14ème législature

Question N° 4646
de M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Hautes-Alpes )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > politiques communautaires

Tête d'analyse > politique économique

Analyse > zone euro. situation économique.

Question publiée au JO le : 09/02/2017
Réponse publiée au JO le : 09/02/2017 page : 858

Texte de la question

Texte de la réponse

AVENIR DE LA ZONE EURO


M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, permettez-moi, avant tout, de dire que notre groupe partage votre émotion devant l'agression de Jean-Michel Gaudin.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances. Le 17 février 2002, il y aura quinze ans la semaine prochaine, le franc disparaissait. Un mois et demi plus tôt, le 1er  janvier 2002, s'était produit une véritable révolution monétaire et sociétale : l'euro, en tant que monnaie fiduciaire, prévue dix ans plus tôt par le traité de Maastricht, qui créait l'Union économique et monétaire. Nous étions alors douze pays à nous lancer dans l'aventure de la monnaie unique, nous sommes aujourd'hui dix-neuf.

En bon frontalier, je me débarrassai alors de la money box aimantée de ma voiture, qui me permettait de payer les parcmètres chez tous nos voisins. (Sourires.) Aujourd'hui, près de 340 millions de citoyens européens peuvent voyager au sein de la zone euro sans avoir à changer de devise. Leur attachement à la monnaie unique est réel : environ 70 % des Européens se déclarent favorables à l'euro, qui représente une garantie de stabilité.

Mais cet attachement reste précaire : le Brexit, la crise des réfugiés et la montée des populismes et des souverainismes dans beaucoup des États membres de l'Union témoignent d'un recul de l'espérance européenne qui s'ajoute à la terrible crise financière qui a frappé la zone euro en 2007. Depuis cette crise, des mesures ont été prises pour sauver la zone euro : renforcement du Mécanisme européen de stabilité, de l'union bancaire, et de la coordination en matière de politique économique, notamment au moyen de la « règle d'or ».

Mais ces mesures, tout comme une pièce de monnaie, ont à la fois un avers et un revers ; le revers, c'est l'exaspération croissante des populations marginalisées. Récemment, l'Institut Jacques-Delors, pourtant peu suspect d'euroscepticisme, estimait que « dans sa forme actuelle, l'UEM n'est pas viable à long terme. »

C'est pourquoi, monsieur le ministre, au nom de tous les radicaux, qui ont toujours défendu une construction européenne plus intégrée, je vous demande quelles actions mène le Gouvernement à l'échelle européenne pour renforcer la zone euro, notamment concernant la création d'un gouvernement économique disposant d'un budget européen plus étoffé, mais aussi en faveur de l'harmonisation fiscale et sociale et de la création d'un Parlement de la zone euro, permettant de prendre des décisions plus démocratiques et concertées. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le député, votre question renvoie à la construction européenne. Pour des raisons tenant à l'évolution du contexte international, notamment la position du président des États-Unis, la construction européenne se trouve en effet confrontée à de nouveaux défis, qui l'obligent à intégrer davantage ses politiques si elle veut résister à ces attaques et répondre aux interrogations des citoyens européens.

Je voudrais tout d'abord insister sur l'attachement très fort des Européens à la monnaie unique. Plus de quinze ans après sa mise en circulation, elle a permis d'intégrer davantage le marché intérieur, d'accompagner le développement de filières industrielles d'excellence, de développer l'activité de nos services. Elle a aussi permis aux pays d'Europe d'être plus solidaires pour résoudre les crises qui peuvent frapper certains d'entre eux.

Vous m'interrogez sur les mesures que nous préconisons, sur celles que nous avons prises et celles que nous prendrons, pour que cette monnaie continue d'être un extraordinaire atout, et pour renforcer l’Union européenne face aux défis qu'elle affronte.

Premièrement, si nous voulons que la monnaie unique reste aussi populaire qu'aujourd'hui, il est impératif de trouver des modalités plus performantes pour résoudre les crises, pour faire face aux difficultés. De ce point de vue, les dispositifs de solidarité que le Mécanisme européen de stabilité offre aux économies en difficulté ont maintenu l'unité, l'intégrité de la zone euro. Cela a été le cas, notamment, des trois programmes en faveur de la Grèce ; le dernier d'entre eux, de 86 milliards d'euros, est mis en œuvre en contrepartie des efforts faits par la Grèce pour engager les réformes structurelles attendues d'elles pour rendre sa dette soutenable.

Dans quelques jours, je me rendrai en Grèce avec le ministre de l'économie et des finances, Michel Sapin, le ministre des affaires européennes, Harlem Désir, et le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici, afin de manifester de nouveau la solidarité de la France.

Deuxièmement, il est impératif d'avoir des mécanismes de résolution des crises bancaires. La supervision bancaire, la garantie des dépôts et les autres dispositifs de résolution des crises bancaires sont des éléments clés de l'Union économique et monétaire ; ils ont été mis sur le métier grâce à l'action de la France et de l'Allemagne depuis 2012, et sont montés en puissance. Ils représentent aujourd'hui une garantie considérable.

Il faut, troisièmement, davantage d'harmonisation sociale et fiscale : vous l'avez dit. Nous y travaillons.

Enfin, il faut multiplier les initiatives pour la croissance. Je me suis rendu avant-hier à Bruxelles pour rencontrer le président Juncker : nous avons fait le point sur les 300 milliards d'euros du « plan Juncker », dont bénéficient cinquante-sept projets français stratégiques, dans l'industrie et les services, auxquels 20 milliards d'euros ont été alloués. Il faut faire monter ce plan en puissance.

Mais pour être économiquement forte, l'Europe doit être aussi sociale : c'est pourquoi il faut mettre en place un socle de droits sociaux, dont un salaire minimum européen, des dispositifs de mobilité pour les apprentis et la carte d'étudiant européen. Il faut aussi lutter contre le travail détaché, en révisant la directive de 1996. Tel est notre programme : nous sommes déterminés à le mettre en œuvre, dans une relation étroite et exigeante avec les institutions de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)