14ème législature

Question N° 425
de M. Pouria Amirshahi (Socialiste, républicain et citoyen - Français établis hors de France )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > enfants

Analyse > kafala. réglementation.

Question publiée au JO le : 26/11/2013 page : 12172
Réponse publiée au JO le : 04/12/2013 page : 12564

Texte de la question

M. Pouria Amirshahi attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, en charge de la famille, sur les difficultés juridiques qu'éprouvent les familles ayant adopté un enfant hors de France. Cette question concerne les modes d'adoption dans des pays ne reconnaissant pas le changement des liens de filiation et notamment par la voie de la kafala judiciaire. Depuis 2001, et selon l'article 370-3 du code civil, la France considère que la loi personnelle de l'enfant prévaut en matière d'adoption. Cela signifie que l'enfant recueilli en kafala par une famille française n'a pas le statut d'enfant adopté. La protection de ces enfants est très fragile, pour les parents qui bénéficient de la délégation d'autorité parentale, limitative de droits, et pour les parents dont les enfants ont une filiation connue, soumis aux décisions des organismes sociaux et des différentes administrations. Il convient de rappeler que l'interdiction d'adopter cesse à partir du moment où l'enfant acquiert la nationalité française, ce qui est possible après que l'enfant ait résidé cinq années sur le territoire français au sein de la famille d'accueil. Mais ces solutions restent longues, précaires et complexes, et ne s'appliquent pas aux familles françaises vivant au Maroc ou en Algérie par exemple. Au quotidien, les familles connaissent des situations délicates à l'école ou pour l'obtention de visas. La difficulté est de respecter les cultures et les droits des pays dont sont issus les enfants de l'adoption internationale, tout en veillant que dans ce respect des diversités, le statut des enfants soit sécurisé. Plusieurs dispositions sont envisageables, également sur la base des propositions de réforme du Défenseur des droits, qui permettent la transposition des modes d'adoption d'enfants originaires de pays ne reconnaissant pas un changement de filiation en adoption simple. L'adoption simple, qui crée un lien additif, maintient la filiation d'origine et ne s'y substitue pas. Aussi, la question de la suppression de la condition de résidence pour la demande de nationalité française, pour les familles installées sur le territoire français et les familles françaises installées à l'étranger, doit être posée. Il souligne, en outre, la nécessité de rendre éligible les enfants adoptés hors de France, à la procédure de regroupement familial. Il lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour faire évoluer le statut des enfants adoptés hors de France, et plus spécifiquement le statut des enfants recueillis en kafala, dans le cadre du projet de loi famille, ainsi que le calendrier précis.

Texte de la réponse

DIFFICULTÉS JURIDIQUES LIÉES À L'ADOPTION PAR LE BIAIS DE LA KAFALA JUDICIAIRE


M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour exposer sa question, n°  425, relative aux difficultés juridiques liées à l'adoption par le biais de la Kafala judiciaire.

M. Pouria Amirshahi. Madame la ministre déléguée chargée de la famille, vous travaillez actuellement à l'élaboration d'un projet de loi sur la famille et vous avez déjà lancé des groupes de travail ; je pense plus particulièrement au groupe « protection de l'enfance et adoption », présidé par Mme Adeline Gouttenoire, qui traite du statut des enfants adoptés ou recueillis à l'international.

Je souhaite attirer votre attention sur la précarité juridique des familles qui ont adopté un enfant hors de France. Cette question du statut des enfants concerne les modes d'adoption dans des pays qui ne reconnaissent pas le changement des liens de filiation.

En effet, l'adoption telle que nous l'entendons n'est pas directement transposable dans les pays du Maghreb comme l'Algérie et le Maroc, où existe ce que l'on appelle la kafala judiciaire. Dans d'autres pays également, en Inde, en Haïti ou en Colombie, des procédures alternatives peuvent être prévues.

Depuis 2001, la France considère que la loi personnelle de l'enfant prévaut en matière d'adoption. Pourtant, le statut de ces enfants est très fragile puisqu'ils ne bénéficient pas d'une protection juridique et sociale suffisante dans le cas où les parents bénéficient de la délégation d'autorité parentale, limitative de droits, ou dans le cas où les parents sont soumis aux décisions des organismes sociaux.

Au quotidien, les familles connaissent des situations délicates, parfois éprouvantes, que ce soit à l'école lors de l'inscription de leurs enfants ou pour l'obtention de visas afin de se rendre en France. Faire famille n'est pas toujours reconnu par nos institutions, que ce soit dans nos consulats ou que ce soit dans nos écoles, alors même que la vie familiale est avérée.

De même, les procédures pour l'obtention de la nationalité française, après cinq ans de résidence sur le territoire français, restent longues, précaires et complexes. Surtout, elles ne s'appliquent pas aux familles françaises résidant à l'étranger, comme c'est le cas dans les pays de ma circonscription. On peut avoir accès à la nationalité française après cinq années de mariage, mais on ne peut pas y avoir accès après avoir fait famille ensemble avec ces enfants, qui restent de nationalité étrangère.

Aussi, la question de la suppression de la condition de résidence pour la demande de nationalité française, pour les familles installées sur le territoire français et les familles françaises installées à l'étranger, pourrait être posée.

Plusieurs dispositions sont envisageables, également sur la base des propositions du Défenseur des droits, qui permettent la transposition des modes de recueil d'enfants originaires de pays ne reconnaissant pas un changement de filiation en adoption simple.

Madame la ministre, merci de m'indiquer les mesures que vous entendez prendre, dans le cadre du projet de loi sur la famille, pour faire évoluer le statut des enfants adoptés hors de France, plus spécifiquement de ceux qui sont recueillis en kafala, et m'indiquer, par la même occasion, le calendrier que vous comptez mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le député, vous avez raison de souligner la mise en place de quatre groupes de travail dans le cadre de l'élaboration du projet de loi sur la famille, et de citer tout particulièrement celui qui est consacré à la protection de l'enfance et à l'adoption et dirigé par Mme Adeline Gouttenoire. Ce groupe réfléchit aux moyens de stabiliser le parcours des enfants qui bénéficient d'une mesure de protection de l'enfance et de mieux faire correspondre le droit à la réalité de l'adoption.

Dans ce cadre, j'ai demandé que la situation des enfants recueillis en kafala soit examinée et que des propositions concrètes me soient faites dans l'objectif d'améliorer les droits de ces enfants et de sécuriser leur statut juridique. En effet, la kafala est une modalité spécifique de recueil d'un enfant dans certains pays de tradition musulmane, comme l'Algérie et le Maroc, qui ne reconnaissent pas l'adoption.

Or, depuis 2001, il est impossible d'adopter un mineur étranger si sa loi personnelle prohibe l'adoption, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. La kafala est une mesure de protection de l'enfance, reconnue par la convention internationale des droits de l'enfant, qui ne crée pas de lien de filiation.

Le Défenseur des droits, auquel vous avez fait référence, a constaté que la kafala, dépourvue de bases juridiques claires, place en France les enfants qui en bénéficient dans une précarité de statut.

Le groupe de travail que j'ai mis en place réfléchit de manière globale au statut des enfants qui sont pris en charge par des personnes qui ne sont pas leurs parents de naissance : parents adoptifs, tuteurs, familles d'accueil, services de l'aide sociale à l'enfance, tiers dignes de confiance, etc.

Je suis attachée à ce qu'un enfant puisse s'inscrire dans un parcours stable. Je souhaite sécuriser les liens d'attaches noués par l'enfant avec les personnes qui l'élèvent, tout en reconnaissant les liens originels. C'est dans ce cadre que je veillerai à ce que les réformes de la protection de l'enfance et de l'adoption qui seront inscrites dans le projet de loi sur la famille puissent apporter des réponses satisfaisantes aux enfants recueillis par kafala judiciaire.

Je connais, monsieur le député, votre engagement auprès des familles ayant accueilli un enfant par cette procédure. Soyez assuré que je tiendrai compte de votre contribution. Soyez aussi assuré de notre détermination à donner un statut juridique clair à ces enfants pour lesquels c'est indispensable. Les propositions vont se faire dès le premier trimestre de 2014 et nous espérons, au travers de la loi sur la famille, apporter une réponse satisfaisante aux questionnements concernant ces enfants.