sécurité
Question de :
M. Lionel Tardy
Haute-Savoie (2e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 2016
FICHIER DES TITRES ÉLECTRONIQUES SÉCURISÉS
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe Les Républicains.
M. Lionel Tardy. Monsieur le Premier ministre, vous avez publié en douce, en plein week-end de la Toussaint, un décret autorisant la création d'un gigantesque fichier des titres électroniques sécurisés, le fichier TES. Il faut prendre la mesure de la taille de ce fichier qui rassemblera les données personnelles relatives à 60 millions de personnes, soit la quasi-totalité de la population française. Il comportera notamment notre état civil, mais aussi notre taille, notre adresse, la filiation de nos parents ou encore l'image numérisée de notre visage.
Le but annoncé de ce fichier, commun aux cartes nationales d'identité et aux passeports, est de simplifier les démarches et de lutter contre l'usurpation de l'identité. Nous souscrivons à ces finalités. En 2012, notre majorité avait avancé une proposition similaire, mais sous forme de proposition de loi, laquelle avait été censurée par le Conseil constitutionnel après avoir fait l'objet d'une forte opposition de la part de la gauche, en particulier de M. Urvoas, devenu depuis ministre de la justice !
M. Yves Censi. C'est le fichier des gens honnêtes !
M. Lionel Tardy. Ce qui pose sérieusement problème, c'est la méthode employée. Compte tenu de son ampleur, un tel fichier ne devrait pas pouvoir être créé sans qu'un grand débat public ait lieu. Il est anormal que le Parlement n'ait pas été saisi de ce sujet compte tenu de son caractère exceptionnel, qu'a relevé la CNIL.
M. Yves Censi. Cela mérite une commission d'enquête !
M. Lionel Tardy. Ce simple décret pourra être modifié au gré des majorités gouvernementales. Il n'est donc pas exclu que ce fichier, qui existera bel et bien, soit détourné à des fins bien plus inquiétantes pour nos libertés publiques. Surtout, je doute que toutes les garanties soient réunies en termes de sécurité. Le risque de piratage de ce fichier, de détournement et d'accès inapproprié ne pourra jamais être écarté. Votre volonté de créer une gigantesque base de données centralisée présente de sérieux risques en matière de protection des droits et libertés de nos concitoyens. Il est très étonnant de voir ceux qui dénonçaient cette mesure auparavant la mettre en place en catimini. Pourquoi avoir publié ce décret sans aucun débat au Parlement ni véritable étude d'impact ? Êtes-vous conscient, monsieur le Premier ministre, des risques qu'encourent les données de 60 millions de Français ? À la faveur de la fête d'Halloween, le Gouvernement semble avoir pris les Français pour des citrouilles ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Halloween inspirait surtout votre question, monsieur le député ! Le décalage est en effet total entre la réalité du contenu de ce fichier et ce que vous en dites ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
M. Yves Censi. Vous avez l'habitude !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vais simplement vous fournir quelques informations afin que vous sortiez d'ici sans ressentir la frayeur que suscite la citrouille d'Halloween. (Mêmes mouvements.) Le fichier que vous aviez proposé a été censuré par le Conseil constitutionnel. Les finalités de celui que nous avons mis en place par décret comme ses règles de consultation n'ont rien de commun avec celles du précédent. Il s'agit d'intégrer les données d'un fichier obsolescent qui existe déjà, le FNG, destiné à l'instruction des demandes de carte nationale d'identité, dans un fichier bien plus fiable, car récent, comportant notamment les données biométriques relatives aux passeports, biométrisés depuis 2009. Cette injection permet d'une part de donner une base informatique solide aux cartes d'identité – je répète que le FNG était obsolète et posait des problèmes de maintenance – et d'autre part d'instruire conjointement ces deux types de documents d'identité et de voyage que sont les passeports et les cartes nationales d'identité.
Nous n'instaurons pas la carte d'identité électronique que vous aviez proposée. Nous n'installerons aucune puce dans la carte nationale d'identité, qui ne fera l'objet d'aucune utilisation biométrique. Nous ne créons pas un fichier identique à celui qui a été censuré en 2012. Par ailleurs, contrairement à ce que vous indiquez, ce fichier a été intégralement validé par le Conseil d’État et par la CNIL, qui l'a qualifié de « déterminé, explicite et légitime ». Sur la base de ces informations, vous devriez pouvoir quitter la séance pleinement rassuré, sinon absolument converti ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : M. Lionel Tardy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Papiers d'identité
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 2016