Question de : M. Frédéric Lefebvre
Français établis hors de France (1re circonscription) - Les Républicains

M. Frédéric Lefebvre attire l'attention de Mme la ministre du commerce extérieur sur l'effondrement des investissements directs à l'étranger en France sur l'année 2013. La conférence des Nations-unies pour le commerce et le développement (CNUCED) a établi comme chaque année un classement des destinations favorites des investissements directs à l'étranger (IDE). La CNUCED constate que les IDE en France ont connu un recul de 77 % en 2013. Or, sur le continent européen, on note sur la même période une hausse moyenne de 37,7 % des IDE. Les IDE vers l'Allemagne ont même bondi de 392 % en 2013. Ce recul des IDE vers la France s'explique par la fermeture en 2013 de 263 sites industriels sur le territoire pour seulement 124 usines créées. Cet effondrement des IDE est préoccupant notamment au regard des résultats encourageants de nos voisins. Il lui demande donc de lui préciser la position du Gouvernement et d'intensifier ses efforts pour restaurer la confiance des investisseurs étrangers.

Réponse publiée le 24 juin 2014

La chute des entrées d'investissements directs étrangers (IDE) en France en 2013 mentionnée par la publication de la conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) doit être interprétée avec la plus grande prudence, à la fois quant à son ampleur et quant à sa signification. Dans sa publication trimestrielle de janvier sur les IDE[1], la CNUCED[2] évoque effectivement une chute de 77 % des IDE entrant en France en 2013 par rapport à 2012, qui passeraient de 24,8 Mds$ (18,3 Mds€) à 5,7 Mds$ (4,2 Mds€). Ces chiffres reposent sur 2 sources : des données sur les 3 premiers trimestres 2013 transmises par la Banque de France à la CNUCED et une estimation réalisée par la CNUCED pour le 4e trimestre 2013. Cette baisse apparaît également dans les données de la Banque de France sur l'ensemble de l'année 2013, qui font état d'une chute de 82 %, les flux entrants passant de 19,5 Mds€ en 2012 à 3,5 Mds€ en 2013. Cette chute concerne également et de manière plus marquée encore les flux sortants : passage de 29 Mds€ à -3,7 Mds€ (chiffre négatif, signifiant que les entreprises françaises désinvestissent de l'étranger). Ces données ne sont pas pertinentes pour mesurer l'attractivité du territoire, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ces données donnent souvent lieu à de très fortes révisions qui interviennent lors de la publication, en juin, de la balance des paiements de la France et du rapport annuel de la CNUCED sur l'investissement dans le monde, puis au cours des années ultérieures (révisions jusqu'à l'année n+2). L'an dernier, les données publiées en janvier par la CNUCED, sur la base des informations de la Banque de France, plaçaient ainsi la France au 6e rang des bénéficiaires d'IDE, à 59 Mds$, soit une hausse de 44 % par rapport à l'année précédente. Dans son rapport annuel final, l'organisation a finalement affiché pour la France la 16e position, avec un montant plus de 2 fois inférieur à l'estimation initiale (25 Mds$) et en baisse de 35 % par rapport à l'année antérieure. En 2011, la révision entre les deux publications était de - 41 %. Il apparaît dès lors, tout à fait prématuré de porter un jugement définitif sur ces chiffres provisoires qui sont très largement corrigés quelques mois plus tard. Les IDE sont en outre des flux souvent volatils d'année en année, qu'il convient d'interpréter sur la durée. Depuis 1999, la variation annuelle du montant total des entrées d'IDE en France a ainsi été comprise entre - 75 % et + 659 %. Enfin, la baisse porte aux trois-quarts sur les « prêts intra-groupe », qui sont des flux financiers internes aux groupes multinationaux c'est-à-dire des prêts entre maison-mère et filiales ou entre filiales. Seul un quart de la chute de ces chiffres tout à fait provisoires concerne les véritables investissement productifs, ceux impliquant une nouvelle implantation d'activité en France. En effet, si les investissements dits en « capital social », qui sont ceux comprenant les nouvelles implantations en France, baissent de 30 % (passant de 14,7 Mds€ en 2012 à 10,3 Mds€, soit une diminution de 4,4 Mds€), les trois-quarts de la baisse concernent les prêts intra-groupe : les entrées d'IDE hors capital social[3] baissent en effet de 11,5 Mds€, passant de 4,8 Mds€ à - 6,7 Mds€. Or, si ces derniers peuvent être liés à des considérations d'attractivité, notamment fiscale, ils reflètent aussi la structure des groupes internationaux et leurs politiques de gestion de trésorerie. La cause de cette apparente chute des prêts intra-groupe est difficile à identifier avec certitude à ce stade mais pourrait être liée à l'introduction par la loi de finances pour 2013 d'un plafonnement de la déductibilité à l'impôt sur les sociétés (IS) des charges financières. La réforme, qui prévoit un plafond de 85 % pour les exercices 2012 et 2013 puis de 75 % pour les exercices ultérieurs, contre 100 % auparavant, aurait permis de réduire la localisation de la dette financière en France, qui était favorable pour les entreprises, du fait d'un taux d'IS élevé et d'une déductibilité totale des intérêts d'emprunt. Si cette explication est exacte, c'est donc une mesure de lutte contre l'optimisation fiscale qui aurait produit ses effets. Ces données ne sont donc pas pertinentes pour juger de l'attractivité de la France. Ce constat est confirmé par la publication du bilan annuel publié par l'Agence française des investissements internationaux de février 2014. Ce « Bilan 2013 » recense les décisions d'investissement étranger porteur d'emploi au travers d'implantations nouvelles, d'extensions de sites existants, de rachats d'entreprises en difficulté et d'extensions consécutives à des acquisitions. Etabli avec les Agences régionales de développement économique ou les services des Conseils régionaux, ce bilan établit que le nombre des décisions d'investissement se maintient à un niveau élevé, avec une contribution à l'emploi supérieure à celle de 2012. Ce sont 685 décisions d'investissement productif en 2013 contre 693 en 2012. Treize entreprises étrangères ont fait confiance à la France chaque semaine, en moyenne, l'année dernière pour un total de 29 631 emplois, contre 25 908 en 2012 (+14,5%). Les entreprises qui investissent en France dans des projets créateurs d'emploi proviennent de 44 pays, contre 39 en 2012. Les investissements venant d'Europe, plus nombreux qu'en 2012, représentent 61 % du total, contre 58 % l'année précédente. L'Allemagne demeure le premier pays d'origine européen, avec 106 projets (contre 113 en 2012). De nombreux pays européens affichent des résultats en hausse, parmi lesquels les Pays-Bas, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne, la Belgique, la Suède, l'Autriche. Les Etats-Unis conservent leur première place parmi les pays d'origine, malgré un recul du nombre de décisions d'investissement prises par des sociétés américaines (122 projets américains, contre 156 l'année précédente) ; La part des projets portés par des sociétés originaires de pays émergent poursuit sa croissance, pour atteindre 11 % du total (77 décisions d'investissement en 2013, contre 73 en 2012). La Chine conserve la 8e place parmi les pays d'origine, par le nombre des nouveaux projets (33 projets, contre 31 en 2012). Le bilan confirme que la France est attractive et qu'elle continue d'attirer des investissements dans toutes les fonctions, notamment celles de production et de recherche. Le nombre des projets d'investissement étranger dans les fonctions de R&D, ingénierie et design est en forte hausse : 77, contre 58 en 2012. Dans la R&D, la progression est de 13% : 51 décisions nouvelles, contre 45 l'année dernière, et 40 en 2011. Le nombre des investissements dans les activités de production/ réalisation, qui était en baisse depuis 2010, repart à la hausse, avec 209 décisions en 2013, contre 194 en 2012. Ces projets représentent un enjeu de 11 829 emplois, soit 40 % de l'emploi total. La baisse des investissements dans les activités de service aux entreprises et aux particuliers, dans la logistique et dans les bureaux commerciaux ou quartiers généraux a été compensée, pour partie, par un doublement du nombre des investissements étrangers dans les points de vente (58 projets). Le bilan de l'AFII confirme également que la diversité des territoires français reste un puissant facteur d'attractivité : les décisions d'investissement prises en 2013 vont générer de l'emploi dans la quasi-totalité des régions françaises. Treize d'entre elles ont été choisies pour de nouveaux investissements étrangers dans la R&D. Ces bons résultats confirment l'attractivité de la France, qui accueille sur son sol le stock d'investissements directs le plus élevé en Europe après le Royaume-Uni. Au niveau mondial, elle occupe la 4e place selon la CNUCED[4]. Au total, plus de 20 000 sociétés étrangères sont aujourd'hui implantées en France, employant près de 2 millions de personnes et représentant 30 % de nos exportations. Cette performance est due à de nombreux atouts, parfois insuffisamment reflétés dans les médias internationaux. Elle est située au coeur d'un marché européen de 500 millions de consommateurs, offre des infrastructures de grande qualité, une main d'oeuvre à haut niveau de formation, un tarif de l'électricité qui est le plus bas d'Europe occidentale, de nombreux outils de soutien à la recherche développement (dont le crédit d'impôt recherche)... Le coût pour créer une entreprise en France est très inférieur à la moyenne du G20, d'après le baromètre annuel d'Ernst and Young (le coût représente moins de 1 % du revenu moyen par habitant contre 9 % en moyenne). La France est 1re dans ce classement en termes de niveau de formation et d'investissement dans l'éducation. Nous sommes aussi le 5e pays au monde en termes de personnels affectés à la recherche et développement[5], le 6e (et le 2e en Europe) pour le nombre de brevets[6], le 3e pour le nombre d'entreprises innovantes (Thomson Reuters)... Le Gouvernement agit pour renforcer l'attractivité et la compétitivité de l'économie française. Ainsi, le Président de la République a réuni le Conseil stratégique de l'attractivité le 17 février 2014 avec plus de trente PDG d'entreprises étrangères de premier plan. Ce Conseil, qui sera dorénavant réuni tous les 6 mois, a été l'occasion d'annoncer une série de mesures visant à conforter le choix de l'implantation en France. Les mesures portent notamment sur la facilitation de la venue en France (accélération de la délivrance de visas, création d'un « passeport talents »), sur la stabilité de l'environnement fiscalo-social des entreprises (extension aux contributions sociales du champ du rescrit, mise en place par l'administration fiscale d'un bureau des investissements étrangers en France), sur l'attraction des étudiants, chercheurs et artistes à fort potentiel, ainsi que sur une meilleure connexion de la France aux marchés mondiaux par la facilitation, par exemple, du paiement de la TVA à l'importation. Le Conseil stratégique a également été l'occasion pour le Gouvernement d'annoncer la création d'une agence unique pour renforcer l'internationalisation de l'économie française sur la base du regroupement, dans un seul et même établissement public, de l'AFII et d'Ubifrance pour un aboutissement attendu à l'été 2014. Le nouvel opérateur aura pour mission de renforcer l'internationalisation de l'économie française, tant s'agissant des exportations que de l'attractivité du territoire pour les investisseurs internationaux. En étroite collaboration avec les Régions, il contribuera au renforcement des partenariats entre entreprises françaises et étrangères. Le Gouvernement a par ailleurs mis en place une stratégie ambitieuse de renforcement de la compétitivité de l'économie française, qui est le meilleur gage de l'attractivité des territoires. Il a placé au plus haut de ses priorités le basculement de taxes reposant sur le travail vers des assiettes moins distorsives ou des baisses de dépenses. Le crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE), entré en vigueur le 1er janvier 2013 et d'un montant de 20 Mds€ (10Mds€ la première année, 20Mds€ par la suite), réduit de manière immédiate le coût du travail, ce qui permet d'améliorer la compétitivité de nos entreprises tout en soutenant durablement l'emploi. La réforme de la fiscalité des entreprises, engagée dès 2013 sera poursuivie dans le cadre du « Pacte de responsabilité », avec la modernisation de l'impôt sur les sociétés et la simplification des normes dès la loi de finances 2015. Il engage la suppression des cotisations familiales pour les entreprises à horizon 2017 avec en contrepartie des engagements des entreprises en termes d'emplois, de qualité de l'emploi et de dialogue social. Cette réforme est permettra d'accroître l'attractivité de la France. Un ensemble de mesures visent à renforcer l'efficacité du financement des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes et des entreprises exportatrices. Cela passe notamment par la création de la Banque publique d'investissement (Bpifrance), une meilleure orientation de l'épargne nationale vers le financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (la réforme du plan d'épargne en actions) et la mise en place d'un nouvel outil pour favoriser le capital-investissement d'entreprise ou encore le renforcement du financement participatif. Par ailleurs, le choc de « simplification » et le soutien déterminé à l'innovation à travers le renforcement des dispositifs spécifiques aux PME innovantes (jeunes entreprises innovantes, crédit d'impôt innovation...) renforcent un environnement des affaires attractif. Le plan « innovation », annoncé par le Premier ministre fin 2013, complète ces réformes en soutenant l'innovation dans sa diversité (technologie, marketing, design...) et en encourageant une meilleure exploitation commerciale des résultats de la recherche publique. L'environnement de la R&D et de l'innovation constituent un des points forts de l'attractivité de la France comme le montre le nombre de projets étrangers en 2013 dans ce type d'activité. Ces mesures sont de nature à encore le renforcer. [1] Global Investment Trends Monitor, 28 janvier 2014 : http ://unctad. org/fr/pages/newsdetails. aspx ?OriginalVersionID=687&Sitemap_x0020_Taxonomy=UNCTAD% 20Home [2] Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. [3] Cette catégorie - IDE hors capital social - comprend les prêts intra-groupe et les bénéfices réinvestis, ces derniers étant estimés stables par la Banque de France. [4] Source : CNUCED, Rapport sur l'investissement dans le monde 2013, juin 2013. [5] source : OCDE. [6] Source : Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Données clés

Auteur : M. Frédéric Lefebvre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Relations internationales

Ministère interrogé : Commerce extérieur

Ministère répondant : Commerce extérieur, tourisme et Français de l'étranger

Dates :
Question publiée le 4 mars 2014
Réponse publiée le 24 juin 2014

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