Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'application de certaines règles du code du travail aux permanents responsables et assistants permanents employés dans des lieux de vie et d'accueil tels que définis par les articles L. 312-1 et D. 316-1 du code de l'action sociale et des familles. Les caractéristiques propres aux fonctions de permanents de lieu de vie rendant difficile, voire impossible, l'application à ces salariés des règles de droit commun instaurées par le code du travail, notamment en matière de durée du travail ou d'aménagement du temps de travail, le législateur a instauré un régime dérogatoire résultant notamment de l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles dont les alinéas 4 et 5 disposent que « les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée de travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires des titres 1er et II du livre 1er de la troisième partie du code du travail ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitres I et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre. Leur durée de travail est de deux cent cinquante-huit jours par an ». En vertu de ce texte, les salariés permanents des lieux de vie et d'accueil ne sont donc pas soumis notamment aux dispositions de l'article L. 3121-10 du code du travail fixant la durée légale de travail à 35 heures par semaine civile, de l'article L. 3121-34 du code du travail limitant à 10 heures par jour la durée maximale de travail, de l'article L. 3131-1 du code du travail prévoyant un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, de l'article L. 3132-1 du code du travail interdisant de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine, de l'article L. 3132-2 du code du travail fixant à 24 heures consécutives la durée minimale de repos hebdomadaire à laquelle s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien, de l'article L. 3132-3 du code du travail imposant de donner le repos hebdomadaire le dimanche, si ces dispositions définissent un dispositif dérogatoire au droit commun bien adapté aux spécificités des fonctions exercées par les permanents responsables et les assistants permanents des lieux de vie et d'accueil, confrontés à la nécessité d'accompagner de manière permanente et continue les personnes accueillies, ce texte prévoit toutefois expressément en son alinéa 5 que « les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés dont définies par décret ». Or il semblerait qu'aucun décret d'application n'ait été publié à ce jour, ce qui suscite des difficultés d'application et favorise même l'émergence de contentieux au sein de certaines structures, dont les conséquences sont de nature à remettre en cause l'existence même des lieux de vie. En effet, alors même que la loi reconnaît la nécessité d'un « accompagnement continu et quotidien » (article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles) générant une présence permanente sur les lieux de vie au cours des jours travaillés, certains salariés ou syndicats estiment qu'elle est incompatible notamment avec les principes résultant de la charte sociale européenne et notamment de son article 2, alinéa 1 prévoyant le principe d'une « durée de travail raisonnable », étant en outre observé que l'activité des lieux de vie ne semble pas expressément visée par la liste découlant de l'article 17 de la directive n° 2003-88-CE du 4 novembre 2003 permettant de déroger dans certains secteurs d'activité aux principes en matière de durée de travail. La jurisprudence récente de la Cour de cassation qui a notamment, suivant arrêt du 29 juin 2011 concernant la mise en œuvre des conventions de forfait pour les cadres, rappelé que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles, que les États membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Elle a également indiqué que les conventions de forfait doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi qu'un repos journalier et hebdomadaire. Il souhaiterait en conséquence savoir, dans le souci d'une meilleure sécurité juridique, si les dispositions de l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles peuvent être appliquées au sein des lieux de vie et d'accueil sans autres restrictions que celles résultant du respect du nombre de jours de travail prévu par la loi, soit 258 jours par an, ou si des adaptations législatives ou réglementaires sont envisagées pour organiser les temps de travail et de repos des salariés concernés pendant leurs périodes d'activité, dans le respect de la spécificité de ce type de structures ainsi que de l'environnement juridique interne et communautaire.

Réponse publiée le 12 juillet 2016

Les permanents et assistants permanents des lieux de vie et d'accueil relevant de l'article L312-1 du code de l'action sociale et des familles ont pour la première fois en 2007 obtenu un cadre statutaire définissant les conditions d'exercice de leurs missions. Ce cadre, fixé par l'article L 433-1 du code précité, prévoit que les dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et l'aménagement des horaires, définies par le code du travail, ne sont pas applicables à ces catégories de salariés. En effet la nécessité d'une prise en charge continue, de façon à offrir un cadre familial à des jeunes en grande difficulté essentiellement issus des services de l'aide sociale à l'enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse, est incompatible avec la réglementation de la durée du travail. Un temps de repos minimum est garanti par la limitation de la durée annuelle de travail à 258 jours, les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés étant définies par un décret non publié à ce jour. L'article L 433-1 du code de l'action sociale et des familles peut néanmoins s'appliquer, y compris les dispositions dérogatoires au droit commun du travail, même si les modalités d'organisation sont, en l'absence de décret, définies par le contrat de travail. Ces dérogations entrent bien dans le champ de celles autorisées par l'article 17 de la directive du conseil de l'Europe du 4 novembre 2003. En effet, l'article 17-1 admet la possibilité de déroger aux dispositions européennes relatives au repos, à la durée maximale de travail et au travail de nuit lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l'activité exercée, n'est pas mesurée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes. Les permanents ou des assistants exerçant leur mission à leur lieu de résidence peuvent difficilement distinguer le temps d'accueil, par définition permanent, du temps réservé à leurs occupations personnelles. Le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé de ces salariés accueillants à leur domicile, résulte en grande partie de l'organisation qu'ils auront adoptée. Il est par ailleurs favorisé par l'encadrement des capacités d'accueil par le code de l'action sociale et des familles. Enfin,  l'article 17 prévoit expressément des possibilités de déroger aux seuils fixés par la directive en matière de durée du travail et temps de repos, pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité des soins ou la protection des personnes. Or, la mission des lieux de vie et d'accueil correspond bien à cet objectif, même s'il ne s'y réduit pas, puisqu'à la protection et à la surveillance s'ajoute une fonction éducative et d'insertion. Toutefois, le caractère peu contraignant du statut des permanents et assistants permanents peut être source de difficultés pour les salariés n'exerçant pas à leur domicile. C'est pourquoi une réflexion est actuellement engagée sur les dispositions réglementaires permettant d'assurer une meilleure protection des personnels, notamment par l'organisation d'une concertation au moment de l'élaboration ou de la modification de l'organisation du travail, une formalisation des plannings et un contrôle accru par les services de l'inspection du travail.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Dates :
Question publiée le 18 février 2014
Réponse publiée le 12 juillet 2016

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