14ème législature

Question N° 510
de Mme Isabelle Le Callennec (Union pour un Mouvement Populaire - Ille-et-Vilaine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > conditions d'entrée et de séjour

Analyse > mineurs isolés. prise en charge.

Question publiée au JO le : 21/01/2014 page : 548
Réponse publiée au JO le : 31/01/2014 page : 1193

Texte de la question

Mme Isabelle Le Callennec attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'augmentation du nombre de mineurs étrangers sur notre territoire qui ne cesse d'augmenter et sur leur prise en charge qui pose de nombreuses difficultés ; l'État et les départements se rejetant la responsabilité de leur accueil. Il a été décidé que tous les départements devaient désormais accueillir des mineurs, même s'ils sont identifiés pour la première fois dans un autre département. Certains départements ont pris position et demandent des évolutions. Ils ont la compétence de la protection de l'enfance et estiment que l'accueil des MEI pèse de plus en plus lourdement sur leurs finances, sans compter les difficultés de coordination entre les services de l'État, les services judiciaires et les départements. Elle lui demande quelles évolutions sont prévues : pour stopper l'évolution à la hausse des MIE qui entrent sur le territoire ; pour améliorer la situation.

Texte de la réponse

PRISE EN CHARGE DES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS


Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour exposer sa question, n°  510, relative à la prise en charge des mineurs isolés étrangers.

Mme Isabelle Le Callennec. Je souhaite interpeller Mme la ministre de la justice sur l'augmentation du nombre de mineurs étrangers isolés sur le territoire français. Selon les évaluations disponibles, ils seraient aujourd'hui 8 000, et 4 000 de plus chaque année. Ils ne peuvent faire l'objet ni d'une obligation de quitter le territoire, ni d'une mesure d'expulsion. Ils sont donc légalement accueillis et pris en charge. Mais cette prise en charge pose manifestement de nombreuses difficultés, l'État et les départements se rejetant la responsabilité, y compris financière, de leur accueil. La récente circulaire du ministère de la justice prévoit une contribution forfaitaire de l'État pour permettre l'évaluation de la qualité de mineurs et organise leur accueil entre tous les départements, et non plus seulement ceux où ils se font connaître pour la première fois ; mon département de l'Ille-et-Vilaine a déjà eu à connaître de cette procédure.

Les services de l'aide sociale à l'enfance des conseils généraux ne sont pas a priori organisés pour la prise en charge très complexe de ces mineurs. S'ils ont la compétence de la protection de l'enfance, ils estiment que l'accueil des mineurs étrangers isolés pèse de plus en plus lourdement sur leurs finances, parfois au détriment de leurs obligations envers les autres jeunes, sans compter les difficultés de coordination avec les services de l'État et les services judiciaires.

Je souhaite donc savoir ce que la ministre de la justice envisage pour régulariser la situation des mineurs étrangers isolés présents sur le territoire et pour favoriser leur insertion sociale puis professionnelle, et ce qui est prévu pour répondre aux attentes des conseillers généraux inquiets de la situation et soucieux de la pérennité de la contribution financière de l'État. Je souhaiterais également savoir si le Gouvernement a l'intention de stopper l'évolution à la hausse du nombre d'entrées sur le territoire de ces mineurs, et si oui, comment.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Madame la députée, Mme la garde des sceaux vous prie de bien vouloir excuser son absence ; elle est en effet retenue par ailleurs.

Entre le 1er juin et le 31 décembre 2013, 2 280 mineurs isolés étrangers avaient été signalés à la cellule nationale d'appui placée au sein de l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse. Près de 40 % d'entre eux, soit 920 jeunes, avaient été réorientés vers d'autres départements et 60 %, soit 1 360 jeunes, avaient été maintenus dans le département d'origine. Seize départements avaient accueilli plus de 30 jeunes, quatorze départements avaient accueilli de 21 à 30 jeunes, trente-trois départements avaient accueilli de 11 à 20 jeunes, trente-trois départements avaient accueilli moins de 10 jeunes. Plus précisément, les dix départements les plus impactés avaient accueilli à eux seuls 484 jeunes, soit 27 % du total.

Afin de protéger l'enfance en danger, la garde des sceaux a mis en place un nouveau dispositif de prise en charge de ces mineurs étrangers isolés sur l'ensemble du territoire dès le 31 mai 2013. L'autorité judiciaire, qui a en charge l'orientation des enfants, veille à ce que leur répartition vers les départements se fasse de manière équilibrée sur le territoire national en tenant compte du profil de chacun. À cet effet, une cellule nationale pilotée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a été créée au sein du ministère de la justice.

L'activité observée au cours des sept premiers mois montre que 4 200 mineurs étrangers isolés peuvent être pris en charge sur une année pleine dans l'ensemble des départements si le flux reste le même. La situation au plan national a été présentée au comité de suivi qui s'est réuni le 9 janvier 2014 à la chancellerie et qui a acté la poursuite du fonctionnement du dispositif sur cette base, les 4 020 mineurs étrangers isolés s'entendant du 1erjuin 2013 au 31 mai 2014.

Par ailleurs, douze départements ont pris position en déposant un recours – les Alpes-Maritimes, l'Aveyron, la Corse du Sud, la Côte-d’Or, l'Eure et Loir, le Loir-et-Cher, le Loiret, la Sarthe, la Vendée, les Hauts-de-Seine, le Var et l'Indre – et neuf départements ont pris des arrêtés de suspension ; l'Aube, le Bas-Rhin, la Mayenne, la Côte-d’Or, l'Eure-et-Loir, le Loiret, la Moselle, l'Aveyron et la Haute-Loire.

Des déférés préfectoraux ont été systématiquement introduits à l'encontre de ce type d'arrêtés par les préfets compétents. Ces procédures n'ont pas paralysé le dispositif et certains départements ont d'ailleurs continué à accueillir des mineurs étrangers isolés. De plus, lors du dernier comité de suivi, il a été décidé de mettre en place deux groupes de travail – l'un sur la question de l'évaluation de la minorité et de l'isolement, l'autre sur le financement du dispositif – et de créer un forum de recueil des modalités et des pratiques de prise en charge après évaluation.

Enfin, je peux vous annoncer qu'un rapport d'évaluation du dispositif, qui contiendra des préconisations, sera rendu public le 15 avril prochain.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre, en particulier celle-ci : « si le flux reste le même ». C'est précisément parce que la stabilisation du flux n'est pas certaine que j'ai souhaité savoir quelle politique le Gouvernement entendait mettre en œuvre pour stopper cet afflux important de mineurs étrangers isolés qui, une fois sur notre territoire, doivent être accueillis dignement.

J'ai bien entendu votre annonce au sujet de la publication du rapport d'évaluation. Permettez-moi de vous indiquer par ailleurs qu'une proposition de loi sur ce sujet sera examinée le 12 février prochain au Sénat en séance publique. Sachez que nous serons extrêmement vigilants quant à l'accueil que vous réserverez à ce texte, qui a pour objet de résoudre les difficultés que rencontrent les départements, comme vous l'avez vous-mêmes précisé. En effet, douze d'entre eux ont déposé des recours, tandis que neuf ont pris des arrêtés de suspension – j'ai bien entendu vos propos concernant les déférés.