Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur le statut juridique du digestat issu de la méthanisation des effluents d'élevage. Le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA) prévoit la création de 1 000 méthaniseurs en 2020. La profession agricole constitue un maillon indispensable au développement des projets de méthanisation de l'amont de la filière avec l'apport d'effluents d'élevage, jusqu'à l'aval avec la valorisation du digestat sur les parcelles agricoles. Il appert que le statut juridique actuel du digestat ne permet pas aux exploitants agricoles engagés dans une démarche d'agriculture biologique d'apporter leurs effluents d'élevage dans une unité de méthanisation collective et d'utiliser le digestat qui en découle sur leurs terres respectives. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend procéder à une évolution de la réglementation en la matière.

Réponse publiée le 28 octobre 2014

Conformément à la feuille de route établie à l'issue de la conférence environnementale de septembre 2012 qui prévoyait la préparation d'un plan national biogaz, et dans le prolongement du projet agro-écologique lancé en décembre 2012, par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, le Gouvernement a lancé le 29 mars 2013 le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA). Celui-ci vise à améliorer la gestion de l'azote et à développer un « modèle français de la méthanisation agricole », pour faire de la méthanisation agricole collective de taille intermédiaire un complément de revenus pour les exploitations agricoles, en valorisant l'azote et en favorisant le développement de plus d'énergies renouvelables ancrées dans les territoires, dans une perspective d'agriculture durable et de transition énergétique et écologique. Ce modèle de méthanisation repose essentiellement sur le traitement des déjections animales issues des élevages par méthanisation, permettant ainsi leur valorisation énergétique, agronomique et économique, mais également sur le traitement des autres sous-produits ou co-produits des exploitations agricoles, qui sont une source de potentiel méthanogène intéressante pour le fonctionnement et la rentabilité des installations de méthanisation. Le plan EMAA s'attache particulièrement au développement d'installations de méthanisation dites « à la ferme », de taille intermédiaire, sous maîtrise d'ouvrage agricole, et approvisionnées essentiellement par des effluents d'élevage et sous-produits ou co-produits des exploitations agricoles. Il encourage une approche collective par le regroupement d'exploitations agricoles pour la réalisation de ces projets, afin de concevoir des installations dans une logique d'ancrage territorial et dans le respect de la diversité des territoires, en s'adaptant aux contextes territoriaux. La valorisation du digestat produit par l'unité de méthanisation, au coeur du plan EMAA, revêt un enjeu particulier pour les exploitations. Cet enjeu est renforcé pour les exploitations engagées dans une démarche d'agriculture biologique, puisque les dispositions du règlement encadrant ce mode de production ne permettaient pas son utilisation. Or le règlement (CE) n° 889/2008 a justement été modifié sur ce point, par le règlement d'exécution (UE) n° 354/2014 de la Commission européenne du 8 avril 2014. Ces modifications clarifient grandement la situation du digestat en faisant une mention directe dans l'annexe I. Cette annexe liste les matières, pas nécessairement d'origine biologique, pouvant être utilisées sur des parcelles biologiques à condition d'en démontrer l'intérêt et la nécessité agronomique. Ainsi, le « digestat de biogaz contenant des sous-produits animaux codigérés avec des matières d'origine végétale ou animale énumérées dans la présente annexe » est autorisé à l'épandage sur des terres biologiques sous trois conditions : s'il s'agit de sous-produits animaux, y compris de sous-produits d'animaux sauvages, relevant de la catégorie 3 ou du contenu du tube digestif relevant de la catégorie 2 ne provenant pas d'élevages industriels, si les procédés sont conformes aux dispositions du règlement (UE) n° 142/2011 de la Commission, et si le digestat n'est pas appliqué sur les parties comestibles de la plante. L'utilisation en agriculture biologique des fumiers et des lisiers méthanisés devient donc clairement possible dès lors qu'ils ne proviennent pas d'élevages industriels. Toutefois, le digestat de biogaz doit être limité à la digestion de sous produits animaux et végétaux déjà autorisés par le règlement (CE) n° 889/2008. Cette liste étant fermée, il peut y avoir des restrictions dans l'utilisation de certains digestats de biogaz en fonction des intrants utilisés pour produire celui-ci. Restent autorisés comme précédemment les mélanges fermentés de matières végétales ainsi que les déchets ménagers compostés ou fermentés lorsque ces derniers ont fait l'objet d'un tri à la source et qu'ils respectent les concentrations fixées en éléments traces métalliques. Enfin, ces utilisations doivent se faire dans le respect de l'article L. 255-2 du code rural et de la pêche maritime. C'est-à-dire que l'épandage de ces digestats doit être autorisé localement par le préfet via le plan d'épandage. Dans le cas où ces digestats sont mis sur le marché ou même cédés à titre gratuit en France en tant que produits, une autorisation de mise sur le marché est obligatoire et doit être sollicitée par le responsable de la mise sur le marché, qui peut être une entité morale regroupant plusieurs producteurs de digestats. A cette fin, il lui appartient de déposer un dossier à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail en vue de vérifier l'innocuité à l'égard de l'homme, des animaux et de leur environnement, et l'efficacité du produit, dans les conditions d'emplois prescrites ou normales. Seuls les digestats compostés en sont dispensés et ne nécessitent pas d'homologation, car visés dans les normes amendements organiques NF U 44-051 et NF U 44-095 rendues d'application obligatoire.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 29 avril 2014
Réponse publiée le 28 octobre 2014

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