Question de : M. Philippe Armand Martin
Marne (3e circonscription) - Les Républicains

M. Philippe Armand Martin attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la question des travailleurs détachés. Selon certaines estimations 144 000 travailleurs détachés sont actuellement déclarés mais ils seraient près du double selon les estimations du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Si ces employés bénéficient du salaire minimum et des congés payés applicables en France, il n'en demeure pas moins que les charges sociales appliquées sont celles du pays d'origine du travailleurs. Dès lors, l'emploi de ces travailleurs détachés est de nature á constituer une concurrence déloyale pour les entreprises françaises assujetties aux dispositions du code du travail. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour limiter ces pratiques.

Réponse publiée le 2 septembre 2014

Afin de concilier la libre prestation de services avec l'impératif de protection des travailleurs dans un climat de concurrence loyale, le code du travail encadre strictement les modalités d'intervention en France des entreprises établies hors de France, conformément aux dispositions de la directive européenne 1996/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. Pour pouvoir bénéficier du régime du détachement, l'entreprise prestataire étrangère doit notamment intervenir en France de façon temporaire (en fonction de la durée nécessaire à la réalisation d'une mission définie au préalable) et à la condition d'être régulièrement établie dans son pays d'origine et d'y justifier d'une activité significative. Une entreprise établie hors de France dont l'activité est entièrement orientée en France doit créer un établissement en France et ne peut pas se prévaloir du détachement. En ce qui concerne le droit du travail applicable, les entreprises étrangères intervenant en France au titre du détachement sont tenues de respecter certaines règles françaises (fixées par le code du travail ou les conventions collectives étendues) en matière de conditions de travail et d'emploi, notamment la rémunération, la durée du travail, la santé et les règles de sécurité au travail. Par ailleurs, elles doivent transmettre une déclaration préalable de détachement à l'inspection du travail du lieu d'exécution de la mission du salarié détaché. En matière de sécurité sociale, le règlement communautaire 883/2004 permet, sous certaines conditions, de limiter les changements de législation applicable pour de courtes périodes de détachement, en prévoyant le maintien de la législation de l'Etat d'envoi (ou Etat d'origine). Ainsi, en application de ce règlement, les entreprises prestataires établies hors de France (y compris les entreprises de travail temporaire) continuent à relever du régime de sécurité sociale de leur Etat d'établissement pendant le détachement de leurs salariés en France à condition qu'elles respectent les critères ouvrant droit au régime du détachement. Pour la bonne application de ces règles dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, à préciser les critères du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter l'arsenal législatif français en matière de lutte contre les fraudes au détachement, notamment en élargissant les possibilités d'action offertes aux organisations professionnelles d'agir en justice même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée et en autorisant les organisations syndicales à agir au nom d'un salarié détaché en l'absence d'accord express de l'intéressé. Cette loi instaure en outre un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants qui ne paie pas, ou pas intégralement, les rémunérations dues à ses salariés. Par ailleurs, le Gouvernement reste attentif à ce que la mobilisation des services soit renforcée, tant dans ses aspects préventif que répressif. A cet égard la commission nationale de lutte contre le travail illégal réunie le 27 novembre 2012 a dressé le bilan des actions déjà engagées par les services de l'Etat et les organismes de recouvrement des cotisations sociales et fixé les axes prioritaires du plan national d'action pour les années 2013 à 2015. Il doit être signalé que ce plan retient parmi cinq objectifs prioritaires le renforcement de la lutte contre les fraudes au détachement dans le cadre de prestations de services transnationales, notamment dans le secteur des transports. La commission nationale de lutte contre le travail illégal, réunie le 5 décembre 2013, présidée par mon prédécesseur, a confirmé les objectifs du plan pour 2014 et réaffirmé la nécessité de lutter contre les fraudes au détachement. Les derniers éléments statistiques en matière de lutte contre le travail illégal ont été présentés à cette occasion : en 2012, près de 18 000 infractions ont été relevées visant près de 10 300 auteurs ou co-auteurs et concernant environ 23 800 salariés. Concernant plus spécifiquement le recours à la prestation de service internationale, 89 procédures de travail illégal ont été engagées au 1er semestre 2013. Les contrôles effectués par l'inspection du travail dans le cadre de situations déclarées de détachement ont conduit au cours des trois premiers trimestres de l'année 2013 à 64 arrêts de chantier. Les 25 et 26 juin 2013, une opération d'envergure nationale a été menée par les services de l'inspection du travail et les autres corps de contrôle sur le secteur du bâtiment. Cette action a mobilisé près de 3 500 agents pour le contrôle de 332 chantiers et 2021 entreprises. Les conditions d'emploi de plus de 7 700 salariés ont ainsi pu être vérifiées. Les agents de contrôle se sont attachés à relever les principales infractions relevant d'organisations frauduleuses complexes visées dans le plan. L'opération consistait à contrôler au moins un grand chantier dans chaque département. Les contrôles ont porté sur des chantiers dont la taille et l'importance laissaient notamment présager le recours à des sous-traitants et au détachement de salariés d'entreprises étrangères en détachement. Le Gouvernement mènera une action déterminée pour lutter contre les fraudes aux règles du détachement.

Données clés

Auteur : M. Philippe Armand Martin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Ministère répondant : Travail, emploi et dialogue social

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2013
Réponse publiée le 2 septembre 2014

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