Question de : M. Thierry Lazaro
Nord (6e circonscription) - Les Républicains

M. Thierry Lazaro appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sur l'action que compte mener le Gouvernement s'agissant du système de traçabilité et d'authentification des produits du tabac sur le territoire français prévu par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificatives pour 2012, aujourd'hui codifié à l'article 569 du code général des impôts. Selon cet article, « tous les paquets, cartouches et tous conditionnements de cigarettes importées, introduits, exportés, expédiés ou commercialisés en France doivent être revêtus d'une marque d'identification unique, sécurisée et indélébile, permettant de garantir leur authentification et leur traçabilité ainsi que d'accéder à des informations relatives à leurs mouvements ». Cet article prévoit par ailleurs qu'un décret d'application doit fixer les conditions d'apposition de cette marque d'identification et de traçabilité unique et déterminer les catégories de données faisant l'objet du traitement informatique. Or ce décret n'a toujours pas été promulgué, presque un an après l'adoption de cette mesure. Déjà sollicité sur cette question, le Gouvernement, pour justifier ce retard, a fait savoir qu'il entendait surseoir à la mise en œuvre nationale des mesures prévues par l'article 569 du code général des impôts afin de ne pas courir le risque d'une incompatibilité entre ces mesures et celles de la directive sur les produits du tabac actuellement en cour de révision à Bruxelles parce qu'elle comporte, elle aussi, des obligations en matière de marquage et de traçabilité dont il serait impossible d'anticiper le contenu. La lecture du texte européen laisse cependant apparaître que les instances bruxelloises entendent pour l'heure imposer et généraliser un système d'authentification et de traçabilité consistant en l'apposition de solutions papier revêtues d'encres sécurisées sur les paquets de cigarettes et ce, à l'exclusion de tous les autres. Or ce type de système est inutile et inefficace. En effet, ces solutions papier, ainsi que leur nom l'indique, ont en premier lieu avant tout pour vocation de sécuriser les rentrées fiscales issues de la vente des produits du tabac. Or, eu égard à la structure actuelle du marché français, lequel se caractérise par l'existence d'un monopole de vente au détail des buralistes strictement encadré par les douanes qui en sont l'administration de tutelle, la collecte fiscale des droits de consommation des produits du tabac légalement vendus en France est déjà largement assurée et sécurisée. En deuxième lieu, ces solutions papiers ont aujourd'hui fait la démonstration de leur inefficacité. En effet, dans les États où ce système a été utilisé (Californie, Brésil, Ukraine, Turquie, Maroc...) le commerce illicite n'a pas baissé, et a parfois même augmenté. Quelle que soit la méthode d'impression utilisée, les solutions papier sont, partout dans le monde, très rapidement copiées et ne peuvent donc aider à atteindre les objectifs de lutte contre la contrefaçon. En troisième lieu, même les solutions papier théoriquement plus « sophistiqués » n'incluent pas de fonctionnalité permettant la traçabilité des produits, comme le confirme une récente étude de l'OMS (OMS, FCTC, « Analysis of the available technology for unique markings in view of the global track-and-trace regime proposed in the negotiating text for a protocol to eliminate illicit trade in tobacco products », 22 février 2010, Genève). Les solutions papier sont donc également totalement inutiles dans la lutte contre la contrebande. Enfin, les solutions papier sont bien plus coûteuses que d'autres technologies, notamment celles basées sur le marquage numérique qui permettent une authentification immédiate des produits par les autorités publiques mais aussi par l'ensemble des acteurs de la chaîne de distribution, des industriels jusqu'aux consommateurs. Cette question est d'autant plus importante que le marché parallèle représente aujourd'hui plus de 20 % du marché légal exposant ainsi nos concitoyens à un risque accru en termes de santé publique en ce que la fabrication des produits contrefaits échappe à tout contrôle. L'existence de ce marché parallèle menace par ailleurs des buralistes, et plus particulièrement ceux des zones frontalières, qui en subissent de plein fouet la concurrence déloyale et voient leur nombre sans cesse diminuer année après année. Ce marché parallèle est également source d'importantes pertes fiscales pour l'État évaluées annuellement à 2,5 milliards d'euros. Il souhaiterait donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre rapidement en ce domaine, tant à l'échelon européen, afin que la France prenne officiellement position contre les solutions papier, qu'à l'échelon national, afin de mettre en place un dispositif efficace d'authentification unitaire des produits du tabac et de leur traçabilité basée sur les technologies numériques les plus modernes puisque la France est leader mondial sur ce marché appelé dans le futur à se développer.

Réponse publiée le 11 mars 2014

La Commission européenne a présenté le 19 décembre 2012 sa proposition de révision de la directive sur les produits du tabac qui a vocation à encadrer la production, la présentation et la distribution des produits destinés au marché de l'Union ou mis sur le marché de l'Union. Elle prévoit également des obligations en matière de marquage et de traçabilité en son article 14. Selon cet article, les données doivent être stockées par un tiers indépendant dont l'installation serait hébergée sur le territoire de l'Union européenne et contrôlée par un auditeur externe, approuvé par la Commission. Ces données sont actuellement la propriété des cigarettiers et sont gérées par eux dans leurs bases de données internes mises en place suite à la conclusion des accords entre l'Union européenne (OLAF), les États membres et les cigarettiers, le 9 juillet 2004 avec Philipp Morris International, le 14 décembre 2007 avec Japan Tobacco International, le 15 juillet 2010 avec British American Tobacco et le 27 septembre 2010 avec Imperial Tobacco Limited. Ces accords ont pour objet la lutte contre la contrebande et la contrefaçon des produits du tabac dans l'Union en établissant un ensemble de règles applicables aux fabricants de tabac, notamment des obligations en matière de suivi et de traçabilité des cigarettes. La proposition de directive prévoit que la Commission adoptera par acte d'exécution : - les éléments essentiels du contrat entre les professionnels et le tiers de confiance ; - les normes techniques pour que les identifiants uniques soient compatibles dans toute l'Union européenne et celles relatives au dispositif de sécurité. Le projet de directive a fait l'objet d'un consensus politique en conseil Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs (EPSCO) en juin 2013, quand bien même son contenu a très sensiblement évolué lors de son examen en séance plénière du Parlement européen le 8 octobre 2013 et lors du trilogue. Compte tenu du fait que le projet de directive est examiné par le trilogue et que le contenu des actes délégués ou d'exécution fixant les normes applicables aux systèmes de marquage et de traçabilité est inconnu à l'heure actuelle, il est prématuré d'envisager le recours à une solution technique déterminée de marquage des produits du tabac. La conformité des processus de marquage avec la directive et les actes délégués ou d'exécution sera mise en oeuvre après leur adoption au moyen d'un décret d'application de l'article 569 du code général des impôts instituant une obligation en matière de marquage et de traçabilité des produits du tabac, et si besoin d'une modification dudit article.

Données clés

Auteur : M. Thierry Lazaro

Type de question : Question écrite

Rubrique : Parlement

Ministère interrogé : Budget

Ministère répondant : Budget

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2013
Réponse publiée le 11 mars 2014

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