14ème législature

Question N° 414
de M. Gabriel Serville (Gauche démocrate et républicaine - Guyane )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Redressement productif

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > DOM-ROM : Guyane

Analyse > mines et carrière. orpaillage clandestin. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 26/11/2013 page : 12170
Réponse publiée au JO le : 04/12/2013 page : 12553
Date de changement d'attribution: 03/12/2013

Texte de la question

M. Gabriel Serville attire l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le bilan édifiant de l'orpaillage illégal en Guyane.

Texte de la réponse

ORPAILLAGE ILLÉGAL EN GUYANE


M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour exposer sa question, n°  414, relative à l'orpaillage illégal en Guyane.

M. Gabriel Serville. Monsieur le ministre, à l'heure où la refonte du droit minier est en passe d'aboutir à l'établissement d'un livre dédié au cadre spécifique guyanais, qui représente, faut-il le rappeler, l'essentiel du potentiel de redémarrage de l'industrie minière française, je souhaite revenir, une fois de plus, sur la question de l'orpaillage clandestin. Cette problématique, qui hante la vie des élus et des associations guyanaises depuis des décennies, et qui en 2000 faisait déjà l'objet d'un rapport au Premier ministre de la part de Mme Christiane Taubira, continue ses ravages sur les populations locales et leur environnement.

Je rappellerai quelques chiffres, que nous devons garder à l'esprit afin de saisir l'ampleur du phénomène : 15 000 garimpeiros sont répartis sur 700 sites, produisant plus de 400 millions d'euros de chiffre d'affaire ; 22 000 hectares, soit deux fois la taille de Paris, sont déforestés et pollués et des milliers de kilomètres de linéaires de cours d'eau sont contaminés au mercure et au cyanure. Et enfin, un dernier chiffre : 70 %. C'est le pourcentage des enfants du Haut-Maroni qui présentent dans leurs organismes des taux de mercure supérieurs aux recommandations de l'OMS. Le mercure, déjà naturellement présent dans les sols amazoniens et pourtant interdit en Guyane depuis 2008, est encore largement utilisé par les garimpeiros.

Les acteurs légaux de la filière extractive sont aussi victimes de ce fléau, tant au niveau du manque à gagner, qui est important, que du fait de la mauvaise image ainsi véhiculée, qui conduit à la méfiance de la société civile et de l'administration vis-à-vis de toute la filière. J'en veux pour preuve les innombrables affaires qui ont marqué les tentatives de développement de l'industrie minière guyanaise ces dernières années, dont les emblématiques affaires Cambior et Rexma, dont les contentieux sont toujours d'actualité.

Si la pérennisation des opérations Harpie, l'entrée en vigueur imminente de l'accord de coopération France-Brésil en matière de lutte contre l'orpaillage illégal et les nouvelles mesures répressives introduites par l'article 20 de la loi du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer démontrent la volonté forte du Gouvernement de faire enfin de la lutte contre le pillage des ressources naturelles guyanaises une priorité, elles ne peuvent être envisagées que comme les premières pierres d'un cadre légal qui serait enfin en mesure d'endiguer ce phénomène gangrenant l'ensemble de la société guyanaise.

Voilà pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir nous éclairer sur les solutions envisagées par le Gouvernement, et en particulier par le ministère en charge des questions minières, au titre de la réforme du code minier. Cette réforme, tant attendue par les professionnels du secteur et les associations, notamment organisées autour du collectif « les Hurleurs de Guyane », fait en effet naître un véritable espoir d'enclencher enfin une sortie de la spirale dans laquelle est enfermée la filière aurifère guyanaise depuis maintenant plus de deux décennies.

Il en va de la préservation des intérêts écologiques, sociaux et économiques de la Guyane, territoire certes éloigné mais faisant partie intégrante de la République française.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. La lutte contre l'orpaillage illégal est une nécessité absolue pour protéger le territoire guyanais. C'est tout à la fois un enjeu de souveraineté nationale, de sécurité publique, de protection de l'environnement et de sécurité sanitaire.

Au quotidien, les militaires des forces armées en Guyane et de la gendarmerie nationale sont pleinement engagés dans cette lutte dans le cadre de l'opération Harpie, parfois au péril de leur vie. Les résultats sont bien réels : la déforestation ainsi que la pollution de l'eau ont marqué un net recul, s'établissant à des niveaux sans commune mesure avec la situation de 2008. Si le nombre de sites actifs recensés est en augmentation en 2012, cela traduit d'abord un changement de méthode des orpailleurs illégaux qui se dispersent et se camouflent. Le dispositif Harpie est donc l'objet d'adaptations régulières afin de prendre en compte les nouveaux modes d'action adoptés par les orpailleurs illégaux.

Vous l'avez rappelé, deux amendements déposés par la députée Chantal Berthelot ont été adoptés dans le cadre de la loi du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Le premier concerne l'interdiction de la détention de mercure en forêt et la réglementation du transport en forêt de certains matériels utilisés par les orpailleurs. Le second accroît les pouvoirs des enquêteurs en leur permettant de bénéficier du régime spécial de procédure applicable à la criminalité organisée.

Par ailleurs, l'arrêté du 17 octobre 2013 rend obligatoire l'immatriculation des pirogues. Cette mesure permettra aux forces de l'ordre de mieux identifier les pirogues approvisionnant les sites d'orpaillage illégaux. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2014. Enfin, des mesures complémentaires sont actuellement à l'étude, telles que le renforcement de la lutte contre le travail clandestin et les fraudes et la possibilité de disposer d'un mode de destruction des puits compatible avec les contraintes, notamment logistiques, de l'intervention en forêt. La force de toute la République doit être déployée pour combattre le fléau de l'orpaillage illégal.

L'autre vecteur essentiel de la lutte contre les activités illégales, complémentaire des opérations de démantèlement des réseaux clandestins, est la relance de l'activité minière légale, aujourd'hui en déclin. Le Gouvernement souhaite d'une part, accompagner le secteur des orpailleurs légaux, dans une logique de montée en compétence, en mettant expertise et services à leur disposition, et d'autre part inciter au développement d'une industrie minière légale et contrôlée, respectueuse de l'environnement et des populations locales. Des initiatives ont déjà été engagées en ce sens afin d'encourager le dépôt de dossiers d'exploitation d'envergure industrielle compatibles avec le schéma départemental d'orientation minière.

Enfin, la réforme du code minier en cours offrira le vecteur idoine pour traduire en actes les ambitions du Gouvernement relatives au développement minier de la Guyane et à l'endiguement du fléau que constitue l'orpaillage illégal. Après que le conseiller d’État Thierry Tuot aura remis ses travaux aux ministres Arnaud Montebourg et Philippe Martin, le 10 décembre prochain, le projet de texte sera transmis au Conseil d’État. Le texte définitif pourrait par conséquent faire l'objet d'un examen au Parlement au printemps prochain.