Turquie
Question de :
M. François-Michel Lambert
Bouches-du-Rhône (10e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 9 novembre 2016
SITUATION EN TURQUIE
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
M. François-Michel Lambert. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Permettez-moi d'y associer mes collègues Henri Jibrayel, Christian Kert, ainsi que les parlementaires mobilisés sur ce sujet.
Vendredi 4 novembre, onze députés du parti HD, le Parti démocratique des peuples, ont été arrêté en Turquie.
Un mandat d'arrêt a été lancé à l'encontre de plusieurs autres députés en déplacement l'étranger.
Depuis la tentative du coup d'État du 15 juillet, dans toute la Turquie, en particulier au Kurdistan, répression et violence s'intensifient chaque jour contre l'opposition. Plus de 100 000 personnes ont été arrêtées, 3 600 juges et procureurs ont été limogés, 2 000 écoles et universités fermées, 12 000 enseignants destitués, 133 journalistes incarcérés, 186 médias, dont vingt-trois chaînes de télévision et stations de radio kurdes fermées. Quarante mairies sont mises sous tutelle, et leurs élus incarcérés. Avocats, étudiants, intellectuels, syndicalistes leaders politiques, défenseurs des droits de l'homme sont jetés en prison, voire torturés.
Erdogan veut restaurer la peine de mort. Il sera alors en mesure de détruire toute trace d'une opposition déjà affaiblie, d'une presse amputée et muselée, de minorités profondément meurtries par nombre de massacres organisés.
Monsieur le ministre, en mon nom, en celui de mes collègues et du député turc kurde Garo Paylan, que je devais rencontrer ce dimanche et qui est retenu par la force en Turquie, je vous demande de dresser un bouclier moral face à la dérive dictatoriale du régime Erdogan. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !
La France doit agir concrètement, notamment grâce à sa place et son rôle au Conseil de sécurité des Nations unies. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de l'Union des démocrates et indépendants, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, depuis plusieurs semaines en effet, la Turquie connaît une évolution préoccupante, vous venez de le rappeler. Vous avez décrit la situation. Des arrestations se sont succédé : celles de journalistes, de députés, par exemple du maire de la ville de Diyarbakir. La répression est continue, et surtout elle s'est amplifiée depuis le coup d'État du 15 juillet. Elle prend un tour préoccupant.
Alors, il faut faire face à ces évolutions. Il faut être lucide sur la situation et clair sur nos principes.
La lucidité, c'est de reconnaître aussi que la Turquie est la cible du terrorisme, qu'il vienne de Daech ou du PKK.
M. Claude Goasguen. Vous ne pouvez pas dire ça ! Cela suffit avec les Kurdes !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Il ne faut pas oublier non plus la tentative du coup d'État du 15 juillet,…
M. Claude Goasguen. Arrêtez !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. …au cours de laquelle le Parlement, symbole démocratique, a été bombardé, ce qui a provoqué un véritable choc dans le pays. J'ai pu m'en rendre compte lors de mon récent déplacement à Ankara, le 24 octobre.
La Turquie est en droit de se défendre, mais elle ne peut pas le faire, à nos yeux, sans respecter les principes de l'État de droit. Je l'ai dit très clairement à mes interlocuteurs. Ce n'est pas lorsqu'elle prend, comme elle le fait depuis plusieurs semaines, les mesures que vous avez rappelées.
Avec nos partenaires de l’Union européenne, nous nous sommes concertés. Nous sommes très clairs et nous avons dénoncé ce qui vient de se passer.
M. François Rochebloine. Belle réussite !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. En effet, nous pensons qu'il faut maintenir le dialogue avec la Turquie.
M. François Rochebloine. Pendant que les députés sont en prison !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Mais ce dialogue doit être franc. Il doit être clair. En particulier, il est nécessaire de rappeler que la Turquie fait partie du Conseil de l’Europe, comme nous, ce qui implique le respect de certaines valeurs fondamentales, par exemple le refus de la peine de mort.
Nous devons faire comprendre à la Turquie, qui se replie aujourd'hui, qu'elle n'a aucun intérêt à agir ainsi. Si elle veut respecter le droit, elle doit commencer par respecter l'État de droit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : M. François-Michel Lambert
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 novembre 2016