Question de : M. Fernand Siré
Pyrénées-Orientales (2e circonscription) - Les Républicains

M. Fernand Siré appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences de la nouvelle jurisprudence concernant l'usage de la géolocalisation des téléphones portables dans les enquêtes menées par la police. Selon deux arrêts pris par la Cour de cassation le 22 octobre 2013, cette procédure ne respecterait pas la convention européenne des droits de l'Homme et par conséquent « on ne peut organiser une ingérence dans la vie privée de personnes qu'à la condition d'en placer la surveillance et l'exécution sous le contrôle de l'autorité judiciaire ». Une circulaire a été donc prise, interdisant les mesures de géolocalisation dans toutes les enquêtes menées sous la direction du parquet. Par ailleurs, cette interdiction concerne également les balises (capteurs GPS) que les policiers placent sous les voitures des suspects. À cause de cette décision, des centaines d'affaires sont retardées, des interpellations prévues n'ont pas eu lieu et des situations absurdes défraient déjà la chronique. Ainsi, une bijoutière après avoir été braquée à Nanterre et à qui le portable avait été dérobée, avait pris soin de ne pas bloquer son téléphone, pensant que les enquêteurs pourraient l'utiliser pour mener l'enquête. Mais, le parquet de Nanterre pour les raisons exposées précédemment a refusé ! Cette décision est très mal perçue par les policiers qui ne comprennent pas pourquoi le Gouvernement leur retire tous les moyens de mener à bien leur travail. Des milliers de balises étaient placées chaque année sous les véhicules pour mettre fin à des réseaux de trafiquants de drogue ou élucider des affaires de grand banditisme. Cette décision va extrêmement compliquer la lutte contre la criminalité organisée. Les policiers après la réforme prévue de la garde à vue, se sentent encore une fois agressée personnellement dans leur travail. Aussi, il souhaiterait savoir s'il entend prendre des mesures pour que cette circulaire qui paralyse l'action des services d'investigation des forces de l'ordre soit supprimée.

Réponse publiée le 6 mai 2014

La géolocalisation est une technique d'enquête qui joue un rôle essentiel dans la résolution des affaires. Elle englobe toutes les techniques permettant de localiser en continu un téléphone portable ou un objet, comme un véhicule, sur lequel une balise a préalablement été posée. Elle permet ainsi de surveiller ou « retracer » des personnes soupçonnées de crime ou de délit. Tirant les conséquences de l'arrêt Uzun c/ Allemagne du 2 septembre 2010 de la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour de cassation a, par deux arrêts du 22 octobre 2013, réduit considérablement la possibilité pour les enquêteurs d'y avoir recours, en se prononçant sur deux affaires diligentées dans le cadre d'une enquête préliminaire, au cours desquelles les officiers de police judiciaire avaient sollicité du procureur de la République l'autorisation de requérir des opérateurs de téléphonie mobile aux fins de géolocaliser des personnes mises en cause dans des affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiants. La Cour de cassation a énoncé que, conformément à l'article 8 de la convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme du 9 novembre 1950, la technique de géolocalisation constituait une ingérence dans la vie privée et nécessitait de ce fait qu'elle soit exécutée sous le contrôle d'un juge. Le Gouvernement, déterminé à garantir aux services d'enquête les moyens de continuer de travailler efficacement, a rapidement réagi. Dès le 23 décembre, le ministre de la justice a présenté en conseil des ministres un projet de loi relatif à la géolocalisation. Ce texte vise à offrir aux forces de l'ordre et à l'autorité judiciaire un cadre juridique sécurisé et adapté pour cette mesure d'enquête indispensable à la répression de certaines formes de délinquance et de criminalité, tout en renforçant la protection des libertés publiques et les droits de la défense pour mettre le droit français en conformité avec les exigences de la jurisprudence européenne et nationale. Le texte donne un fondement législatif à des pratiques qui, jusqu'à présent, reposaient sur des dispositions très générales du code de procédure pénale. Le texte prévoit que la géolocalisation ne sera désormais possible que pour des infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement pour les délits d'atteinte aux biens, de trois ans pour les délits d'atteinte aux personnes, de recel de criminel ou d'évasion et de cinq ans pour les délits douaniers. Au cours de l'enquête, elle devra être autorisée par une décision écrite du procureur de la République, pour une durée initiale de quinze jours, qui pourra être prolongée, par le juge des libertés et de la détention, pour une durée d'un mois renouvelable. Au cours de l'instruction, elle devra être autorisée par une décision du juge d'instruction, pour une durée de quatre mois renouvelable. En cas d'urgence, un officier de police judiciaire pourra décider d'une géolocalisation, sous réserve d'une autorisation a posteriori dans un délai de vingt-quatre heures du procureur. Des dispositions ont été prises pour protéger les témoins ou informateurs des services d'enquête. Le projet de loi relatif à la géolocalisation a été définitivement adopté par le Parlement le 24 février 2014. Il a été soumis le 27 février au contrôle du Conseil constitutionnel, qui l'a validé dans la quasi totalité de ses dispositions relatives à la géolocalisation.

Données clés

Auteur : M. Fernand Siré

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 17 décembre 2013
Réponse publiée le 6 mai 2014

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