Question orale n° 498 :
porcs

14e Législature

Question de : M. Alain Marleix
Cantal (2e circonscription) - Les Républicains

M. Alain Marleix attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la filière "porcs de montagne". L'Europe a adopté le 21 novembre 2012 un règlement qui impose pour les produits de montagne que l'alimentation des animaux provienne désormais essentiellement des zones de montagne. La Commission européenne envisage d'imposer un taux d'alimentation de provenance montagne minimal pour les monogastriques, dont les porcs. Jusqu'à preuve du contraire, en zones de montagne, il y a toujours eu des élevages de porcs mais pas de cultures de céréales. Jusqu'à présent, la réglementation française prévoyait une dérogation pour l'alimentation de 700 000 porcs produits en zones de montagne. En juin 2013, lors du congrès de la Fédération nationale porcine à Aurillac auquel il avait participé, les professionnels avaient pointé du doigt cette problématique de l'origine des céréales. Il lui demande s'il a entrepris des démarches afin que les acteurs de la filière "porcs de montagne" soient entendus et défendus.

Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2014

FILIÈRE "PORCS DE MONTAGNE".
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marleix, pour exposer sa question, n°  498, relative à la filière « porcs de montagne ».

M. Alain Marleix. Madame la présidente, madame la ministre, l'Europe a adopté le 21 novembre 2012 un règlement qui impose, pour les produits de montagne, que l'alimentation des animaux provienne désormais essentiellement des zones de montagne. La Commission européenne envisage d'imposer un taux d'alimentation de provenance montagne minimal pour les monogastriques, dont les porcs.

Ce scénario pourrait bien condamner éleveurs, abatteurs et transformateurs, qui travaillent depuis une vingtaine d'années à l'émergence d'une filière de porcs de montagne de qualité, valorisante pour tous les maillons de la filière. Quinze entreprises ont signé la charte « origine montagnarde », l'État a apporté son aide, à travers des programmes de recherche et de développement et, aujourd'hui, les professionnels s'entendent dire que la règle du jeu a changé.

Jusqu'à preuve du contraire, dans les zones de montagne, il y a toujours eu des élevages de porcs mais pas de cultures de céréales, notamment pour des raisons évidentes de climat. Jusqu'à présent, la réglementation française prévoyait une dérogation pour l'alimentation des 700 000 porcs produits en zones de montagne, que ce soit dans le Massif central, les Pyrénées ou les Alpes.

Les professionnels ont souhaité coupler l'origine « né, élevé, abattu et transformé en montagne » à une certification de conformité produit. Par ailleurs, dès 2010, les accélérateurs de croissance, qui étaient souvent présents dans l'alimentation, ont été supprimés. L'association Porc de montagne, l'APM, s'est aussi sérieusement penchée sur la valorisation, si bien que, aujourd'hui, les résultats commencent à porter leurs fruits. L'origine « montagne » engendre ainsi, sur une longe de porc, une plus-value de l'ordre de 0,38 euro, dont 0,25 revient à l'élevage, et 0,13 euro à l'abattage-découpe.

Techniquement, les producteurs avancent des arguments sérieux. Premièrement, la culture des oléo-protéagineux est impossible en montagne. Deuxièmement, ces zones sont également déficitaires en céréales et déclarent 250 000 hectares au titre de la PAC, tous grains confondus. Or, cet élevage de porcs a besoin de l'équivalent de 350 000 hectares. Et, bien entendu, les céréales sont déjà consommées par les ruminants et ne peuvent être réservées aux porcins. D'autre part, les charcuteries et salaisons sèches sont emblématiques de la montagne : elles font partie du patrimoine gastronomique et culturel des massifs montagneux.

L'association Porc de montagne espère un soutien des pouvoirs publics, car la filière occupe, à l'heure actuelle, cinq abattoirs principaux, et une vingtaine d'abattoirs bovins de montagne qui seront, eux aussi, menacés par le manque à gagner.

En juin 2013, lors du congrès de la fédération nationale porcine à Aurillac, auquel le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, monsieur Le Foll, avait participé, les professionnels avaient souligné ce problème de l'origine des céréales. Face à cette situation, et alors que la production porcine a déjà du mal à se maintenir dans ces zones, à cause d'une baisse de consommation liée notamment aux évolutions dans certaines cantines scolaires, la seule solution pour eux est de se différencier. Autrement, c'est la grande inconnue et la disparition, à terme, de très nombreux emplois.

Ces mêmes professionnels souhaitent l'établissement d'un cadre, qui respecte ce qui se fait depuis quinze ans, et demandent que le principe de subsidiarité des États soit respecté. Je demande donc à M. Le Foll et à vous-même, madame la ministre, si des démarches ont été entreprises par le ministère de l'agriculture, afin que les acteurs de la filière « porcs de montagne » de l'hexagone soient entendus et défendus.

Il me semble normal que la France, qui est à l'origine de la politique agricole commune et est, avec l'Allemagne, le premier contributeur financier de l’Union européenne, soit en mesure d'imposer son point de vue sur la production porcine à d'autres partenaires n'ayant pas de traditions, ou seulement des traditions importées. Notre filière existe depuis des générations et est importante pour l'aménagement du territoire dans ces zones de montagne où, pour des raisons climatiques, il n'y a pas beaucoup d'alternatives à une telle production.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger. Madame la présidente, monsieur le député Alain Marleix, je vous prie tout d'abord d'excuser M. Le Foll, en déplacement à Saint-Brieuc, qui m'a demandé de vous répondre.

Le Gouvernement a encouragé et accompagné financièrement le projet structurant de la filière porcine de montagne sur la marque collective « origine montagne ». Le règlement européen relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires précise les conditions d'utilisation de la mention de qualité facultative « produit de montagne ».

Ainsi, les matières premières et les aliments pour animaux d'élevage doivent provenir essentiellement des zones de montagne. La Commission européenne peut adopter des actes délégués établissant des conditions de dérogation à ce cadre. À ce titre, le ministre de l'agriculture a veillé à ce que la Commission propose un équilibre raisonnable entre les objectifs du projet d'acte délégué et les contraintes réelles de la filière française « porcs de montagne ». La part minimum d'alimentation des animaux en provenance de la zone de montagne a donc été abaissée de moitié, passant ainsi de 50 % à 25 % de l'alimentation des non-ruminants provenant obligatoirement des zones de montagne.

Ce projet d'acte délégué a été notifié en décembre 2013 à l'Organisation mondiale du commerce dans le cadre de l'accord sur les obstacles techniques au commerce. Il sera ensuite formellement adressé au Parlement européen et au Conseil pour adoption. Dans le cadre de la politique agricole commune réformée, la revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels de 15 % dès 2014, les aides couplées destinées à la production de protéines végétales et le plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations, via la modernisation des bâtiments d'élevage, sont les principaux leviers qui doivent permettre à la filière porcine de montagne de conforter sa place dans l'économie locale.

Par ailleurs, une réflexion sur la meilleure façon d'intégrer spécifiquement dans l'indemnité compensatoire de handicap naturel la problématique de l'élevage de porcs en montagne est en cours. Enfin, le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt accordait la possibilité aux producteurs de céréales associés dans un groupement d'intérêt économique et environnemental de commercialiser leurs céréales directement au sein du groupement.

Ce dispositif aurait permis, notamment, de diminuer et de sécuriser les coûts alimentaires qui pénalisent la production porcine en zone de montagne tout en répondant aux nouvelles exigences communautaires sur l'origine de l'alimentation. À ce stade de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, adopté en première lecture le 14 janvier dernier, cette disposition a été supprimée par amendement parlementaire. Le Gouvernement souhaite pouvoir rediscuter avec le Parlement de l'opportunité de cette suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marleix.

M. Alain Marleix. Je prends acte de votre réponse, madame la ministre. J'espère qu'une solution sera trouvée dans les meilleurs délais. Il est tout de même paradoxal que, parmi les pays qui consentent le plus d'efforts dans le domaine de la production porcine de montagne de qualité, certains réussissent mieux que d'autres. Je pense, notamment, à l'Espagne qui vend et exporte dans le monde entier des jambons de très bonne qualité à un prix souvent dix fois supérieur à celui des productions françaises situées dans les mêmes zones. L'Italie exporte également, à partir de ses zones de montagne, du San Daniele ou des jambons de Parme de très grande qualité.

Il est anormal que la France n'atteigne pas, qu'il s'agisse des coûts ou des exportations, à un niveau comparable à ces deux pays. Il y a, là, une situation de blocage. Le projet d'acte délégué doit encore recevoir, vous l'avez dit, l'accord du Parlement européen et du Conseil européen, puisqu'il s'agit d'une codécision. Alors, attendons. Nous serons toutefois très vigilants, car cela conditionne l'avenir d'une filière importante de notre agriculture.

Données clés

Auteur : M. Alain Marleix

Type de question : Question orale

Rubrique : Élevage

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2014

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