durée du travail
Question de :
M. Denys Robiliard
Loir-et-Cher (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 11 janvier 2017
DURÉE DU TRAVAIL
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
M. Denys Robiliard. En ce début d'année, ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Permettez-moi, pour ouvrir mon propos, de citer une blague britannique lancée par le magazine The Economist, dont chacun connaît le gauchisme échevelé : « Les Français pourraient être en congés le vendredi, ils produiraient encore davantage que les Britanniques en une semaine ». De fait, selon Eurostat, la productivité réelle par personne occupée a progressé de 8,9 % en France entre 2002 et 2015. En Allemagne, sur la même période, la productivité a augmenté de 6,9 %, soit 22,47 % de moins.
Je ne sais pas si M. Fillon apprécie l'humour anglais (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), mais ses propositions en matière de temps de travail relèvent, au regard de la productivité des travailleurs français, de la mauvaise plaisanterie. Il promet tout simplement de « supprimer la contrainte des 35 heures et laisser les salariés et chefs d'entreprise négocier librement la durée de travail hebdomadaire dans la limite des 48 heures posée par le droit européen. » (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) C'est tout de même un monde que l'opposition s'indigne que l'on puisse citer son champion ; en auriez-vous déjà honte ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Julien Aubert. Nous n'avions pas de champion !
M. Sylvain Berrios. Quel est le vôtre, de champion ? Macron ?
M. Denys Robiliard. Cette proposition, ce n'est pas simplement renoncer aux acquis du Front populaire. C'est revenir à 1919, à la loi, alors de progrès, sur la journée de 8 heures. Ou c'est accepter la possibilité d'une semaine avec cinq jours de 9 heures 36 de travail, auxquelles s'ajoutent bien évidemment les temps de déplacement, dont on sait combien ils peuvent, dans les grandes agglomérations, augmenter la durée de la journée de travail.
Il faut ajouter qu'il n'est pas possible de dissocier temps de travail et rémunération. La fin de la durée légale du travail, c'est permettre la mise en coupe réglée des heures supplémentaires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, on constate une fois encore, comme dans la question posée par Christophe Castaner, que deux projets de société se font face. Il faut dire les choses simplement : le débat sur la durée légale du travail est un débat sur le pouvoir d'achat des salariés, car il porte sur le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
M. Jacques Myard. Défiscalisées ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut dire également que les Français travaillent en moyenne 39 heures et que la France est l'un des pays les plus productifs d'Europe. C'est essentiel de le répéter ici, et de le dire à nos concitoyens.
Monsieur le député Robiliard, vous avez raison, et il faut le répéter : nous sommes fiers des 35 heures, de la loi Aubry, qui a permis de créer près de 300 000 emplois dans notre pays et d'améliorer les conditions de vie en dehors du travail de 2 millions de Français. Demandez-leur donc s'ils souhaitent revenir sur les 35 heures !
M. Fillon entonne une musique plutôt bien connue : notre cadre serait trop rigide et les 35 heures la source de tous les maux.
M. Dominique Dord. Macron aussi !
M. Sylvain Berrios. Macron et Valls aussi veulent revenir dessus !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Rien n'est plus faux. Qu'avons-nous fait depuis quatre ans et demi ? Nous donnons plus de marge aux acteurs de l'entreprise, direction et organisations syndicales, sur l'organisation du temps de travail pour qu'ils puissent s'adapter. D'ailleurs, ils s'en emparent : j'en veux pour preuve l'accord majoritaire signé hier chez Renault. Si des adaptations sont souhaitées par les acteurs de terrain, elles doivent être décidées par un accord majoritaire, et non pas par un accord qui aurait recueilli 30 % des suffrages, comme c'était le cas auparavant.
Là où la droite sombre dans la caricature de la dérégulation totale du temps de travail, nous préservons un acquis majeur qui doit être inscrit dans l'ordre public social, dans la loi : la durée des 35 heures hebdomadaires de travail.
Avec la loi travail, nous avons refusé le statu quo, mais notre projet, c'est la démocratie sociale, ce n'est pas la jungle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : M. Denys Robiliard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 janvier 2017