14ème législature

Question N° 4109
de M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Hautes-Alpes )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Finances et comptes publics
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > Union européenne

Tête d'analyse > États membres

Analyse > Royaume-Uni. perspectives.

Question publiée au JO le : 23/06/2016
Réponse publiée au JO le : 23/06/2016 page : 4615

Texte de la question

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES D'UN ÉVENTUEL « BREXIT »


M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.

La campagne du « Brexit » a été durement marquée le 16 juin par l'assassinat de Jo Cox, notre collègue députée pro-européenne, dont je salue une fois encore la mémoire. Après trois jours de deuil national, la campagne bat à nouveau son plein en cette veille de scrutin. Demain, les électeurs britanniques auront à se prononcer sur un choix décisif et clair : « Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou la quitter ? ». Ceux qui veulent la quitter ont déjà gagné la guerre psychologique, car si l'on parle de « Brexit », qui utilise le terme de « Bremain » ?

Au-delà de la décision interne à un pays, on peut légitimement se demander ce qu'il en serait pour le reste de l'Europe. L'Organisation de coopération et de développement économiques – l'OCDE – et plusieurs cabinets ont étudié les conséquences d'un éventuel « Brexit », avec et sans accord de libre-échange, pour le Royaume-Uni et pour la plupart de ses partenaires commerciaux. Nous avons de quoi nous faire quelques cheveux blancs en cette veille du lancement du compte à rebours !

Les courants anti-européens, antilibéraux, antimondialisation et certains des partisans du « Brexit » font miroiter une baisse de l'immigration et une embellie économique pour mieux enfermer leur pays dans des logiques de peur qui servent leurs intérêts politiques – mais appuyons-nous sur des études sérieuses pour essayer de faire la lumière sur cette question. Un « Brexit » aurait un impact significatif sur les Pays-Bas, l'Irlande, la Belgique et l'Allemagne. La France, quant à elle, ferait partie des six pays les plus touchés : jusqu'à 3,2 milliards d'euros de pertes additionnelles à l'export pour les entreprises françaises d'ici à 2019, dans le pire des scénarios. Le « Brexit » pourrait aussi conduire à un désinvestissement des entreprises françaises au Royaume-Uni et des entreprises britanniques en France, ce qui aurait un impact non négligeable sur la croissance réelle du produit intérieur brut français. Enfin, la hausse des défaillances d'entreprises au Royaume-Uni serait de nature à accroître le risque d'impayés pour les entreprises françaises commerçant avec ce pays.

Vendredi prochain, vers cinq heures du matin, heure française, nous devrions avoir la publication de premiers résultats fiables. La sortie d'un pays de l'Union, prévue par l'article 50 du traité de Lisbonne, est certes un processus long, mais l'économie, qui repose sur la confiance, ira plus vite que la rédaction de l'accord de sortie.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est-elle simple : le Gouvernement a-t-il des scénarios d'anticipation prêts sur les conséquences d'un éventuel « Brexit » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, vous m'interrogez sur les conséquences d'un éventuel « Brexit » – comme on dit aujourd'hui –, c'est-à-dire d'une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Disons d'abord que cela est devant nous. La décision appartient au peuple britannique : c'est sa liberté ; mais nous pouvons aussi nous exprimer sur ce que pense la France.

M. Jacques Myard. Organise un référendum, tu le sauras…

M. Michel Sapin, ministre. La France souhaite que le peuple britannique choisisse librement de rester dans l’Union européenne. Pourquoi ? Parce que parmi les principales conséquences d'une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, il y aurait des conséquences économiques et financières d'abord et avant tout pour la Grande-Bretagne elle-même. Le pays qui risque le plus, du point de vue économique et financier, c'est la Grande-Bretagne. Ce débat-là, qui a lieu aujourd'hui en Grande-Bretagne, est du côté de la raison.

Il y a d'autres sujets qui sont abordés et qui concernent l'identité, la sécurité, l'immigration ; là-bas, comme chez nous, ils ont parfois basculé du côté du non raisonnable.

Alors, monsieur le député, plutôt que de vous répondre sur les conséquences qu'aurait un éventuel « Brexit » pour la France et pour l'Europe – elles seraient bien évidemment négatives –, je préfère vous présenter les initiatives que nous devrons prendre, quel que soit le choix du peuple britannique. En tout état de cause, il faudra en effet prendre des initiatives : des initiatives politiques, pour renforcer la nécessaire dynamique européenne ; des initiatives franco-allemandes, pour montrer qu'il s'agit d'un axe fondamental pour avancer en Europe ; des initiatives tournées vers d'autres, pour montrer que ce ne sont pas que la France et l'Allemagne qui construisent l'Europe. Mais nous aurons de toute façon besoin de prendre des initiatives, pour qu'il y ait plus de cohérence au plan économique, plus de cohérence au plan social, plus de force, plus de capacités de développement, pour que notre économie croisse dans une société plus juste, avec plus d'emplois, plus d'investissements et, au fond, plus de prospérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)