14ème législature

Question N° 54169
de M. Gwendal Rouillard (Socialiste, républicain et citoyen - Morbihan )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, redressement productif et numérique
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > marchés publics

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > résiliation. entreprises en difficulté.

Question publiée au JO le : 22/04/2014 page : 3391
Réponse publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9921
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Gwendal Rouillard attire l'attention de M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique sur la possibilité offerte aux personnes publiques de résilier un marché public lorsque son titulaire est placé en redressement judiciaire. En effet, aux termes de l'article L. 622-13 du code de commerce, lorsqu'une entreprise titulaire d'un marché public fait l'objet d'une telle procédure, la personne publique doit adresser une mise en demeure à l'administrateur, qui dispose d'un délai d'un mois pour se prononcer sur la poursuite du marché en cours. Certes, si l'administrateur judiciaire se prononce pour la continuation du contrat, la personne publique ne peut, sans commettre de faute, procéder à sa résiliation de manière unilatérale (Conseil d'État, 24 octobre 1990, Régie immobilière de la ville de Paris, req. n° 97327 et n° 88242), sauf motif d'intérêt général. Mais il arrive trop souvent, selon de nombreux acteurs économiques que, n'ayant pas pour priorité de voir l'activité de l'entreprise perdurer, l'administrateur prenne la décision de ne pas continuer le contrat, ce qui entraîne la résiliation du marché. Ainsi, les dispositions précitées, appliquées au stade du redressement judiciaire, privent les entreprises en difficulté de ressources vitales fournies par l'exécution du marché en cours. Ce phénomène est d'autant plus important sur un marché économique tendu, conjugué avec la concurrence exacerbée d'entreprises étrangères, qui imposent aux entreprises locales de réduire leur marge et mettent en difficulté leur entreprise. Aussi, il lui demande si, pour éviter la disparition prématurée d'entreprises, une modification du code ne pourrait être envisagée.

Texte de la réponse

L'article L. 622-13 du code de commerce, applicable aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, pose le principe de la poursuite des contrats en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective et en détermine les modalités. Aucune indivisibilité, résiliation, ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Il en résulte que lorsqu'un contrat est en cours à la date d'ouverture de cette procédure collective, il peut être poursuivi, les stipulations initiales étant maintenues. Dans l'hypothèse où une personne publique refuserait d'exécuter les engagements résultant du marché public, l'administrateur, qui a seul la faculté de le faire, peut exiger l'exécution de ce marché (Conseil d'Etat, 24 octobre 1990, Régie immobilière de la Ville de Paris, n° 87327, 88242). Mais il peut également y renoncer. Selon la procédure prévue par l'article L. 622-13 du code de commerce, explicitée par une instruction n° 12-005-M0 du 26 janvier 2012 (NOR : BCR Z 12 00007 J), la personne publique adressera à l'administrateur une mise en demeure pour qu'il se prononce sur la poursuite du contrat. En l'absence de réponse après un délai d'un mois, ou après le délai fixé par le juge-commissaire qui peut accorder une prolongation de ce délai de deux mois au plus à l'administrateur, le contrat en cours sera résilié de plein droit. Il revient donc à l'administrateur de faire savoir au pouvoir adjudicateur qu'il opte pour la continuation afin que le contrat se poursuive. La décision de l'administrateur est toutefois déterminée par la situation de l'entreprise. En effet, en vertu du II de l'article L. 622-13 du code de commerce, l'administrateur qui exige l'exécution des contrats en cours doit fournir la prestation promise au cocontractant du débiteur. Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, l'administrateur doit, au moment où il demande l'exécution du contrat, s'assurer qu'il disposera des fonds nécessaires pour payer le cocontractant. La difficulté apparaîtra en l'espèce plus particulièrement si l'entreprise en difficulté doit faire appel à des fournisseurs ou des prestataires de service pour l'exécution du marché. L'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, introduit une distinction selon que le débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. En procédure de sauvegarde, l'obligation de paiement au comptant disparaît et les délais de paiements convenus entre les parties peuvent continuer à s'appliquer. En revanche, en redressement judiciaire, le paiement doit se faire au comptant sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation de délais de paiement par le cocontractant (article L. 631-14 al. 4 du code de commerce). L'administrateur peut également demander la résiliation du contrat, qui sera prononcée par une autorité judiciaire, le juge-commissaire, si cette résiliation est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. Si la résiliation est prononcée, soit sur l'initiative du cocontractant, soit sur celle de l'administrateur, l'inexécution pourra donner lieu à des dommages et intérêts au profit du premier, dont le montant devra être déclaré au passif. L'ensemble des dispositions précitées assure le respect d'un équilibre entre les intérêts du pouvoir adjudicateur et la nécessité de maintenir l'activité de l'entreprise en difficulté, qu'elle soit en cessation des paiements, comme dans le cas d'un redressement judiciaire, ou non, comme en matière de sauvegarde. C'est à l'administrateur d'apprécier les risques d'une poursuite des contrats en cours au regard de la capacité de l'entreprise à répondre à ses obligations ainsi que ses avantages dans la perspective d'un plan, qu'il soit de redressement ou de cession. L'administrateur n'a pas d'intérêt à conduire l'entreprise à une liquidation judiciaire consécutive à une cessation d'activité, mais engagerait sa responsabilité, le cas échéant, en ne sollicitant pas cette cessation si la situation de la trésorerie ou si les capacités de l'entreprise n'étaient pas compatibles avec une poursuite de l'exploitation. L'objectif de l'administrateur est de parvenir, sous le contrôle du juge consulaire, au redressement des entreprises.