Question au Gouvernement n° 4252 :
magistrats

14e Législature

Question de : M. Georges Fenech
Rhône (11e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 19 octobre 2016


INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Monsieur le garde des sceaux, à la suite de la publication d'entretiens intimes accordés par le chef de l'État à deux journalistes du Monde, c'est toute la magistrature qui est vent debout pour manifester son indignation et sa stupéfaction.

M. Bruno Le Roux. Vous pouvez parler !

M. Georges Fenech. En effet, François Hollande y étale son aversion pour le troisième pouvoir : « Cette institution, qui est une institution de lâcheté… Parce que c'est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n'aime pas la politique ». Et il ajoute : « Ce n'est pas une engeance facile, la magistrature, il ne faut vraiment pas commettre de fautes, on peut être lynché ».

Certes, le Président de la République a exprimé ses regrets depuis, mais le mal est fait ! Monsieur le ministre, vous m'avez répondu la semaine dernière qu'il fallait juger le chef de l'État sur ses actes… Alors dont acte !

M. Jean Glavany. Un juge, condamné par la justice, qui vient faire la leçon !

M. Georges Fenech. Je vous invite à lire cet aveu, dans le même livre, page 404 : « En septembre 2014, le chef de l'État n'a pas placé par hasard un homme sûr, proche de lui, à la tête de la direction des affaires criminelles et des grâces, où convergent le plus légalement du monde les données sensibles issues des dossiers judiciaires. » Les journalistes poursuivent, voulant se rassurer : « Grâce à la Chancellerie, Hollande a donc pu, sans influer sur leur développement, obtenir des remontées d'informations portant sur certaines procédures en cours. » Et les auteurs de conclure : « le Chef de l'État l'assume totalement ».

Mme Claude Greff. Et voilà !

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir devant la représentation nationale qu'en aucune façon la justice n'est instrumentalisée à des fins politiques ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean Glavany. Il est gonflé !

M. Georges Fenech. Pouvez-vous assurer qu'il n'existe à l'Elysée aucun cabinet noir en liaison avec votre ministère ? Si cela était le cas, prendriez-vous toute mesure pour y mettre un terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, l'exercice s'appelle les questions au Gouvernement. Vous en connaissez les règles, j'en sais les principes. Je connais votre question – vous me l'avez déjà posée –, vous connaissez ma réponse – je vais la répéter. Le Gouvernement, que ce soit celui de Jean-Marc Ayrault avec Christiane Taubira ou celui de Manuel Valls avec Christiane Taubira puis votre serviteur, vous a proposé à deux reprises des textes, l'un organique – voire constitutionnel –, l'autre ordinaire, qui visaient à supprimer tout lien entre l'exécutif et le parquet, l'autorité poursuivante.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Ce n'est pas la question !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je comprends que cela vous courrouce que je vous le rappelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Jacob. Et Cahuzac ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je le dis sans esprit de vindicte : votre groupe n'a voté ni l'un ni l'autre. Cette majorité s'honore…

M. Sylvain Berrios. Quelle majorité ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …d'avoir voté en 2013 (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)… Laissez-moi le temps de construire en deux minutes une réponse qui soit argumentée ! En 2013, un texte a été voté, qui interdit au Gouvernement de donner des instructions individuelles sur n'importe quel dossier.

Mme Claude Greff. Et Hollande, il fait quoi ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Et comme si cela ne suffisait pas, nous vous avons proposé de modifier la Constitution pour que le Conseil supérieur de la magistrature ne subisse plus de perturbations politiques. Vous avez refusé ; nous avons accepté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Sur ce sujet, nous n'avons donc aucun ordre, aucun conseil à recevoir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Données clés

Auteur : M. Georges Fenech

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 octobre 2016

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