14ème législature

Question N° 4242
de M. Éric Ciotti (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > ordre public

Tête d'analyse > terrorisme

Analyse > lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 13/10/2016
Réponse publiée au JO le : 13/10/2016 page : 6138

Texte de la question

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LE TERRORISME


M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains.

M. Éric Ciotti. Monsieur le Premier ministre, vendredi prochain, la nation rendra hommage aux victimes de l'attentat de Nice. Entre le 7 janvier 2015 et ce funeste 14 juillet 2016, 240 de nos concitoyens ont été fauchés par la barbarie islamiste. Le ministre de l'intérieur rappelait tout à l'heure combien la menace était grave et permanente.

C'est dans ce contexte que le Président de la République a pourtant indiqué, et ce n'était pas dans un livre, que notre arsenal pénal pour lutter contre le terrorisme était complet. Ce n'est pas notre analyse, ce n'est pas notre position. Nous considérons pour notre part, contre cette forme de fatalisme impuissant, que face au terrorisme on n'a pas tout essayé.

C'est pour cela que demain matin le groupe des Républicains, derrière son président Christian Jacob, défendra une proposition de loi complète, exhaustive, pour marquer une approche différente dans la lutte contre le terrorisme, avec des mesures très pragmatiques qui s'inspirent d'un principe de précaution. Il s'agit d'éviter que ceux qui sont identifiés comme dangereux pour la société ne passent à l'acte – bref, d'intervenir avant, et non pas après ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

C'est pour cela que nous proposerons la rétention administrative sous le contrôle du juge. C'est pour cela que nous proposerons la rétention de sûreté, afin d'éviter que des personnes très dangereuses ne sortent de prison, constituant une menace très forte pour nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) C'est pour cela que nous demanderons l'expulsion de tous les étrangers condamnés pour acte de terrorisme ou en relation avec une entreprise terroriste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) C'est pour cela que nous demanderons que soit enfin reconnue une véritable légitime défense pour les policiers.

Nous vous demandons quelle position vous adopterez pour soutenir ces propositions claires et concrètes, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Ciotti, l'Assemblée nationale connaît votre persévérance, y compris dans l'erreur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Un peu de modestie, monsieur le ministre !

M. Éric Ciotti. Et quel succès, de votre part ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cela fait maintenant quatre ans que vous nourrissez les débats parlementaires avec des propositions de loi qui sont tout aussi originales qu'inapplicables. Car, si je devais résumer – et nous aurons comme chaque fois un débat sur le fond, dans le respect des positions de chacun – que proposez-vous dans le texte que nous examinerons demain ? Vous avancez des éléments qui existent déjà, par exemple la capacité d'expulsion,…

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …alors que vous savez parfaitement, monsieur le député, que l'actuel gouvernement expulse comme personne n'avait jamais expulsé auparavant. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Ainsi, depuis 2012, nous avons expulsé quatre-vingt-six étrangers radicalisés pour menace à l'ordre public (« Oh, là là ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), dont seize depuis le début de l'année. Je ne vous ferai pas l'affront de faire la comparaison avec les chiffres de la législature précédente.

De la même manière, vous proposez des mesures, que vous présentez comme pragmatiques, visant à placer en rétention les personnes figurant sur le fichier S.

M. Christian Jacob. On n'a jamais dit cela !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Monsieur le député, vous ne dites jamais où vous comptez les incarcérer, ni qui va les garder. Ils sont 10 000 à figurer sur ce fichier : demain matin, mettriez-vous 10 000 personnes en prison ? Où ? Par qui les feriez-vous garder ? Et pendant combien de temps ? Si vous voulez être pratique, soyez-le jusqu'au bout ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Une telle mesure est évidemment inapplicable et vous le savez, puisque le Conseil d’État vous l'a déjà dit, et que la Convention européenne des droits de l'homme nous l'interdit.

Enfin, vous proposez des mesures qui viennent complexifier le droit. Je crains qu'à toujours imaginer des positions aussi originales qu'impraticables, vous ne commenciez à construire ce que Camus appelait les « noces sanglantes du terrorisme et de la répression ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !