Question au Gouvernement n° 4524 :
cours d'assises

14e Législature

Question de : M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste

Question posée en séance, et publiée le 12 janvier 2017


COURS D'ASSISES SPÉCIALISÉES

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le garde des sceaux, dans une intervention remarquée, M. le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence a demandé que l'on mette fin à la présence de jurés populaires dans les cours d'assises ou, à tout le moins, que l'on fasse en sorte que les crimes ou assassinats commis en bande organisée ne soient confiés qu'aux seuls magistrats professionnels.

Cette proposition n'est pas isolée. Les magistrats ayant en main ce qu'il faut bien appeler le banditisme corse ont formulé la même. Cela doit sans doute être mis en parallèle avec un certain nombre d'acquittements spectaculaires dus, bien évidemment, au talent des avocats qui se sont succédé depuis Vincent de Moro-Giafferri. Mais les magistrats ne se contentent pas de cette explication : on aurait approché ou menacé des jurés.

Il faut souligner le courage des magistrats professionnels, qui assument à titre personnel tous les risques de leurs fonctions, et dont certains ont même été tués. Nous ne rendons pas suffisamment hommage au courage de nos magistrats qui, au côté de nos forces de l'ordre, défendent les bases mêmes de la République.

Monsieur le garde des sceaux, faut-il, selon vous, ne confier qu'à des magistrats professionnels tout ce qui relève du crime organisé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je tiens d'abord à m'associer à l'hommage que vous rendez aux magistrats, quelle que soit la juridiction dans laquelle ils travaillent – tribunaux de grande instance, tribunaux d'instance, cours d'appel ou cours d'assises.

Le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, Jean-Marie Huet, qui n'est pas un inconnu puisqu'il appartient à la deuxième cour de France, a fait la proposition que vous avez rappelée à l'occasion de l'audience solennelle. Dans le ressort de sa cour, il a constaté, à l'occasion d'affaires extrêmement complexes, que des tentatives d'approche sur des jurés siégeant dans les cours d'assises avaient eu lieu.

Il a donc proposé, pour un certain nombre de crimes relevant notamment de la bande organisée, que l'on puisse utiliser une disposition qui a été introduite dans notre droit positif en 1986, à la suite du jugement de l'affaire Carlos, au cours duquel les complices de Carlos avaient fait pression sur les jurés.

M. Alain Marsaud. C'était Action directe !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le législateur avait alors décidé d'instaurer une cour d'assises spéciale. Au lieu d'être composée de manière mixte, comme le sont habituellement les cours d'assises, qui comptent trois magistrats professionnels et six jurés populaires en première instance, puis neuf en cour d'appel, elle ne devait comporter que des juges professionnels.

Le procureur général Jean-Marie Huet a donc proposé que la professionnalisation des juges, qui existe déjà pour la criminalité organisée, puisse s'appliquer à d'autres types d'affaires spécialisées. C'est sa proposition. À titre personnel, et à ce stade, je ne suis pas favorable à la professionnalisation de ce type de cour. Pourquoi ? Parce que je suis attaché, comme nombre d'entre vous, sans doute, au fait que des jurés populaires tirés au sort parmi les Français puissent siéger et se prononcer. Ce n'est qu'un jugement personnel, et je suis prêt à en discuter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Myard. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Alain Tourret

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 janvier 2017

partager