Question au Gouvernement n° 4463 :
Syrie

14e Législature

Question de : M. Olivier Faure
Seine-et-Marne (11e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 15 décembre 2016


SITUATION À ALEP

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Olivier Faure. « Au secours ! Au secours ! », c'est l'ultime message, le cri de ces milliers de femmes, d'enfants, de vieillards, d'hommes qui peuplent encore la ville martyre d'Alep. Monsieur le Premier ministre, les témoignages qui nous parviennent encore décrivent tous la même tragédie.

Un député du groupe Les Républicains. C'est ça la guerre !

M. Olivier Faure. Celle de l'agonie d'une ville, d'un massacre systématisé, d'une guerre au-delà de la guerre. Alep est une ville encerclée, sciemment affamée, scientifiquement pilonnée. Les troupes de Bachar Al-Assad et ses alliés russes ont délibérément détruit tous les hôpitaux, interdisant même la prise en charge des blessés. Alep n'est plus une ville ; c'est un piège, une souricière. Ce n'est pas une guerre, ce n'est même plus une boucherie, c'est une extermination planifiée.

Un député du groupe Les Républicains. Envoyez Duflot ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. Olivier Faure. Depuis des mois, certains nous disent que la diplomatie, ce n'est pas la morale, que Bachar Al-Assad est le dernier rempart contre le djihadisme, que les Russes ont la force de vaincre l'État islamique.

M. Claude Goasguen. Et Al-Qaïda !

M. Olivier Faure. Mais les forces russes sont aujourd'hui concentrées à Alep, contre la rébellion syrienne. Pendant ce temps, la pression sur Daech se desserre, ce qui a permis à l'organisation terroriste de reprendre Palmyre.

Ces dernières heures ont d'abord été marquées par l'espoir d'un cessez-le-feu – à peine négocié, déjà suspendu.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Olivier Faure. Et c'est sous la pluie, dans le froid, que les enfants d'Alep attendent un réveil international. C'est l'humanité qui est bafouée à Alep, et c'est un précédent tragique qui est ouvert par un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Monsieur le Premier ministre, quelle sera l'action de la France dans les prochaines heures pour répondre à cette urgence humanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le député, je veux d'abord vous féliciter pour votre élection à la tête du groupe socialiste, écologiste et républicain et remercier, à travers vous, l'ensemble des parlementaires qui, hier, m'ont accordé leur confiance.

À l'occasion de ma déclaration de politique générale, et au tout début de mon propos, j'ai évoqué la situation à Alep. La priorité de la France est très claire et a été exprimée à plusieurs reprises par le Président de la République et le chef de notre diplomatie, Jean-Marc Ayrault : il faut impérativement arrêter les massacres contre les populations qui sont prises au piège d'Alep, dans les conditions tragiques que vous avez évoquées. Nous n'acceptons pas que les bombardements et les combats puissent atteindre un tel niveau de barbarie.

Une guerre totale, oui, a été déclarée par le régime de Bachar Al-Assad, avec le soutien de la Russie, contre son propre peuple. La destruction délibérée d'hôpitaux, d'établissements scolaires, le ciblage déterminé de populations civiles, de familles, d'enfants, constitue ce qu'il faut appeler des crimes de guerre. Face à cela, vous avez eu raison de le dire, il y a une urgence humanitaire.

La Russie, qui est un grand pays – du fait de son histoire, de sa culture, de sa place dans le monde – doit enfin prendre ses responsabilités de grande puissance. Elle doit provoquer et respecter l'arrêt complet des bombardements, garantir un accès humanitaire qui permette l'évacuation des populations civiles. Elle l'a annoncé hier, à la suite de l'accord entre le régime et les groupes armés qu'elle a coparrainé avec la Turquie hier, mais dont on voit aujourd'hui la difficulté de la mise en œuvre sur le terrain.

Il faut aussi que les crimes du régime, qui utilise des armes chimiques contre son peuple, crimes mis au jour de manière indiscutable par la mission d'enquête conjointe de l'ONU, soient non seulement dénoncés, mais aussi – c'est une question d'honneur, de morale devant l'humanité – poursuivis farouchement devant la justice internationale. Il ne peut y avoir, monsieur le député, d'impunité pour les criminels de guerre en Syrie.

La situation à Alep est une véritable injure faite à l'humanité et une raison de mobilisation pour tous les humanistes. Elle est inacceptable. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a reçu lundi les représentants de l'opposition modérée, ainsi que les dirigeants des organisations humanitaires qui travaillent encore à Alep ou dans d'autres villes assiégées. C'est pourquoi le ministre des affaires étrangères a réuni, le 10 décembre à Paris, les membres du groupe des pays affinitaires qui souhaitent que soit trouvée une solution politique en Syrie.

C'est, enfin, la raison pour laquelle la France a demandé la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies hier. À cette occasion, nous avons demandé l'évacuation de la ville, sous observation internationale et en présence des organisations humanitaires. Nous continuerons d'agir, sans trêve ni pause, pour qu'une aide et une protection immédiates, sans conditions, soient apportées aux habitants de la partie est d'Alep, sans discrimination et conformément au droit humanitaire international.

Ceux qui prétendent qu'il n'y a, pour la paix en Syrie, que le choix entre Bachar Al-Assad et Daech commettent, monsieur le député, une triple erreur : une erreur politique, une erreur stratégique, mais surtout une erreur morale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur certains du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Olivier Faure

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 décembre 2016

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