14ème législature

Question N° 4648
de M. Éric Alauzet (Socialiste, écologiste et républicain - Doubs )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Budget et comptes publics
Ministère attributaire > Budget et comptes publics

Rubrique > services

Tête d'analyse > politique et réglementation

Analyse > transport marchand. perspectives.

Question publiée au JO le : 09/02/2017
Réponse publiée au JO le : 09/02/2017 page : 860

Texte de la question

Texte de la réponse

« UBÉRISATION » DU TRANSPORT MARCHAND


M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Éric Alauzet. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, l'« ubérisation » ultralibérale se répand dans l'ensemble de l'économie ; un à un, chacun des secteurs est concerné. Ainsi, les entreprises classiques sont de plus en plus concurrencées sur internet. Tout le monde craint de se faire « ubériser », faute d'être en capacité de maîtriser cette évolution. Cette nouvelle économie s'affranchit des règles et des taxes, elle propose des services simples à prix cassés, au risque de concurrencer de façon déloyale, voire de faire disparaître, les autres acteurs du secteur. (M. Jean Lassalle applaudit continûment.)

L'hôtellerie, la SNCF, les libraires, le prêt-à-porter, les services à domicile, la location, l'éducation, la santé – j'en passe – sont menacés et doivent s'adapter très vite. Plus récemment concerné, avec la plate-forme Convargo, créée en 2016, le secteur du transport de marchandises s'inquiète, alors qu'il est déjà sous tension à cause du travail détaché.

Certes, cette économie crée de la valeur, mais celle-ci est souvent détournée et accaparée au profit d'une minorité mondialisée, à travers des rémunérations excessives des dirigeants ou des actionnaires de ces plates-formes, pire, par le biais de l'évasion fiscale, si facile d'accès pour ces multinationales dématérialisées.

En outre, elle favorise le travail indépendant à faible protection sociale ; on a déjà connu cette situation avec les artisans et les paysans.

Le risque est patent : épuisement des hommes, des protections sociales, des États et du modèle démocratique.

Voici donc mes questions, monsieur le ministre : quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour réguler l'« ubérisation », en France et au sein de l’Union européenne ? comment soutenir l'émergence d'un modèle d'internalisation des plates-formes plus maîtrisé et un développement local et en circuits courts, pour contourner cette « ubérisation » ultralibérale et conserver la valeur sur nos territoires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, à qui je souhaite en votre nom à tous un joyeux anniversaire. (Exclamations et applaudissements sur divers bancs.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics. Je vous remercie, monsieur le président. Monsieur Alauzet, vous soulevez là une question qui me semble essentielle pour les années à venir.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La réflexion et l'action du Gouvernement sont guidées par trois principes.

Tout d'abord, il ne faut pas s'opposer au développement. Les Françaises et les Français sont en attente d'innovation et, comme vous l'avez dit, ces activités créent de la valeur ajoutée.

Deuxième principe : l'équité. Elle est nécessaire entre les différentes formes d'exercice d'un métier, d'une profession, dans des secteurs concurrentiels où tous doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Troisièmement, celles et ceux qui tirent leur revenu de ce type d'activité doivent être protégés, y compris en termes d'assurance maladie, d'assurance chômage et de retraite. Or l'on voit tous les jours les difficultés que cela a pu poser.

Par rapport à ces trois principes, le Gouvernement a agi. En loi de finances et en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017, nous avons clarifié les choses en distinguant ce qui relève du partage de frais – donc ce qui est non imposable – de ce qui relève des revenus d'activité – donc ce qui est imposable –, et en définissant les caractéristiques et les statuts nécessaires pour pouvoir imposer des cotisations sociales ouvrant des droits aux utilisateurs de ces plates-formes. Ces informations sont en ligne, depuis quelques jours, sur les sites mêmes de ces dernières : elles doivent informer les utilisateurs des principes déclaratifs qui leur permettent à la fois de se conformer à l'équité et d'ouvrir des droits.

Concernant les entreprises, sur le sujet que vous avez évoqué, il y a une obligation de communication aux administrations des revenus tirés de l'utilisation des plates-formes ; ce droit est appliqué et produit des résultats.

Voilà comment le Gouvernement entend accompagner une évolution majeure, qui conduit à l'exercice d'activités professionnelles non salariées dans une économie que certains appellent « virtuelle ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)