Afrique
Question de :
M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 19 janvier 2017
POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE
M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour le groupe Les Républicains.
M. Vincent Ledoux. Monsieur le Premier ministre, lors du sommet Afrique-France, le Président de la République a déclaré avoir pour l'Afrique des « sentiments intenses ». Au cours de son quinquennat, il aura d'ailleurs visité ce continent trente-deux fois. Mais quelle fut la politique africaine de M. Hollande ? Elle fut avant tout sécuritaire, ce que l'on ne saurait lui reprocher : l'attentat-suicide de Gao nous en rappelle la nécessité, et nous pouvons adresser, ici, un message d'amitié au peuple malien.
On ne saurait reprocher cette politique à M. Hollande, donc, si toutefois la courbe de l'aide publique au développement n'avait connu le même sort que celle du chômage, faisant ainsi mentir son cinquante-septième grand engagement : « Moi, Président […], j'agirai pour une aide accrue aux pays en développement ». Or, sous son mandat, l'aide aux pays subsahariens aura chuté de 20 %.
Serge Michailof pose « la » question : « L'Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? ». Il n'a pas de mots assez durs pour dire combien « le gouvernement a abandonné les pays les plus pauvres alors que c'est là où se trouvent les plus graves risques géopolitiques ». Risques, mais aussi opportunités ! Pour le chef de l'État, « l'Afrique est notre avenir ». Il a raison. L'Afrique, c'est en effet une classe moyenne de 150 à 300 millions de consommateurs, une urbanisation galopante, un marché du mobile et du e-commerce en explosion.
Mais qu'a-t-il fait, justement, pour que la France cesse de perdre du terrain dans toute l'Afrique subsaharienne au profit des pays émergents, comme la Chine ? Il nous a manqué un grand plan, une formidable énergie pour promouvoir l'Afrique comme relais de croissance et pour accompagner nos PMI-PME sur des marchés qui nécessitent connaissance et préparation, à travers un contrat gagnant-gagnant.
« Ce qui se fait en Afrique a des conséquences pour toute l'Europe et donc pour la France », martèle François Hollande. Les chiffres le font pourtant mentir, si l'on considère un mandat où la politique africaine est restée en demi-teinte. Au Mali, M. Hollande a même annoncé son soixante et unième et dernier engagement : 23 milliards d'euros pour l'Afrique pour ces cinq prochaines années. Décidément, « le zèbre ne se défait pas de ses zébrures » !
Ma question est simple : comment pensez-vous, monsieur le Premier ministre, abonder le Fonds d'investissement pour l'Afrique annoncé par le Président à Bamako alors que les budgets n'ont cessé de baisser ? Comment allez-vous utiliser les derniers jours de votre mandat pour donner à la politique africaine de la France la pleine mesure qui devrait être la sienne ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Vous avez sans doute oublié, monsieur le député, que la loi de finances, récemment adoptée par le Parlement – même si je doute que vous l'ayez votée –, comporte une augmentation substantielle de l'aide publique au développement. C'est là le fruit des initiatives conjointes de mon ministère, d'André Vallini, que je remercie pour son travail, et des parlementaires eux-mêmes, que je remercie également.
M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Le niveau de notre aide publique au développement, qui avait effectivement diminué depuis 2010, a donc été relevé, si bien qu'il dépasse celui qui était le sien en 2012. Vous avez vous-même cité un chiffre : le Président de la République, à Bamako, a confirmé que l'aide versée à l'Afrique atteindrait, via l'Agence française de développement, 23 milliards d'euros pour les cinq prochaines années, une partie de cette enveloppe étant dédiée à la transition énergétique. L'effort est donc considérable.
Je ne voudrais pas, toutefois, que l'on oublie la partie européenne de l'aide au développement, car elle est conséquente : à l'échelle internationale, c'est même l'Europe qui apporte l'aide la plus importante à l'Afrique – et je ne cesse d'appuyer en ce sens –, y compris grâce à la contribution française, la deuxième au sein de l'Union.
Nous sommes donc face à un défi considérable, évoqué au sommet de Bamako dans un esprit de partenariat équitable et sincère, respectueux de l'indépendance des Africains : la sécurité des pays africains, les moyens qui leur sont donnés pour l'assurer par eux-mêmes plutôt qu'à leur place – même si nous avons dû intervenir dans l'urgence –, les possibilités offertes à leur développement, notamment à travers leurs sociétés civiles, dotées d'une énergie extraordinaire – la chance de l'Afrique, c'est en effet sa jeunesse.
À Bamako, c'est à toute l'Afrique que nous nous sommes adressés, et pas seulement à l'Afrique francophone et de l'Ouest : tous les pays étaient représentés, au plus haut niveau, ce qui, je dois le dire, avait quelque chose d'impressionnant ; toutes les langues officielles parlées en Afrique s'y sont fait entendre, et il a été rendu hommage à l'action de François Hollande et de la France depuis près de cinq ans. Je crois pouvoir vous le dire, cet hommage était non seulement chaleureux, mais aussi profondément sincère, tant il correspond à la réalité de ce que nous avons entrepris. On ne fait jamais assez, certes, mais nous pouvons, je le crois, être fiers de ce qui a été réalisé,…
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. …car la « Françafrique », qui est une autre conception, c'est fini ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : M. Vincent Ledoux
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2017