Question de : M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Les Républicains

M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les voies de recours et plus particulièrement sur les conséquences du décret n° 2013-730 du 13 août 2013. Celui-ci supprime l'appel pour diverses catégories de décisions rendues par les tribunaux administratifs à compter du 1er janvier 2014. Il vise à décharger les cours administratives d'appel de certains litiges. Il concerne ainsi les contentieux liés aux permis de conduire. Ainsi, lorsqu'il sera saisi d'une contestation de retraits de points ou d'annulation d'un permis de conduire, le tribunal administratif statuera en premier et en dernier ressort. De même, les décisions rendues en matière de prestations, d'allocations ou de droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, de refus de concours de la force publique pour l'exécution d'un jugement, d'impôts locaux et de contribution à l'audiovisuel public, de pensions et de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques, ne seront plus susceptibles d'appel devant les cours administratives d'appel. Un justiciable désireux de contester une décision non susceptible d'appel n'aura d'autre option que le recours en cassation devant le Conseil d'État, et de recourir par conséquent aux services, coûteux, d'un avocat au Conseil d'État. En outre, cette contestation ne pourra porter que sur un point de droit. Ce décret risque donc par conséquent de constituer un recul pour les garanties des justiciables et suscite des inquiétudes légitimes chez les Français. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend tenir compte de ces inquiétudes légitimes et revenir sur ce décret.

Réponse publiée le 7 juin 2016

L'article R. 811-1 du code de justice administrative prévoit que, pour certains litiges, les jugements rendus par les tribunaux administratifs ne sont pas susceptibles d'appel devant la cour administrative d'appel. Le décret no 2013-730 du 13 août 2013, a supprimé l'appel pour les contentieux sociaux, les contentieux relatifs au permis de conduire et ceux relatifs à la consultation et à la communication des archives publiques. Toutefois, contrairement à ce qui est indiqué, les décisions rendues en matière de refus de concours de la force publique pour l'exécution d'un jugement, d'impôts locaux, de contribution à l'audiovisuel public, de pensions, ainsi que de consultation et de communication de documents administratifs, ne pouvaient déjà plus faire l'objet d'un appel au moment de la publication du décret du 13 août 2013. En contrepartie, ce décret a en outre rétabli l'appel pour d'autres contentieux, en particulier pour les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires et agents publics. A titre liminaire, il doit être rappelé que le double degré de juridiction ne constitue ni un principe général du droit (CE 17 décembre 2003, Meyet et autres, no 258253) ni un principe de valeur constitutionnelle (CC, 12 février 2004, Loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, no 2004-491 DC, cons. 4) ni même un principe reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme pour la matière civile, au sens de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention,  dont relève le contentieux administratif (CEDH, no 9186/80, 26 octobre 1984, de Cubber c/ Belgique, § 32). Les modifications introduites par le décret du 13 août 2013 visent à l'amélioration de l'efficacité de la justice administrative. La suppression de l'appel pour les contentieux sociaux et ceux relatifs au permis de conduire répond à la faible technicité de ces matières, en ce que la plupart des questions soumises au juge sont relatives à l'établissement et à l'appréciation des faits. Cette mesure permet ainsi d'accélérer la procédure contentieuse et de satisfaire les justiciables dans un délai raccourci.  Si, pour les jugements rendus en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs, la cassation devant le Conseil d'Etat demeure la seule voie de recours possible, il n'en résulte aucunement un recul des droits des justiciables. L'argument du caractère coûteux de cette procédure, fondé sur l'obligation de recourir à un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ne peut être retenu dès lors que tout requérant peut solliciter l'aide juridictionnelle, y compris en cassation, lorsque ses revenus sont insuffisants. S'agissant du pourvoi en cassation, qui ne porte que sur le droit applicable et non sur les faits du litige, le Conseil d'Etat, opère un contrôle de l'absence de dénaturation des faits. En outre, lorsqu'il décide de casser un jugement,  il peut ne pas renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif mais juger au fond « si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » (art. L. 821-2 du code de justice administrative). En conséquence, le Gouvernement estime que les mesures précitées préservent les droits des citoyens et garantissent une bonne administration de la justice.

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 4 février 2014
Réponse publiée le 7 juin 2016

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