14ème législature

Question N° 53052
de M. Damien Abad (Union pour un Mouvement Populaire - Ain )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > tribunaux de grande instance

Analyse > avocats. recours. réglementation.

Question publiée au JO le : 01/04/2014 page : 2921
Réponse publiée au JO le : 11/11/2014 page : 9531
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 14/10/2014

Texte de la question

M. Damien Abad attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'obligation de recourir à un avocat devant le TGI. Devant le tribunal de grande instance, les parties doivent en principe être assistées d'un avocat. Or, selon l'article 751 du code de procédure civile, « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat. La constitution de l'avocat emporte élection de domicile ». Pourtant l'article 2 de la déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée par les Nations-unies le 10 décembre 1948 précise que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration. De même l'article 8 dispose que « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ». Enfin, l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme indique : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». Ces textes mentionnant « toute personne » n'impliquent pas obligatoirement l'assistance d'un avocat. De plus, il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. Ensuite, il paraît nécessaire de mieux définir « sauf disposition contraire » de l'article 751 du code de procédure civile. La stricte application de l'article 55 de la Constitution de la République française permettrait d'écarter l'article 751 du code précité. En conséquence, le justiciable ne trouvant pas de défenseur serait habilité à engager une action en responsabilité sans le concours d'un avocat devant le tribunal de grande instance. C'est pourquoi il lui demande quelles sont les mesures qu'elle compte prendre sur ce sujet.

Texte de la réponse

En application de l'article 18 du code de procédure civile, les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire. Devant le tribunal de grande instance, l'article 751 du même code dispose qu'en matière contentieuse « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat ». De telles dispositions contraires sont prévues, par exemple, en matière de retrait d'autorité parentale, de douanes ou de baux commerciaux. Le recours imposé à un avocat est principalement justifié par la complexité de la procédure suivie devant cette juridiction. Alors que les parties sont tenues d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis, il est dans leur intérêt d'être représentées par un avocat. Au demeurant, le premier alinéa de l'article 441 du code de procédure civile prévoit que, même dans les cas où la représentation est obligatoire, les parties, assistées de leur représentant, peuvent présenter elles-mêmes des observations orales. Les déclarations ou traités, européens ou internationaux, s'ils visent à garantir les droits procéduraux fondamentaux de « toute personne », ne font pas obstacle à ce que soient prévus, dans les législations internes, des cas de représentation obligatoire. Ainsi, selon la jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de l'Homme, l'obligation de constituer avocat pour s'adresser, en l'espèce à une juridiction suprême, n'est pas incompatible avec le droit d'accès à un tribunal (CEDH, 24 nov. 1986, n° 9063/80, Gillow c/Royaume-Uni, CEDH, 26 juillet 2002, n° 32911/96, 35237/97 et 34595/97, Meftah c/France). Par une décision du 11 janvier 1995 (H.G. c/France, n° 24013/94), la Cour européenne des droits de l'Homme, après avoir rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, ne s'oppose pas à ce que les Parties Contractantes réglementent l'accès des justiciables aux tribunaux, pourvu que cette réglementation ait pour but d'assurer une bonne administration de la justice, a retenu que « l'obligation imposée aux justiciables qui se présentent devant certaines juridictions de se faire représenter par un professionnel du droit vise de toute évidence à assurer une bonne administration de la justice », pour déclarer irrecevable la requête d'un justiciable arguant de ce qu'il avait été contraint de constituer avocat en application notamment de l'article 751 du code de procédure civile. En conséquence, une modification de la règle de la représentation obligatoire devant le tribunal de grande instance n'apparaît pas nécessaire.