14ème législature

Question N° 4388
de M. Olivier Falorni (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Charente-Maritime )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > santé

Tête d'analyse > fin de vie

Analyse > encadrement.

Question publiée au JO le : 23/11/2016
Réponse publiée au JO le : 23/11/2016 page : 7673

Texte de la question

Texte de la réponse

POURVOI EN CASSATION DU MINISTÈRE PUBLIC CONTRE LA RELAXE DE JEAN MERCIER


M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Monsieur le ministre de la justice, Jean Mercier a quatre-vingt-huit ans. Il est gravement malade, et cela fait cinq ans que ce vieil homme est traité comme un criminel pour avoir accompli un geste de compassion, un acte d'amour à l'égard de son épouse de quatre-vingt-trois ans, qui le suppliait d'abréger les souffrances insupportables d'une vie qui n'était plus qu'une survie. Alors oui, après cinquante-cinq ans de mariage, M. Mercier a accepté d'aider sa femme à décapsuler les médicaments nécessaires pour qu'elle s'éteigne dans l'apaisement.

Condamné en première instance pour non-assistance à personne en danger, Jean Mercier avait finalement été relaxé en appel, le 10 novembre dernier, au grand soulagement de ses proches. Or, nous avons appris avec stupeur, il y a quelques jours, que le ministère public, en l'occurrence le parquet général de Lyon, décidait de se pourvoir en cassation contre cette relaxe. Cela signifie que cet homme de près de quatre-vingt-dix ans, malade, usé et épuisé, va devoir subir à nouveau, pendant des mois, voire des années, cette infernale mécanique judiciaire, à moins que, pis encore, il ne quitte ce bas monde avant d'avoir été définitivement innocenté.

Cette affaire démontre, hélas, une nouvelle fois, que notre législation sur la fin de vie est totalement hypocrite et qu'elle ne règle rien, bien au contraire. Pour avoir épargné à sa femme de subir un acharnement médical, Jean Mercier subit aujourd'hui un acharnement judiciaire. C'est pour lui un double drame et une double peine. Monsieur le ministre, il y a la loi, mais aussi l'esprit de la loi. Celui-ci devrait conduire, par humanité, à laisser enfin ce vieil homme pouvoir finir sa vie en paix. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants, et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, il y a la loi et il y a l'esprit de la loi. S'agissant de l'esprit de la loi, chacun d'entre nous peut avoir une opinion personnelle sur cette douloureuse affaire. S'agissant de la loi, l'Assemblée nationale, le Sénat ont voté, en 2013, un texte qui interdit au garde des sceaux de donner des instructions individuelles sur les affaires. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) C'est dorénavant l'article 30 du code de procédure pénale. Il va donc de soi que le parquet général de la cour d'appel de Lyon ne m'a pas informé de sa décision de former appel.

Les faits sont simples, et vous les avez très justement répétés. Le tribunal correctionnel s'est prononcé sur le chef de non-assistance à personne en danger. La cour d'appel de Lyon a estimé que ce n'était pas ce chef d'accusation qui devait être retenu, mais celui de meurtre ou de complicité de meurtre. Il y a donc une divergence entre les deux juridictions. Vous savez comme moi que, depuis sa création en 1804, la Cour de cassation n'est pas une troisième juridiction.

La chambre criminelle de la Cour de cassation va se prononcer sur la qualification des faits et vérifier que les procédures se sont déroulées dans le strict respect de la légalité. Cela peut être frustrant pour ceux qui, comme vous, mènent un combat pour le droit de mourir dans la dignité, mais ce ne sera pas le propos de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui ne se prononcera que sur la qualification de droit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)