enfants
Question de :
M. Éric Ciotti
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Les Républicains
M. Éric Ciotti alerte M. le ministre de l'intérieur sur le développement de la mendicité impliquant des mineurs étrangers, parmi lesquels de très jeunes enfants, notamment des roms. Ces différentes formes de mendicité en direction des automobilistes, dans les transports ou dans la rue, s'appuient sur l'exploitation de mineurs, parfois en bas âge. Si leur isolement familial n'est souvent que relatif, il ne fait pas de doute que les conditions de leur éducation, de leur éveil et de leur sécurité ne sont pas remplies. Aux termes de l'article 20 de la convention internationale des droits de l'enfant, « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État ». Il lui demande les mesures qu'il envisage de prendre afin de lutter contre le développement de ce phénomène, dans l'intérêt des enfants qui y sont impliqués, et de mieux lutter contre les filières d'exploitation des mineurs étrangers.
Réponse publiée le 8 septembre 2015
Sur le plan pénal, l'exploitation de la mendicité des mineurs est aujourd'hui sévèrement réprimée par le droit pénal français, grâce à un arsenal législatif très complet. L'article 227-15 du code pénal punit en effet de 7 ans d'emprisonnement « le fait, par un ascendant ou toute autre personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou ayant autorité sur un mineur de quinze ans, de priver celui-ci d'aliments ou de soins au point de compromettre sa santé ». L'alinéa 2 de cet article précise que « constitue notamment une privation de soins le fait de maintenir un enfant de moins de 6 ans sur la voie publique ou dans un espace affecté au transport collectif de voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des passants ». La Cour de cassation considère, cependant, que le seul fait de maintenir l'enfant sur la voie publique ne suffit pas à caractériser l'infraction et exige, en outre, que la santé de l'enfant ait été compromise par ce comportement. Si l'article 227-20 qui réprimait auparavant le fait de provoquer directement un mineur à la mendicité a été abrogé par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, cette même loi a, en revanche, introduit trois nouveaux articles dans le code pénal (art. 225-12-5 à 225-12-7) qui viennent réprimer l'exploitation de la mendicité. Ces dispositions permettent de poursuivre et de punir celui qui, de manière intentionnelle, s'enrichit ou tire profit, directement ou indirectement, de l'exercice de la mendicité par un ou plusieurs tiers, en ayant recours à des moyens divers, tels que l'organisation d'un réseau ou le recrutement de personnes, afin qu'elles se livrent à la mendicité. L'exploitation de la mendicité est punie de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 45.000 euros. Les peines sont portées à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende, notamment lorsque le délit est commis à l'égard d'un mineur. Il n'est pas nécessaire, dans le cadre de cette incrimination, que la santé du mineur ait été compromise. En répression de l'incrimination spécifique prévue par l'article 225-12-6 1° ), qui punit précisément l'exploitation de la mendicité d'un mineur, 3 condamnations ont été prononcées en France en 2009 et 12 en 2010. Sur ces 12 condamnations, 9 ont donné lieu au prononcé de peines d'emprisonnement. Le nombre peu élevé de condamnations s'explique, d'une part, par le nombre réduit d'interpellations en la matière et, d'autre part, par la volonté de privilégier les alternatives aux poursuites, telles que le rappel à la loi, en cas de première interpellation, afin de tenter de sensibiliser la personne interpellée et d'éviter la récidive. Toutefois, les parquets n'hésitent pas à poursuivre les mis en cause dès leur première interpellation lorsqu'ils appartiennent à des réseaux ou bien en cas de réitération de l'infraction ou de récidive. Sur le plan civil, les enfants mineurs présents sur le territoire national relèvent de la protection de l'enfance, quelle que soit leur nationalité. Les mineurs étrangers sont donc susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'assistance éducative et les prises en charge institutionnelles en place sur le territoire national leur sont applicables. Dès lors, si les conditions sont réunies, le juge des enfants, dès qu'il est saisi, peut décider, en application de l'article 375 du code civil, d'une mesure d'assistance éducative à l'égard du jeune, et notamment d'un placement sur le fondement de l'article 375-3 du code civil, dans le souci de le soustraire à un milieu familial non protecteur où il est contraint à la mendicité, voire à des actes de délinquance, ainsi qu'à un environnement dans lequel les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale sont souvent soit absents, soit défaillants. La difficulté pour le juge des enfants consiste toutefois à identifier une formule de placement qui mette le jeune à l'abri du réseau très organisé qui le contraint à ces actes de mendicité ou de délinquance. L'expérience montre l'échec de telles mesures dès lors que les réseaux sont vigilants et mettent en place les conditions favorisant les fugues des jeunes qui ne peuvent échapper à leur emprise. Toutefois, des solutions alternatives en terme de placements plus adaptés sont recherchées pour que les mesures d'assistance éducatives décidées puissent être effectives et que la protection de ces jeunes soit une réalité. Par ailleurs, en application de l'article 375-7 alinéa 6 du code civil, le juge des enfants, si l'intérêt de l'enfant le nécessite ou en cas de danger, peut décider d'anonymiser le lieu d'accueil.
Auteur : M. Éric Ciotti
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 25 septembre 2012
Réponse publiée le 8 septembre 2015