Question au Gouvernement n° 4167 :
terrorisme

14e Législature

Question de : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet
Essonne (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 21 juillet 2016


LUTTE CONTRE LE SALAFISME

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe Les Républicains.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, notre assemblée a voté cette nuit la prorogation de l'état d'urgence, mais nous savons déjà que ce texte est insuffisant.

Le terrorisme prospère sur un terreau fertile : le salafisme. Des salles de prière se créent, des mosquées sont prises en main par des individus qui prêchent la haine, la supériorité de la loi religieuse sur les lois de la République et la soumission des femmes.

Est-ce une opinion ? Est-ce une religion ? N'est-ce pas plutôt une dérive sectaire de l'islam, responsable de la radicalisation, allant parfois jusqu'au terrorisme et au meurtre ?

Il est temps de déclarer le salafisme hors la loi, en tant que dérive sectaire ou atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation : choisissons la voie la plus sûre. Déclarer le salafisme hors la loi, c'est donner un fondement solide à la fermeture des mosquées qui prêchent la haine et, dans le même temps, affirmer que ceux qui pratiquent paisiblement leur religion n'ont rien à voir avec ceux-là.

Cette mesure doit naturellement s'inscrire dans le cadre d'une politique globale pour l'émergence d'un islam de France, respectueux des lois de la République, un islam enfin débarrassé des influences étrangères et donc des financements, notamment ceux du Qatar et de l'Arabie saoudite.

Des solutions existent, comme celle que j'ai proposée, à savoir la création d'une redevance sur le halal. D'autres sont possibles, comme celle proposée par notre ancien collègue Gérald Darmanin. Débattons-en ! Mais, monsieur le Premier ministre, sortons de l'hypocrisie actuelle qui laisse prospérer dans nos cités une idéologie que nous dénonçons par ailleurs et qui sert aujourd'hui de terreau au terrorisme.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement soutiendra-t-il un projet ou une proposition de loi visant à mettre enfin le salafisme hors la loi ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, avant de répondre à cette question opportune et intéressante, je voudrais rappeler une vérité.

Le salafisme est une minorité de l'islam de France. On compte dans notre pays, ce n'est pas négligeable, un peu plus de 120 lieux de culte salafiste – sur plus de 2 300 mosquées –, et seulement quelques dizaines de milliers de fidèles. Par ailleurs, le fondamentalisme, l'intégrisme ne prospèrent pas uniquement sur le terreau du salafisme.

C'est vrai, numériquement, le salafisme ne représente pas un courant fort, mais idéologiquement, c'est une minorité agissante qui gagne des batailles. Ses messages sont diffusés, des mosquées sont déstabilisées de son fait et il mène, notamment sur internet, une stratégie d'expansion.

J'ai d'ailleurs peut-être été le premier – peu importe – à le dire ici, dans cette enceinte. J'ai été le premier en effet à dire que cette idéologie intégriste, qui rejette la démocratie, combat nos valeurs universelles et ne reconnaît aucune souveraineté autre que la religion – sa religion –, était une idéologie violente qu'il convient naturellement de combattre.

Le salafisme, c'est la négation du vivre-ensemble. C'est une idéologie qui retranche la femme du monde et propage des idées dangereuses, perverses, rétrogrades.

Oui, le salafisme, qui a détruit et perverti une partie du monde musulman, est un danger pour les musulmans eux-mêmes et un danger pour la France.

Pour le combattre, vous avez évoqué la lutte contre les sectes. Nous poursuivrons le débat, mais je ne suis pas certain que cela soit le bon outil. D'une part, vous le savez, madame la députée, il n'existe pas, en droit, de définition des sectes ; d'autre part, ces organisations savent parfaitement échapper à la justice en dissimulant leur véritable nature, car vous n'ignorez pas que la liberté de conscience en France est une liberté fondamentale, consacrée par nos principes et nos textes.

Je dis également attention, même si je reconnais qu'il y a lieu d'approfondir le débat, à tout signe qui laisserait à penser qu'il existe une déresponsabilisation, que ceux qui plongent dans le salafisme sont en quelque sorte les victimes d'une grande manipulation, comme c'est le cas concernant les sectes. Non, car il y a aussi une part de volonté personnelle qu'il ne faut jamais écarter, faute de quoi nous passons à côté de l'essentiel.

C'est un combat contre le salafisme, contre le fondamentalisme, contre l'intégrisme qu'il faut engager, et je fais écho aux interventions de Bruno Le Maire sur l'islam politique et de Malek Boutih, hier soir, sur la radicalisation et le radicalisme. Le mouvement des Frères musulmans et le salafisme sont au cœur de ces idéologies qui prospèrent dans notre pays après avoir prospéré dans d'autres – regardons ce qui s'est objectivement passé en Égypte.

L'islam de France a lui aussi tout son rôle à jouer. Les musulmans français ont leur part, nous devons les y aider et les encourager, dans la défense de la République. À eux aussi, avec notre soutien, de mener ce combat pour clairement séparer la réalité de l'islam de France et ces idéologies perverses. Ce combat doit être mené partout – dans les mosquées, dans les quartiers, dans les familles – sans aucune complaisance, de la manière la plus claire et la plus nette.

Nous savons ici, et cela relève de notre responsabilité, que nous devons protéger tous nos compatriotes, et bien sûr nos compatriotes et concitoyens musulmans ou de culture musulmane qui aujourd'hui ont peur, eux aussi. Ils se sentent montrés du doigt et voient les dégâts considérables causés par les attentats et ce que recherche Daech en fracturant la société française. À eux aussi, à cet islam de France, en Europe et dans le monde, de prendre toutes ses responsabilités.

Nous sommes prêts, naturellement, à étudier tous les moyens qui existent pour réduire l'influence de l'islam politique, qu'il s'agisse du salafisme ou des Frères musulmans, avec la plus grande détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Données clés

Auteur : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juillet 2016

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