Nouvelle-Calédonie
Question de :
Mme Sonia Lagarde
Nouvelle-Calédonie (1re circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 7 juillet 2016
SITUATION DE LA SOCIÉTÉ LE NICKEL
M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
Mme Sonia Lagarde. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La députée calédonienne que je suis tient à rendre hommage à Michel Rocard qui, en 1988, fut l'artisan de la paix en Nouvelle-Calédonie grâce à une mission du dialogue qui a abouti aux Accords de Matignon et à la célèbre poignée de main entre Jean Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, soit vingt-huit ans de paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Lors de votre récent déplacement en Nouvelle-Calédonie, vous avez tenu à nous rassurer sur la volonté de l'État d'être à nos côtés pour assurer la survie de la SLN – Société Le Nickel – face à la crise des cours du nickel. Vous avez annoncé l'octroi d'un prêt à la société territoriale calédonienne de participation industrielle – STCPI –, qui détient, à hauteur de 34 %, les participations des trois provinces au capital de la SLN. Ce prêt devait permettre à cette société d'assumer ses devoirs d'actionnaire, mais nécessitait au préalable l'acquisition d'une action par l'État au capital de la SLN.
Il y a quelques jours, la province Sud s'est prononcée favorablement, alors que la province Nord, à majorité indépendantiste, a décidé de voter contre l'octroi de ce prêt à la STCPI et donc contre la cession d'une action à l'État. Cela met en péril la SLN, ses emplois et l'économie calédonienne dont la situation n'est déjà pas brillante.
Cette position relève plus d'un calcul politique, celle d'une doctrine « nickel de la province Nord » qui, loin d'avoir fait ses preuves, ne recherche qu'une chose : récupérer les massifs miniers de la SLN au travers d'une augmentation à 51 % au capital de cette dernière.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous nous donner l'assurance de l'État pour un nouveau plan visant à garantir la survie de la SLN et sauvegarder ses emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, la Nouvelle-Calédonie doit beaucoup à Michel Rocard : sans lui, sans Jean-Marie Tjibaou, sans Jacques Lafleur et quelques autres, jamais le miracle des Accords de Matignon n'aurait eu lieu.
Dans les hommages rendus ces derniers jours, la contribution personnelle de Michel Rocard au dossier calédonien a été soulignée – le président de l’Assemblée nationale l'a rappelée il y a un instant – comme un legs marquant son parcours d'homme public et aussi comme un exemple de sa méthode de gouvernement. Son entreprise a permis la poignée de mains historique que vous rappeliez, sincère, fraternelle, sur le perron de l'Hôtel de Matignon.
Honorer la mémoire de Michel Rocard en Nouvelle-Calédonie, c'est reconnaître le courage qu'il a fallu à tous pour négocier ; pour préférer, après les événements de mai 1988, la confrontation des idées à tout acte de violence ; pour construire la confiance par le respect, la franchise, le dialogue. Nous voyons bien qu'à deux ans à peine de la sortie des Accords de Nouméa, lesquels doivent beaucoup à Lionel Jospin, cet héritage reste d'une actualité brûlante.
L'avenir en Nouvelle-Calédonie est incontestablement lié au nickel. Face à l'effondrement des cours, la SLN est en situation de fragilité. Je rappelle qu'elle emploie aujourd'hui plus de 2 000 salariés et fournit indirectement du travail à plusieurs milliers d'autres. Elle doit donc trouver les financements nécessaires pour passer la crise.
Cela implique un effort de tous en Nouvelle-Calédonie, avec au premier rang les actionnaires, le groupe Eramet et la STCPI, dont le capital est détenu par les provinces.
Lors de ce déplacement à Nouméa, en avril, j'ai annoncé que l'État proposerait à la STCPI un prêt de 200 millions d'euros afin qu'elle assume pleinement ses devoirs d'actionnaire. Le montage juridique impliquait que l'État détienne une seule action, sans pour autant exercer de droit particulier dans la gouvernance de cette société de participation qui représente les intérêts publics calédoniens. Aucune remise en cause des équilibres passés n'était donc prévue – j'insiste sur ce point.
La province Nord s'est opposée à ce projet alors que l'unanimité était nécessaire. Sans méconnaître la dimension symbolique de cette décision, je la regrette car elle prive les acteurs calédoniens de leur rôle d'actionnaire aux yeux des salariés et du marché. Mais face au risque de solvabilité qui menace le plus ancien opérateur industriel de Nouvelle-Calédonie et l'emploi de milliers de Calédoniens, l'État ne reviendra pas sur sa promesse.
Aussi l'État a-t-il proposé de mettre en œuvre directement ce prêt de 200 millions d'euros auprès de la SLN sans passer par l'intermédiaire de la STCPI. Le dossier sera examiné le 11 juillet par le conseil d'administration de l'entreprise.
L'heure est à la sauvegarde du potentiel économique de la Nouvelle-Calédonie : vous pouvez compter sur ma détermination et sur celle de mon gouvernement à tout faire pour préparer cette date de 2018, à tout faire pour que le nickel reste l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : Mme Sonia Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juillet 2016