Question au Gouvernement n° 4307 :
détenus

14e Législature

Question de : Mme Françoise Descamps-Crosnier
Yvelines (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 27 octobre 2016


LUTTE CONTRE LA RADICALISATION EN PRISON

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Monsieur le garde des sceaux, la France est confrontée depuis plusieurs années désormais à la menace terroriste. J'en mesure particulièrement l'ampleur et la gravité pour être élue d'un territoire, Magnanville, qui a déjà eu à en subir la funeste attaque. En raison de sa nature même, le terrorisme pose un défi à la société française tout entière : nos différents secteurs d'activité, nos différentes administrations sont amenés à réévaluer leurs modes d'organisation à l'aune de cette menace. La puissance publique, à travers ses différents acteurs, a pris la mesure du défi auquel elle fait face. Je veux rendre hommage aux fonctionnaires qui, sur tout le territoire, sont mobilisés face au risque terroriste. Parmi eux, l'administration pénitentiaire a un rôle particulièrement sensible à assumer.

La radicalisation en prison est un sujet majeur et complexe : dans cet espace confiné, l'idéologie terroriste trouve des voies de diffusion particulièrement propices. Comment lutter contre la propagation de l'idéologie terroriste en milieu carcéral ? Votre ministère s'est très tôt posé cette question et a mené des expérimentations pour trouver des réponses efficaces. J'ai moi-même eu l'occasion de le constater en visitant à deux reprises la maison d'arrêt de Fresnes : l'implication des équipes y était totale.

Hier, vous avez annoncé la mise en œuvre d'un plan de sécurisation de nos établissements pénitentiaires qui nous permettra, notamment, de mieux lutter contre la radicalisation violente. Réorganisation administrative, moyens supplémentaires à hauteur de 58,6 millions d'euros, structuration du renseignement pénitentiaire, nouvelle organisation de la prise en charge de la radicalisation… C'est un plan d'ensemble que vous avez présenté, et je veux saluer cette démarche globale et ambitieuse face à une menace protéiforme et complexe. Monsieur le ministre, au-delà des éléments structurels majeurs que vous avez présentés, pouvez-vous nous indiquer comment ce plan se traduira concrètement dans nos prisons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, merci pour votre question !

M. Claude Goasguen. …spontanée !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Vous avez raison, depuis le début de l'année, l'administration pénitentiaire s'est engagée dans une démarche courageuse, et je veux remercier Isabelle Gorce, qui en était alors directrice, car il n'était pas facile d'innover face à un phénomène aussi nouveau et aussi massif. Nous avions donc créé des unités dédiées. Neuf mois après, il est temps de tirer les leçons de cette expérience, devant un phénomène qui a numériquement progressé depuis : nous avons, en ce moment, dans nos établissements, 351 détenus pour des incriminations terroristes et 1 336 détenus, souvent de droit commun, qui se sont radicalisés.

De cette expérience des unités dédiées, nous retenons deux choses. Il faut évaluer pour orienter. Nous créons, à la place des unités existantes, six structures d'évaluation dans lesquelles passeront, pendant quatre mois, tous les détenus dont nous suspectons la radicalisation. Au terme de cette période, ils seront orientés dans des établissements qui seront organisés en fonction de la dangerosité supposée des personnes en question. Pour la première strate – les individus les plus déterminés, les plus prosélytes, les plus violents –, nous construirons, notamment dans les maisons centrales, plus de 300 places, ce qui nous permettra d'avoir des certitudes. Ceux qui sont moins déterminés, moins prosélytes, moins violents, mais tout aussi radicalisés, feront l'objet de processus de prise en charge personnelle dans vingt-sept établissements. Enfin, ceux qui sont dans une situation d'observation, mais qui nécessitent une attention et une vigilance, resteront dans leurs établissements actuels.

En contrepartie, nous créons des équipes de sécurité pénitentiaire et une sous-direction à la sécurité au sein de l'administration pénitentiaire. Ce ne sont encore que des expérimentations, mais j'en revendique la pertinence car face à un phénomène aussi nouveau, je ne crois pas que l'on puisse avoir des certitudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Données clés

Auteur : Mme Françoise Descamps-Crosnier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 octobre 2016

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