14ème législature

Question N° 472
de M. Jean-Charles Taugourdeau (Union pour un Mouvement Populaire - Maine-et-Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > entreprises

Tête d'analyse > liquidation judiciaire

Analyse > mandataires judiciaires. missions. statut. réforme.

Question publiée au JO le : 21/01/2014 page : 541
Réponse publiée au JO le : 29/01/2014 page : 1053
Date de changement d'attribution: 28/01/2014

Texte de la question

M. Jean-Charles Taugourdeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la question des mandataires judiciaires. Le mandataire liquidateur est un auxiliaire extérieur de justice. Nommé par le tribunal, il est en charge d'effectuer les opérations de liquidation et éventuellement de poursuivre un dirigeant. Il bénéficie de la pleine confiance des juges dans les comptes qu'il établit et les opérations qu'il mène. Lorsqu'il saisit le tribunal qui l'a nommé pour une affaire, les juges lui font confiance sur les montants qu'il donne et les faits qu'il expose au même titre qu'un expert judiciaire. La principale anomalie du système français réside dans sa double casquette d'auxiliaire de justice et de représentants des créanciers à la fois juge et partie qui vend les actifs et qui établit les comptes de la société en liquidation sans véritable contrôle. Selon le rapport Doing business, la France est à la 44e place derrière la Jamaïque sur l'efficacité de son système de liquidation judiciaire. Il lui demande quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement pour réformer cette profession.

Texte de la réponse

QUESTION DES MANDATAIRES JUDICIAIRES


M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour exposer sa question, n°  472, relative à la question des mandataires judiciaires.

M. Jean-Charles Taugourdeau. J'avais adressé ma question au ministre de l'économie et des finances, mais c'est encore mieux que ce soit vous, madame la garde des sceaux, qui soyez là pour me répondre : je vous en remercie. En effet, même si ma question est motivée par des considérations commerciales, c'est bien de justice dont il s'agit.

J'ai entendu dire que le Président de la République cherchait 50 milliards d'euros d'économies. Figurez-vous que ma piste de réflexion permettrait de récupérer facilement 4 milliards d'euros par an !

Le mandataire liquidateur est un auxiliaire extérieur de justice. Nommé par le tribunal, il est chargé de procéder aux opérations de liquidation, et éventuellement de poursuivre un dirigeant. Lorsqu'il saisit le tribunal qui l'a nommé pour une affaire, les juges lui font confiance quant aux montants qu'il donne et aux faits qu'il expose, au même titre qu'un expert judiciaire.

La principale anomalie du système français réside dans la double casquette d'auxiliaire de justice et de représentant des créanciers que porte le mandataire judiciaire. À la fois juge et partie, il vend les actifs et établit les comptes de la société en liquidation, sans véritable contrôle.

Selon le rapport « Doing business », la France se classe à la quarante-quatrième place, derrière la Jamaïque, s'agissant de l'efficacité de son système de liquidation judiciaire. En matière de liquidations, le système est très efficace ; c'est plutôt en termes judiciaires qu'il l'est moins. Je suis donc très content que vous soyez là, madame la garde des sceaux.

En France, lorsqu'une entreprise tombe dans les mains d'un mandataire, c'est du dépeçage, du charcutage, et on aboutit à l'abattage. On laisse des centaines de milliers de personnes pleurer leur entreprise, qui n'ont même plus l'écrin pour exprimer leur savoir-faire.

Plutôt que de mettre à mal ces entreprises, il faut permettre un temps de transformation de l'outil de production plutôt que de casser l'outil et d'envoyer les salariés au chômage en leur disant : « Ne vous inquiétez pas, on va faire des emplois d'avenir » – d'ailleurs, nous l'avons encore constaté hier, ces emplois ne font pas baisser le taux de chômage.

Madame la garde des sceaux, notre assemblée a voté la semaine dernière l'interdiction du cumul des mandats. Pour les mandataires judiciaires, nous pouvons également parler de cumul car, en 2013, on comptait 310 liquidateurs pour 60 000 liquidations, soit environ 200 à 300 liquidations par liquidateur et par an. Un homme ou une femme peut-il vraiment gérer 200 entreprises en même temps ?

Madame la garde des sceaux, dans le cadre du projet de loi pour les TPE et PME, j'ai déposé un amendement visant à mettre fin au monopole des mandataires judiciaires : j'espère que le ministre qui siégera au banc du Gouvernement le soutiendra.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Contrairement à ma réponse précédente, je ferai attention à l'horloge pour vous permettre, monsieur le député, de réagir éventuellement.

Dans notre législation, le liquidateur est nommé par un tribunal qui décide de la liquidation. Il est généralement choisi sur une liste de mandataires judiciaires, qui exercent une profession réglementée et sont donc soumis à de nombreux contrôles, notamment un contrôle annuel de leurs comptes par un commissaire aux comptes ainsi qu'un contrôle de l'ensemble de leur activité tous les trois ans. Ceci étant, je conviens très volontiers qu'il existe des situations délicates. On a connu de vrais scandales. Des rapports ont été rédigés, notamment par la Banque mondiale : nous savons que de réelles difficultés se posent.

Il nous paraît donc important d'améliorer l'information, comme nous avons déjà commencé à le faire depuis plusieurs mois : il s'agit d'informer les débiteurs, notamment, qu'ils peuvent former des recours contre les décisions du tribunal et du commissaire, ainsi que contester le rapport remis par le liquidateur au tribunal. Nous avons décidé de lutter de façon plus structurelle contre ces situations malheureusement trop fréquemment signalées, même s'il faut éviter de généraliser et de considérer l'ensemble des administrateurs et mandataires judiciaires comme des personnes susceptibles de commettre des indélicatesses.

Le Parlement a adopté la loi, promulguée le 3 janvier 2014, qui développe les actions de prévention et de détection, ainsi que les procédures collectives. Le Parlement a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnances : nous avons donc introduit un contrôle de la rémunération des professionnels et mis en place des procédures d'accélération et de simplification des liquidations, ramenant le délai à quatre mois pour les liquidations simples, sans actif, et à six mois éventuellement prolongés de trois mois pour les liquidations simplifiées obligatoires. Par ailleurs, nous développons la gamme des sanctions possibles, nous allongeons la liste des autorités susceptibles de saisir la commission de discipline, et nous renforçons la traçabilité des opérations financières effectuées par ces mandataires. Nous avons donc pris un certain nombre de dispositions, que nous allons compléter dans le cadre du prochain projet de loi, pour lequel la concertation va commencer dans une semaine.

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Madame le garde des sceaux, je ne veux pas en faire une affaire de personnes, mais tout le monde reconnaît que les mandataires judiciaires subissent une surcharge de travail colossale. Pendant ce temps, lorsqu'un outil est détruit, il est tout à fait impossible de le recréer. Il est donc urgent de faire quelque chose pour ne pas perdre ces 4 à 5 milliards d'euros d'actifs détruits chaque année.