Question de : M. Claude Sturni
Bas-Rhin (9e circonscription) - Les Républicains

M. Claude Sturni attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de nombreux enfants qui font l'objet d'une instrumentalisation de la part d'un des parents lors d'un divorce. Chaque année, des milliers de plaintes sont enregistrées pour non-présentation d'enfants. Bien souvent, ce sont les pères qui éprouvent des difficultés à faire respecter leur droit de visite. Pourtant, l'intérêt supérieur de l'enfant est caractérisé par le code civil comme la nécessité du maintien des liens avec chacun des deux parents. Le contexte de divorce conflictuel favorise l'emprise d'un parent sur l'enfant. Cela peut se manifester par un dénigrement de l'autre parent ainsi que par la non-représentation d'enfant. Il s'agit du syndrome d'aliénation parentale, d'ores et déjà constaté par les tribunaux. L'enfant en vient alors à adopter une vision négative du parent victime et finit par le rejeter. De nombreux effets pervers peuvent en résulter pour l'enfant : baisse des résultats scolaires, entrée dans la délinquance et dépression. Aujourd'hui, il semblerait que les textes en vigueur ne permettent pas de prévenir efficacement l'aliénation parentale ainsi que de protéger l'enfant et le parent qui en sont victimes. Par conséquent, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour garantir l'effectivité des droits des enfants et une équité des rôles éducatifs des parents dans le cadre d'un divorce.

Réponse publiée le 1er juillet 2014

Si le syndrome d'aliénation parentale, dont la reconnaissance ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique et médicale, n'est pas formellement nommé dans notre arsenal juridique, il n'en demeure pas moins que le juge ne méconnait pas la maltraitance psychologique de la part de l'un des parents et notamment le comportement du parent qui cherche à éloigner progressivement l'autre parent et sa famille de la vie de l'enfant. L'article 373-2-11 du code civil prévoit en effet que l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits de l'autre constitue l'un des critères sur lesquels se fonde le juge aux affaires familiales pour prendre les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Ainsi, le parent dont les droits ne sont pas respectés peut saisir le juge qui appréciera l'opportunité de modifier la décision précédente, en fonction de l'intérêt de l'enfant. La jurisprudence peut ainsi admettre que l'impossibilité pour un parent d'entretenir des relations avec l'enfant, notamment en raison d'un syndrome d'aliénation parentale, justifie un changement de résidence de l'enfant. Par ailleurs, si le juge estime préférable que l'enfant ne soit pas seul en présence de l'un de ses parents, en raison d'un comportement particulièrement dépréciateur et dévalorisant de ce dernier, il peut organiser les droits de visite en présence d'un tiers. Enfin, lorsque le comportement du parent met en danger la santé mentale de l'enfant, le juge aux affaires familiales peut transmettre les éléments du dossier au ministère public aux fins de saisine du juge des enfants, lequel appréciera l'opportunité d'ordonner une mesure d'assistance éducative. Le non-respect par le parent chez lequel l'enfant réside des droits de visite et d'hébergement de l'autre parent est réprimé en France par l'article 227-5 du code pénal d'une peine d'un an d'emprisonnement. La jurisprudence a précisé dans de nombreuses décisions que la résistance de l'enfant, ou son aversion à l'égard de la personne titulaire d'un droit de visite ne saurait constituer pour celui qui a l'obligation de les représenter ni une excuse légale ni un fait justificatif. Le nombre de condamnations est stable et se situe entre 1100 et 1300 par an depuis 5 ans. La jurisprudence des tribunaux correctionnels vise surtout à rétablir des relations sereines entre les parents en privilégiant des ajournements avec mise à l'épreuve ou des sursis avec mise à l'épreuve. Néanmoins, dans les cas les plus graves de parents ne présentant pas leur enfant et se soustrayant à l'action de la justice, il n'est pas rare que des peines d'emprisonnement soient prononcées. Ainsi, dans la moitié des cas, les tribunaux prononcent une peine d'emprisonnement, le plus souvent assortie d'un sursis, contre la personne prévenue. Par ailleurs, l'infraction de violences sur mineur de quinze ans par ascendant prévue aux articles 222-12 et 222-13 du code pénal peut recouvrir des violences psychologiques, dès lors que le comportement du parent a causé à l'enfant une atteinte à son intégrité psychique, caractérisée notamment par une perturbation psychologique. Ainsi, même en l'absence d'infraction spécifique d'aliénation parentale dans le code pénal, les comportements répréhensibles des parents cherchant à couper tout lien entre l'enfant et l'autre parent peuvent être réprimés sur le fondement des dispositions existantes. La modification du dispositif en vigueur n'est donc pas envisagée en l'état actuel.

Données clés

Auteur : M. Claude Sturni

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 11 février 2014
Réponse publiée le 1er juillet 2014

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