gouvernement
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 8 décembre 2016
MONTÉE DES POPULISMES EN EUROPE
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Joël Giraud. Monsieur le Premier ministre, l'Europe a vécu un week-end à haut risque. Alors que la mission d'information sur le Brexit se trouvait à Berlin et que l'inquiétude du patronat allemand, comme de nos collègues députés, était palpable, s'agissant notamment de la situation politique en Italie, la France ne semblait pas s'en préoccuper outre mesure. Certes, la situation franco-française était pour le moins sujette à rebondissements, mais est-ce une raison pour ne pas voir un monde qui vacille à nos portes, surtout s'il s'agit de la sixième puissance économique mondiale et de notre deuxième partenaire commercial, l'Italie ?
Nous avons déjà brillé par notre non-ingérence dans le débat politique interne en Autriche, alors que le candidat qui a failli l'emporter, Norbert Hofer, avait annoncé son intention d'organiser un Anschluss sur la province italienne germanophone du Haut-Adige, au nom d'un pangermanisme hallucinant au sein même des frontières de l'Union européenne.
Aujourd'hui, la déstabilisation de l'Italie inquiète. Le Financial Times n'hésite pas à considérer les derniers événements comme plus dangereux pour l'Union européenne que le Brexit. En effet, au vu de la faiblesse des partis politiques classiques, c'est surtout le mouvement 5 étoiles – Movimiento Cinque Stelle – de Beppe Grillo qui a gagné, dimanche, en Italie, avec une coalition plus qu'hétéroclite, réunie autour d'un seul leitmotiv – tous pourris ! – diffusé comme un message permanent sur les réseaux sociaux par celui que l'on nomme le Dieudonné italien tant ses dérapages antisémites sont abjects.
Cette quasi-prise de pouvoir via les réseaux sociaux est inquiétante, puisque les pires contre-vérités peuvent devenir paroles d'évangile en quelques heures, face à une justice qui, en France comme ailleurs, ne poursuit même plus les auteurs de propos diffamatoires utilisant ce vecteur d'information, ou plutôt de désinformation.
Alors, oui, monsieur le Premier ministre, au moment où vous prenez vos fonctions – et vous savez à quel point notre groupe vous fait confiance – quelle voix allez-vous porter, en France et en Europe, pour que le message de paix, de sécurité et de prospérité du général de Gaulle et de Konrad Adenauer redevienne un motif d'espoir, porteur de civilisation, dans une Europe qui a mal à ses populismes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le député, votre question renvoie à des sujets essentiels, non seulement celui de la montée des populismes mais aussi celui d'une forme de désespérance en Europe : la situation de nombreux pays, telle que vous l'avez égrenée, montre que des interrogations existent, auxquelles les peuples européens ne trouvent pas de réponse. Ni son projet ni celui des gouvernements européens ne leur permettent de donner un sens et une direction à l'Union européenne.
C'est la raison pour laquelle, comme vous nous y invitez, et nous le faisons, nous devons absolument agir au sein de l'Union européenne afin que ses grandes politiques soient visibles et que l'Europe fasse sens. Sur quels sujets devons-nous nous mobiliser ?
Il faut d'abord agir sur la croissance – après l'impulsion donnée par le Président de la République, Michel Sapin est en première ligne sur ce sujet – non seulement dans le cadre du plan Juncker, mais encore en matière d'innovation, de recherche ou encore des investissements structurants dont l'Europe a besoin afin de progresser en ce qui concerne le développement durable, les transports du futur et le développement de l'économie de demain, notamment l'équipement en infrastructures numériques de l'ensemble de l'Union.
Il est évident que, si les citoyens de l'Union européenne étaient plus conscients et certains des opportunités que l'Europe offre dans tous ces champs renvoyant à l'essentiel, c'est-à-dire à la préparation de l'avenir, ils trouveraient un sens qui conduirait à réduire les populismes.
Un second élément est fondamental : l'Europe a besoin de protection. Lorsque j'étais ministre de l'intérieur, j'ai pu constater, comme Manuel Valls à cette même responsabilité, que des mois entiers de négociation étaient nécessaires, au sein du Conseil Justice et affaires intérieures, du Conseil européen puis du trilogue, pour prendre des décisions urgentes dont l'Europe a besoin pour assurer la protection de ses frontières extérieures ou encore réformer le point 2 de l'article 7 du code frontières Schengen.
Alors, oui, il y a urgence à avancer sur ces sujets. L'Europe doit protéger nos concitoyens, en contrôlant mieux ses frontières extérieures, en accélérant la montée en puissance de Frontex, en luttant contre la fraude documentaire, en alimentant le système d'information Schengen et en connectant le fichier Schengen à l'ensemble des autres fichiers.
Il faut aussi protéger notre propre modèle de développement européen, notre modèle social. Les règles qui s'appliquent aux travailleurs détachés conduisent à un véritable dumping social. Dans ce domaine, ce qu'ont fait le Président de la République, mon prédécesseur, Matthias Fekl ou le ministre des affaires étrangères pour définir une position extrêmement claire sur le traité de libre-échange transatlantique tout en faisant profiter notre économie d'opportunités, comme les accords de libre-échange avec le Canada, tout cela donne du sens à l'action de l'Union européenne.
Nous ne combattrons donc les populismes que si nous pouvons donner du sens, un sens qui crée de l'espérance pour l'Europe.
Ce gouvernement, sous l'autorité du Président de la République, agira sans trêve pour que cela soit possible, que cela soit perçu et pour que les populismes, qui constituent une impasse, parce qu'ils ne présentent aucune solution, ne puissent pas imposer l'absurdité de leur message en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 décembre 2016