14ème législature

Question N° 46131
de Mme Barbara Romagnan (Socialiste, républicain et citoyen - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > conditions d'entrée et de séjour

Analyse > délivrance de visas. disparités. coûts.

Question publiée au JO le : 17/12/2013 page : 13084
Réponse publiée au JO le : 04/03/2014 page : 2148

Texte de la question

Mme Barbara Romagnan attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions de délivrance des visas de long séjour pour les familles de réfugiés [et de bénéficiaires du regroupement familial]. Il résulte en effet des informations qui lui ont été communiquées que certains services consulaires exigent des demandeurs des pièces ou des diligences qui ne sont pas prévues par les textes. Ainsi l'ambassade de France au Bangladesh demande que la personne fasse procéder à un examen radiologique en vue de déterminer son « âge osseux ». Outre le fait que ces expertises ne donnent qu'un résultat très approximatif pour les personnes âgées de plus de 18 ans, ces examens exposent les personnes concernées à des rayonnements ionisants à des fins non médicales et en dehors de tout cadre médico-légal contrairement à la directive n° 97-43 Euratom du Conseil en date du 30 juin 1997. L'ambassade de France au Nigéria exige quant à elle des demandeurs de visa le paiement de sommes importantes pour faire procéder à des vérifications d'état-civil (l'équivalent de plus de 1 600 euros pour le cas qui lui a été soumis). Aussi souhaiterait-elle connaître sa position sur ces exigences non prévues par les textes.

Texte de la réponse

La Convention européenne des droits de l'Homme (article 8), le Conseil constitutionnel (CC, 13 août 1993, DC n° 93-325) et le Conseil d'État (CE n° 112842, 2 décembre 1994, Agyepong) ayant consacré le droit des réfugiés à vivre en famille, la procédure de réunification familiale est juridiquement et précisément encadrée par les engagements européens de la France, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et les principes mis au jour par les arrêts du Conseil d'État en la matière. Ainsi, le droit au séjour est, sous réserve de motifs d'ordre public, assuré par la délivrance d'une carte de séjour de plein droit aux membres des familles des réfugiés, des apatrides et des bénéficiaires de la protection subsidiaire (articles L. 313-11 10° , L. 313-13 et L. 314-11 8° , 9° et 10° du CESEDA). A la différence du regroupement familial applicable aux autres catégories de migrants, le « rapprochement familial » applicable aux réfugiés n'est soumis à aucune condition de ressources ni de logement. Les personnes éligibles au rapprochement familial sont déterminées à la fois par le règlement européen de février 2003 dit « Dublin II », la jurisprudence du Conseil d'État et le CESEDA. Ce sont le conjoint (le terme s'étend au concubin sous réserve d'une justification de liens suffisamment stables constitués avant l'obtention du statut) et les enfants avec lesquels la filiation est légalement établie (y compris les enfants adoptés, sous réserve de la régularité de la décision d'adoption) âgés de moins de 19 ans. L'âge de l'enfant est apprécié à la date de la demande de rapprochement, conformément à l'arrêt du Conseil d'État n° 325881 du 25 mai 2010. La procédure de réunification de la famille est initiée par le dépôt d'une demande de visa de long séjour par les membres de la famille du réfugié auprès du consulat de France le plus proche de leur domicile (article L. 211-1 du CESEDA). Les consuls ont instruction de recevoir et d'instruire sans délai ces demandes. Que ce soit dans le cadre de cette procédure ou dans celle du regroupement familial prévue aux articles L. 411-1 et suivants du CESEDA, dans les pays où l'administration est défaillante et la fraude endémique, la vérification de la réalité des liens familiaux par les autorités consulaires constitue l'aspect le plus complexe de la procédure. Son fondement juridique se trouve à l'article 47 du code civil et sa légitimité est régulièrement rappelée par le juge administratif. Les consuls, en s'appuyant sur l'article L. 111-6 du CESEDA, l'article 311-1 du Code civil et la jurisprudence du Conseil d'État, opèrent un examen le plus large possible des documents présentés. Si les pièces d'état civil manquent ou sont défaillantes, ils examinent les éléments susceptibles de constituer un faisceau d'indices permettant l'identification des personnes et l'établissement de la réalité des liens familiaux. Dans le cas particulier du Bengladesh, le recours aux examens osseux est un élément utile permettant de lutter notamment contre les mariages forcés imposés aux mineurs. Certaines demandes de rapprochement familial sont présentées sur la base d'actes de naissance falsifiés en vue d'occulter le fait que les mariés ou l'un d'eux ont un âge inférieur à l'âge minimal requis pour le mariage par la loi locale ou par la loi française. Le tribunal administratif tient compte dans sa décision des résultats de ces examens. Le coût des vérifications d'état-civil, effectuées dans le cadre de l'article 47 du code civil, n'est en aucun cas à la charge des demandeurs. Ces instructions sont régulièrement rappelées aux postes consulaires. L'administration doit statuer dans un délai qui est normalement de 2 mois, et dans les cas dûment justifiés, de 8 mois, en vertu de l'article 22-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Au-delà, le silence de l'administration vaut décision de rejet. Les recours contre les rejets - qui doivent être motivés - sont ceux ouverts à tout demandeur de visa : commission de recours contre les refus de visas, tribunal administratif et Conseil d'État.