14ème législature

Question N° 4828
de M. Nicolas Dupont-Aignan (Non inscrit - Essonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > relations internationales

Tête d'analyse > droit international

Analyse > délinquance financière. blanchiment d'argent. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 18/09/2012 page : 5106
Réponse publiée au JO le : 08/01/2013 page : 234

Texte de la question

M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dérives de l'arbitrage international en matière de blanchiment et la perte de souveraineté que représentent les dernières dispositions du code de procédure civile, qui confèrent un caractère automatique à l'exécution en France des sentences arbitrales rendues à l'étranger. L'article L. 561-2 du code monétaire et financier énumère 17 catégories de personnes assujetties à une obligation de lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme, et notamment à l'alinéa 13 qui dispose : « Les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs judiciaires ». Les arbitres et les conventions d'arbitrage ne sont pas mentionnés. La lutte contre la fraude et le blanchiment peut être facilement contournée par les procédures arbitrales qui ont encore été libéralisées à la suite de la dernière réforme du code de procédure civile applicable à compter du 1er janvier 2012, notamment aux article 1526, qui rend la sentence directement applicable en supprimant l'effet suspensif des recours, et 1522, qui permet de renoncer à tout recours en annulation. Les conventions relatives à l'arbitrage international permettent ainsi, en soumettant tout litige ou pseudo-litige à un ou plusieurs arbitres, de faire passer des sommes d'argent parfois très importantes d'une personne morale ou physique à une autre, dans un délai très court sous des prétextes élaborés, pour donner une apparence de crédibilité à l'opération, aboutissant à une condamnation convenue d'avance. Ainsi, pour contourner l'application de la 3e directive européenne anti blanchiment, il suffit de soumettre tout litige à une loi étrangère hors UE et de faire également siéger le tribunal dans un État hors UE. La convention de New-York signée par la France permettra "d'exequaturer" la décision étrangère qui sera applicable en France, sans aucune révision au fond et autorisera l'exécution des condamnations au profit de toutes personnes physiques ou morales françaises ou étrangères résidentes ou non. La difficulté provient de la rédaction insuffisante de l'article 561-2 du code monétaire et financier qui n'énumère pas explicitement les arbitres. En conséquence il lui demande si on doit considérer les arbitres comme implicitement inclus dans la liste des personnes soumises à l'obligation de vigilance imposée aux avocats, huissiers, experts comptables, notaires et commissaires-priseurs.

Texte de la réponse

L'article L 561-2 du Code monétaire et financier énumère la liste des professionnels financiers et non financiers assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L'activité d'arbitrage judiciaire, en tant que mode de règlement des litiges par le recours à une ou plusieurs personnes privées choisies par les parties, ne figure pas expressément dans cette liste. A cet égard, et compte tenu des implications qu'un tel assujettissement implique en termes d'organisation de l'activité et de responsabilité des professionnels concernés, la liste de l'article L 561-2 précité est considérée comme exhaustive. Toutefois, cette liste a régulièrement été complétée depuis 1990 et elle compte actuellement dix-sept catégories professionnelles qui couvrent un champ très large de professions et d'activités. Dans ces conditions, l'exécution - même amiable - d'une sentence arbitrale par une partie au profit de l'autre implique le plus souvent la participation, à un moment ou à un autre de sa mise en oeuvre, d'un opérateur financier bancaire ou non bancaire, ou encore d'un professionnel du chiffre ou du droit tel qu'un comptable, un commissaire aux comptes ou encore un notaire. Or ceux-ci sont tous assujettis aux obligations de vigilance et de déclaration de soupçons et sont donc à même de détecter toute opération illicite de blanchiment. Enfin, il est permis de s'interroger sur l'opportunité d'inclure formellement les arbitres judiciaires dans le dispositif déclaratif anti-blanchiment, ne s'agissant pas d'une profession réglementée mais au contraire de personnes privées librement choisies par les parties. En effet, l'efficacité du dispositif tient à l'existence d'une autorité de contrôle ou de régulation propre à la profession concernée et chargée de s'assurer que ces obligations sont effectivement appliquées, ce qui n'est pas le cas des arbitres.