14ème législature

Question N° 545
de M. Patrice Carvalho (Gauche démocrate et républicaine - Oise )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > pharmacie et médicaments

Tête d'analyse > médicaments génériques

Analyse > tableau. inscription. conséquences.

Question publiée au JO le : 18/02/2014 page : 1408
Réponse publiée au JO le : 26/02/2014 page : 2272

Texte de la question

M. Patrice Carvalho attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la proposition de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) d'inscrire le paracétamol au tableau des génériques. La réponse apportée à sa question d'actualité, le 22 janvier 2014, ne lui paraît pas satisfaisante car elle ne tenait aucun compte des éléments avancés. La politique en faveur des génériques n'est pas en cause dès lors qu'elle permet aux patients d'accéder à des médicaments à moindre coût pour eux-mêmes et pour la sécurité sociale. Mais, en ce qui concerne le paracétamol, l'effet sur les prix serait nul, des milliers d'emplois seraient menacés en France et des produits fabriqués à l'étranger hors d'Europe de moindre qualité seraient favorisés. Trois produits dominent le marché : le doliprane du groupe Sanofi, le dafalgan et l'efferalgan du groupe BMS-Upsa. Ils sont tous « made in France ». Le doliprane représente 100 % de la production de l'usine de Lisieux (230 salariés), 11 % de celui de Compiègne (560 salariés), 45 % des trois sites de distribution d'Amilly, Marly-la-Ville et Saint-Loubès. Pour BMS-Upsa, qui emploie 1 400 salariés à Agen, 550 postes de travail concernent la fabrication du dafalgan et l'efferalgan. En résumé, plus de 1 000 emplois directs sont potentiellement menacés, mais en réalité 6 000 par effet induit. De surcroît, il n'y a rien à gagner. Ces trois médicaments coûtent 1,95 euro la boîte contre 1,90 euro pour les génériques. Au 1er janvier 2015, Sanofi et BMS-Upsa se sont engagés à aligner leur prix à 1,90 euro. Ces deux groupes pharmaceutiques étaient invités à faire connaître leurs observations au ministère des affaires sociales et de la santé avant le 6 février 2014. Il souhaite connaître l'état de sa réflexion à ce sujet, en mesurant bien que l'enjeu économique, industriel et social, de la décision est lourd.

Texte de la réponse

INSCRIPTION DU PARACÉTAMOL AU TABLEAU DES GÉNÉRIQUES


Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour exposer sa question, n°  545, relative à l'inscription du paracétamol au tableau des génériques.

M. Patrice Carvalho. J'avais interrogé Mme la ministre de la santé, le 22 janvier dernier, sur l'intention de l'Agence nationale de sécurité du médicament d'inscrire le paracétamol au tableau des génériques. Mille emplois directs sont en jeu chez Sanofi et BMS-Upsa.

La réponse apportée par votre collègue, Mme Dominique Bertinotti, ne m'a guère satisfait, puisqu'elle laissait entendre que la substitution de génériques du Doliprane, du Dafalgan et de l'Efferalgan bénéficierait aux patients et à la sécurité sociale.

Or, il n'en est rien, puisque la différence actuelle de prix n'est que de cinq centimes par boîte : 1,95 euro contre 1,90 entre les produits de Sanofi ou d'Upsa et les génériques. De plus, à compter du 1er janvier 2015, tous les médicaments au paracétamol seront à 1,90 euro.

Mercredi dernier, ma collègue Lucette Lousteau, députée du Lot-et-Garonne, concernée par le site de BMS-Upsa à Agen qui emploie plusieurs centaines de salariés, a également interpellé le Gouvernement, dont la position semble avoir évolué, puisqu'il a annoncé qu'aucune décision n'interviendrait avant 2015 et que sa volonté était de maintenir des sites de production de médicaments sur notre territoire.

Mme la ministre déléguée ajoutait qu'elle souhaitait une baisse des prix. Si l'industrie pharmaceutique accepte de rogner ses marges, ce n'est pas moi qui m'en plaindrai ; néanmoins, il faut éviter un écueil : l'ouverture d'une guerre des prix entre l'industrie des génériques, Sanofi et BMS-Upsa.

Si un tel affrontement avait lieu, nous ne pouvons ignorer que la variable d'ajustement serait le coût du travail, avec le risque d'une délocalisation vers les pays à faible coût de main-d'œuvre. Déjà, le principe actif est intégralement importé d'Asie.

Second écueil : la baisse de la qualité du médicament. L'ANSM a ouvert une boîte de Pandore. Personne n'a rien à y gagner et nous avons tout à y perdre. Nous risquons demain de devoir importer les médicaments aujourd'hui fabriqués en France. La facture économique, sociale et industrielle serait lourde : comment comptez-vous stopper ce processus dangereux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Marisol Touraine. Je vous remercie pour votre question qui touche à la fois à la maîtrise des dépenses de santé et au maintien de capacités de production de médicaments sur notre territoire, et donc à l'emploi.

Dans ce dossier ouvert en décembre par l'Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament, nous recherchons une solution qui concilie le développement des médicaments génériques et le temps d'adaptation nécessaire des outils industriels. Pour le dire d'emblée, le paracétamol est une molécule efficace. C'est pourquoi son remboursement par la sécurité sociale doit être maintenu, lorsqu'il est prescrit par le médecin. Chacun, s'il le souhaite, peut également aller à la pharmacie l'acheter sans ordonnance.

C'est une vieille molécule qui ne coûte pas cher à produire, et pourtant son prix n'a pas bougé depuis 2005, quand, dans le même temps, de nombreux médicaments plus récents ont vu leur prix baisser.

Mais, la ministre des affaires sociales et de la santé le sait, les entreprises ont besoin de visibilité et de temps pour s'adapter. Elle souhaite donc qu'une baisse des prix, dans le contexte général des économies demandées au médicament, intervienne en début d'année 2015. Cela relève de la compétence du comité économique des produits de santé.

Faut-il aller au-delà et inscrire le paracétamol dans le répertoire des génériques ? À ce stade, la réponse dépend des résultats de l'analyse des observations transmises le 6 février dernier par les trente-six laboratoires consultés par l'ANSM. C'est un travail complexe, qu'il faut conduire avec soin, compte tenu des enjeux de santé publique que cela représente, mais aussi de l'inquiétude des salariés et des élus concernés.

Monsieur le député, le Président de la République a demandé qu'on propose des économies sur l'assurance maladie et nous y travaillons. C'est tout naturellement dans le cadre du Conseil stratégique de la dépense publique que la question du développement des génériques sera examinée sérieusement, comme pour l'ensemble des dépenses, et que des décisions seront annoncées.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Merci, madame la ministre déléguée, pour la réponse. Simplement, pour quelques centimes d'économies, ne perdons pas de vue des milliers d'emplois : ce sont des gens qui cotisent à la Sécu, qui paient des impôts, qui font marcher le système, et cela n'est pas du tout pris en compte par M. le Président de la République quand il parle de faire des économies sur la santé.