14ème législature

Question N° 4482
de M. Patrick Hetzel (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Relations avec le Parlement
Ministère attributaire > Relations avec le Parlement

Rubrique > ministères et secrétariats d'État

Tête d'analyse > justice : fonctionnement

Analyse > Inspection générale des services judiciaires. pertinence.

Question publiée au JO le : 21/12/2016
Réponse publiée au JO le : 21/12/2016 page : 8978

Texte de la question

Texte de la réponse

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE


M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe Les Républicains.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le Premier ministre, par un simple décret en date du 5 décembre, vous venez de porter un coup très rude à l'indépendance de la justice. Les magistrats ont découvert avec stupéfaction au Journal officiel que la Cour de cassation, juridiction supérieure de l'autorité judiciaire, allait être placée sous le contrôle du Gouvernement par l'intermédiaire de l'Inspection générale des services judiciaires.

Alors qu'auparavant ce contrôle se limitait aux juridictions dites du premier et du second degré, le décret du 5 décembre supprime cette précision, faisant de facto entrer la Cour de cassation dans le champ de l'Inspection générale.

M. Claude Goasguen. C'est invraisemblable ! Inadmissible !

M. Patrick Hetzel. C'est une rupture totale avec la tradition républicaine, à tel point que, fait très rare, le procureur général et le premier président de la Cour de cassation vous ont adressé un courrier pour obtenir des explications.

Jusqu'à présent, la Cour de cassation effectuait son contrôle elle-même, par le biais d'un rapport d'activité rendu tous les ans. Comme vous le savez, la Cour de cassation a la mission constitutionnelle de protéger les libertés individuelles des Françaises et des Français. Elle ne doit en aucun cas être placée sous le contrôle du pouvoir exécutif.

De toute évidence, cette décision porte clairement atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

M. Bernard Accoyer. C'est vrai !

M. Patrick Hetzel. L'exécutif va avoir le contrôle direct sur la cour suprême en France. Une nouvelle fois, il y a un écart béant entre vos discours et vos actes !

Monsieur le Premier ministre, face à leur protestation légitime, allez-vous recevoir les plus hauts magistrats de France et revenir sur ce funeste décret ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a reçu samedi dernier les deux plus hauts magistrats de France pour leur rappeler que le décret dont vous parlez applique tout simplement à la Cour de cassation le régime appliqué depuis des années à toutes les juridictions judiciaires de France, qui sont soumises à des audits réalisés par des magistrats indépendants. C'est tout ce dont il s'agit.

M. Claude Goasguen. Ce n'est rien, en somme !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Cette disposition a été renforcée par la loi organique du 8 août 2016. La création de l'Inspection générale de la justice était une proposition de la Cour des comptes qui a été adoptée à l'unanimité ici même, dans cette assemblée. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

La loi organique du 8 août 2016 a non seulement créé cette inspection, mais elle a en plus renforcé l'indépendance de ses membres en consacrant explicitement leur appartenance au corps judiciaire, avec toutes les garanties d'indépendance y afférentes.

M. Claude Goasguen. Entendre cela de la part d'un juriste ! Quelle honte !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Il résulte évidemment de la Constitution que l'Inspection n'a pas compétence pour se prononcer sur l'acte de juger et sur les jugements rendus. Cette inspection s'inscrit donc tout naturellement dans le respect de la séparation des pouvoirs.

M. Jean Leonetti. C'est totalement faux !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Mais puisque vous parlez de « grand écart », monsieur le député, permettez-moi de faire un petit historique sur la justice depuis 2012. Qui a suivi scrupuleusement les avis du Conseil supérieur de la magistrature en matière de nominations ? Ce gouvernement, contrairement au gouvernement précédent ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philippe Cochet et M. Alain Marty. Faux !

M. Claude Goasguen. Vous cherchez à noyer le poisson !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Qui a défendu la réforme constitutionnelle de l'indépendance du parquet ? Ce gouvernement et cette majorité, contre votre opposition ! Et c'est à cause de vous que cette réforme n'a pu aboutir.

Enfin, qui a fait inscrire dans la loi l'interdiction faite au ministre de la justice de donner des instructions individuelles ? Ce gouvernement et cette majorité, contre votre opposition ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vous voyez, monsieur le député, en matière d'indépendance de la justice, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la respectent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)