Canada
Question de :
M. Pierre Lellouche
Paris (1re circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 2 février 2017
ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE CANADA
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe Les Républicains.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, l’Union européenne a signé en 2014 avec le Canada un important accord de libre-échange, qui prévoit la quasi-suppression des droits de douane, l’harmonisation de normes et l’ouverture des marchés publics. Cet accord contient toutefois de nombreuses dispositions de nature politique qui relèvent de la souveraineté des États, d’où la décision, en mai dernier, des ministres représentant l’ensemble des États membres de considérer cet accord comme mixte, c'est-à-dire soumis non seulement à la ratification du Parlement européen mais également à celle des vingt-sept parlements nationaux.
M. Jean-Luc Laurent. Encore heureux !
M. Pierre Lellouche. L'accord sera soumis à la ratification du Parlement européen dans quinze jours. Or, dès le 1er mars, la Commission entend le mettre en œuvre à titre provisoire, sans attendre sa ratification par les parlements nationaux.
M. Jean-Luc Laurent. Scandaleux !
M. Pierre Lellouche. Je veux vous dire solennellement, au nom de notre groupe, qu'une telle option est insupportable, et je sais que d’autres, ici, partagent ce point de vue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
D'autant que sur beaucoup de points, cet accord est discuté, qu'il s'agisse du mode de règlement des différends, des importations massives de viandes bovine ou porcine ou de ses conséquences sur l'environnement – et j'en passe !
Notre Parlement a le droit de se prononcer sur tous ces points, ce que confirme, monsieur le Premier ministre, l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, laquelle stipule que l'application d'un traité à titre provisoire, avant son entrée en vigueur, n'est possible que si les États parties à la négociation en sont ainsi convenus.
C'est pourquoi je vous poserai une double question. Le gouvernement français considère-t-il toujours l'Accord économique et commercial global, le CETA, comme étant un accord mixte ? Dans l'affirmative, entend-il s'opposer, comme il le doit, à l'entrée en vigueur à titre provisoire de ce traité, avant sa ratification par le parlement français ? C'est une question fondamentale pour la souveraineté de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, il est vrai que ces traités de libre-échange donnent lieu à d'intenses débats dans les sociétés européennes, en particulier en France, mais pas seulement. Cela a été vrai du TTIP, traité négocié avec les États-Unis, qui a soulevé un si grand nombre d'interrogations et suscité tant de désaccords qu'on peut affirmer aujourd'hui qu'il est caduc. Si nous devons aller vers un traité avec les États-Unis, le chantier est à reprendre. Et il l'est d'autant plus après les déclarations de l'actuel président américain sur sa conception des négociations, qui seraient à mener non pas dans le cadre de traités, où les intérêts des parties sont préservés si elles savent bien négocier, mais de deals, ce qui n'est pas une bonne méthode pour l'avenir de la mondialisation.
La France est par principe favorable à des traités. Mais elle ne peut les accepter que si toutes les conditions sont réunies pour qu'ils répondent à ses intérêts. Et nos intérêts, ce sont bien sûr nos intérêts économiques et sociaux, mais aussi nos normes environnementales, le principe de précaution ou le règlement des contentieux par des tribunaux non pas privés mais composés de magistrats indépendants. C'est justement ce qui a été négocié avec le Canada. J'ai souvent répondu à nos partenaires américains, qui ne comprenaient pas pourquoi nous ne cédions pas à leurs demandes, que c'est parce que nous partions sur de mauvaises bases, alors que nous étions, avec la négociation du CETA, dans un cadre totalement différent. La France est évidemment favorable à la conclusion à laquelle nous sommes arrivés.
Toutefois, vous l'avez rappelé, certaines dispositions de ce traité relèvent de la décision nationale. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé, bien que ce soit l'Union européenne qui négocie au nom de tous les pays membres, que le traité soit ratifié à la fois par le Parlement européen et par les parlements nationaux. C'est ce qui se fera. Le traité ne sera donc effectif que lorsque cette ratification sera intervenue.
Si quelques mesures peuvent être mises en œuvre par anticipation, elles ne sont qu'à la marge.
M. Pierre Lellouche. Non !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. C'est la raison pour laquelle la France n'y est pas opposée. Mais l'essentiel, c'est la ratification du traité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : M. Pierre Lellouche
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 février 2017