. Éric Woerth

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 juin 2016

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