Clipperton et TAAF
Question de :
M. Philippe Folliot
Tarn (1re circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Philippe Folliot attire l'attention de M. le ministre des outre-mer sur la ressource immense en poissons de l'île de Clipperton, ressource dont la Polynésie pourrait profiter. En 2005, il était estimé qu'environ 50 000 tonnes de poissons y étaient péchés tous les ans par des opérateurs étrangers. En 2007, l'accord de pêche malheureux que la France a passé avec le Mexique a donné à ce pays le droit de piller ces ressources gratuitement et pour dix ans. En 2012, 38 senneurs mexicains étaient encore enregistrés pour y pécher nos thons. Avec une capacité d'emport moyenne de 1 000 tonnes par bateau, il est facile d'estimer leurs prises à 38 000 tonnes/an (une seule campagne de pêche par an pour la flottille), ou 76 000 tonnes (deux campagnes/an), ou 114 000 tonnes (trois campagnes/an)... Si ces prises étaient facturées à 0,50 euro le kilo, les sommes totales pourraient facilement se compter en centaine de millions d'euros, argent qui pourrait servir à financer les opérations de surveillance satellite et maritime et les missions de souveraineté nécessaires à la protection de l'ilot de Clipperton. En plus des retombées économiques positives pour la Polynésie, cette manne pourrait aussi payer les missions scientifiques et la restauration de cet écosystème en péril. De plus, en 2006, un armateur polynésien, avait envisagé mener des campagnes de pêche à Clipperton et d'y envoyer trois de ses thoniers. Toutefois le matériel de sécurité requis qui lui avait été imposé pour une telle opération menée à 17 jours de mer de la Polynésie manquait et l'armateur avait donc demandé une garantie financière de l'État pour compenser son investissement financier initial de 18 000 000 francs CFP (150 840 euros). Il comptait ramener 50 à 60 tonnes de thons par bateau mais l'entreprise n'a pas débouché. Il y a à Clipperton assez de ressources halieutiques pour enrichir la Polynésie par le biais d'une pêche « au long cours » commerciale. Les prises pourraient être vendues aux États-unis ou au Mexique lors d'escales de ravitaillement ou tout simplement ramenées en Polynésie. Créations d'emplois (Chantier naval du Pacifique sud pour l'entretien des navires, équipages...) et taxes diverses profiteraient à la Polynésie en plus des revenus conséquents fournis par les pécheurs étrangers autorisés à y pêcher. Ainsi, il lui demande quelle serait la position du Gouvernement si la Polynésie envisageait sérieusement de relancer une telle initiative et si Paris serait éventuellement prêt à promouvoir et subventionner une campagne d'essai.
Réponse publiée le 14 octobre 2014
Clipperton fait partie du domaine public maritime de l'État, dépendant à ce titre du Premier Ministre. Le ministère des outre-mer assure la tutelle de ce territoire. La France a créé une zone économique exclusive de 200 milles autour de l'île (décret n° 78-147 du 3 février 1978). L'arrêté ministériel du 3 février 2008 délègue l'administration de l'île de Clipperton au Haut-commissaire de la République de Polynésie française. L'île ne fait pas partie du territoire de la Polynésie française. Cependant, en raison de la relative proximité des espaces concernés, c'est au Haut-commissaire que la ministre chargée des outre-mer délègue son autorité en matière d'autorisation d'accès, d'ordre public et de police administrative, tant sur la terre que dans les eaux bordant les côtes. Aucun navire ne peut se rendre légalement à Clipperton ou dans sa zone économique exclusive sans autorisation préalable du Haut-commissaire en Polynésie française. Les juridictions judiciaires territorialement compétentes pour l'île ont leur siège à Paris et non à Papeete. L'accord de pêche signé entre la France et le Mexique permet à une quarantaine de navires mexicains (thoniers senneurs) qui en font la demande d'obtenir une licence de pêche pour les eaux de Clipperton, sous réserve de respecter les mesures de la CIATT/IATTC, Commission thonière du Pacifique dont la France est membre au titre de la Polynésie et de Clipperton, et le Mexique en tant qu'État côtier. Les ressources en thonidés sont évaluées par le comité scientifique de l'IATTC. Les navires mexicains ciblent principalement l'albacore (thon à nageoires jaunes) qu'ils pêchent à la senne, et les captures varient selon les années, de 1600 à 8000 tonnes. Le chiffre de 50 000 tonnes a été calculé de manière théorique, en rapportant les captures totales de la zone IATTC à la surface de la ZEE de Clipperton. Or, ces poissons sont de grands migrateurs qui peuvent être capturés dans une zone beaucoup plus vaste. Enfin, la tonne de thon est actuellement valorisée autour de 100 euros, soit, 0,10 euro par kilo. L'éloignement de Clipperton ne permet pas d'envisager une exploitation économiquement viable à partir de la Polynésie, et aucun projet n'a été présenté récemment par cette collectivité en ce sens. Le ministère des outre-mer n'a eu connaissance d'aucun projet porté par un armement polynésien. Le développement de la pêche hauturière est une priorité du gouvernement polynésien, la principale espèce ciblée étant le thon germon, plus accessoirement l'albacore et le patudo. A ce jour seuls 40 % de la vaste ZEE polynésienne sont exploités, et plusieurs projets de construction de navires palangriers hauturiers sont en cours afin de mieux utiliser les ressources de la ZEE voire au-delà (jusqu'à 400 milles marins). Tous ces navires seront construits par des chantiers locaux. Les exportations de thon polynésien (germon principalement) sont ainsi en augmentation. La Polynésie peut donc s'enrichir et créer des emplois par l'exploitation de sa ZEE, en développant sa flotte palangrière. Ce développement est encore possible dans le cadre de l'IATTC, qui n'a fixé un plafond de capacité que pour les flottes de thoniers senneurs. Le ministère des outre-mer soutient ces projets, et il a été représenté à l'IATTC pour y défendre les intérêts de la Polynésie ainsi que pour rencontrer la délégation mexicaine comme le prévoit l'accord de 2007. La représentante du ministère des outre-mer a également participé à la réunion de bilan à mi parcours qui s'est tenue le 1er juillet à Mexico, avec les conseillers de l'ambassade et le directeur du centre de recherche et de sauvetage en mer (MRCC) de Papeete. S'agissant des moyens de protection, la frégate de surveillance « Le Prairial », qui effectue une mission de surveillance d'environ une semaine tous les deux ans dans la zone, est fondée juridiquement à intercepter les navires battant d'autres pavillons, mais qui ne seraient pas détenteurs de licence, pris en opérations de pêche dans les eaux de Clipperton. 2 autres bateaux ont la capacité d'aller sur cette zone de la Polynésie française (12 jours de voyage) et y vont ponctuellement. En 2013, « le Prairial » a effectué une rotation au mois de février. A cette même période une expédition américaine de radioamateurs, Cordell, a été autorisée par le Haut commissariat à se rendre à Clipperton. Deux scientifiques de l'Université de la Polynésie française ont donc embarqué, à l'aller, à bord du « Prairial » et, au retour, à bord du Shogun le bateau de l'expédition Cordell. Le déplacement de ces deux scientifiques réputés et leur présence sur un temps suffisamment long a donné l'occasion de montrer que la France exerce sa souveraineté sur Clipperton. Pour diversifier les moyens de surveillance de l'île, le Secrétariat général de la mer a proposé que la marine étudie la possibilité de coupler l'utilisation d'images satellite avec les données VMS qui pourraient être transmises par les mexicains dans le cadre de l'accord conclu avec eux. Enfin, au cours de l'été 2013, le Haut commissaire en Polynésie française a reçu une demande d'octroi de licence de pêche dans les eaux de Clipperton à de petits navires ligneurs battant pavillon américain. En effet, une société californienne a sollicité un permis de pêche à compter de janvier 2013 pour 5 navires et a proposé, pour montrer son appréciation, de contribuer à recueillir des données sur les ressources halieutiques dans la zone et à surveiller les autres navires étrangers dans ce domaine. En application du décret n° 2010-728 du 29 juin 2010 qui encadre la délivrance de licences de pêche à des navires étrangers (américains en l'espèce) dans la zone économique exclusive de Clipperton, après avis des ministères des affaires étrangères, de la pêche et des outre-mer, le Haut-commissaire a pris le 19 novembre 2013 des arrêtés définissant les modalités de délivrance de licences de pêche pour la zone économique exclusive de Clipperton. Les licences sont délivrées à titre onéreux : une part fixe et une part variable ajustée en fonction du volume de captures. En outre l'armement verse une redevance fixe dédiée à la surveillance et à l'observation. Le transbordement en mer est interdit, chaque navire est tenu d'embarquer un observateur scientifique, de signaler dans l'heure qui suit son entrée et sa sortie de la ZEE et de transmettre sa position à l'intérieur de la ZEE. Un journal de bord est tenu et doit être transmis en fin de campagne à Papeete.
Auteur : M. Philippe Folliot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Dates :
Question publiée le 24 décembre 2013
Réponse publiée le 14 octobre 2014