Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'annonce lundi 21 avril 2014 du lancement en France de la plateforme en ligne américaine Netflix. Cette dernière propose, pour un abonnement mensuel modique, de visionner de façon illimitée des films et des séries. Selon certaines estimations, Netflix pourrait atteindre cinq millions d'abonnés en France à horizon 2020 ; l'impact sur le système cinématographique français serait donc énorme. Netflix pourrait notamment modifier en profondeur le système actuel de financement des films, dont beaucoup depuis les années 1980 sont préfinancés par les chaînes de télévision et les subventions. Nous devons nous assurer que Netflix, en opérant depuis son siège européen au Luxembourg, ne profite pas de l'occasion pour contourner certaines lois françaises comme les obligations de mettre en avant des productions françaises ou de financement de la culture. En effet, si Netflix veut se déployer sur le marché français il devra respecter sa fiscalité, l'obligation de financement de la création (entre 12 % et 15 % du chiffre d'affaires) et les quotas de diffusion d'œuvres françaises et européennes. Au fait de sa mobilisation sur ce dossier, il souhaite connaître les conditions réglementaires précises qui inciteront Netflix à respecter la législation actuelle, dans le but d'éviter une concurrence déloyale avec les autres acteurs de l'audiovisuel français.

Réponse publiée le 21 avril 2015

Le choix d'un établissement au Luxembourg puis aux Pays-Bas par Netflix, service de média audiovisuel à la demande (SMAd) défini par la directive SMA de 2007, soulève en effet une série de questions quant au respect de ses obligations fiscales et sectorielles. 1) Taxes et fiscalité. En matière de TVA, les services de vidéo à la demande (VàD) établis en France sont soumis à une TVA de 20 %, alors que les services établis à l'étranger bénéficient généralement d'une TVA plus avantageuse. La règle du pays de consommation, qui a commencé à s'appliquer à partir du 1er janvier 2015 en matière de TVA, devrait cependant mettre fin à cette distorsion de concurrence. Les éditeurs de services de VàD établis en France sont soumis à la taxe vidéo (2 % du chiffre d'affaires dans le cas général, 10 % dans le cas de programmes adultes) alimentant le Fonds de soutien au cinéma, à l'audiovisuel et au multimédia, géré par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) depuis la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui a complété l'article 302 bis KE du code général des impôts (nouvellement 1609 sexdecies B). Une extension de la taxe vidéo et VàD aux opérateurs établis à l'étranger a été votée lors de la loi de finances rectificative pour 2013 via son article 30. Cette disposition est maintenant en cours d'examen pour autorisation par la Commission européenne. Concernant l'impôt sur les sociétés, la réalisation de prestations de services immatérielles depuis le Luxembourg pose la problématique de localisation de l'établissement stable dans le pays de consommation des services numériques, sujet relevant du droit conventionnel. Le groupe de travail BEPS (Base erosion and profit shifting) de l'OCDE a mis en place un groupe d'expert sur le numérique. A ce stade, cette problématique de localisation de l'établissement stable des entreprises numériques n'est pas encore réglée et fait encore l'objet de travaux à l'OCDE. En revanche, le travail continue sur ce point et, récemment, la Commission européenne a affiché sa volonté d'avancer sur ce sujet de la localisation de l'établissement stable et le rattachement des profits au pays de consommation (cf rapport du groupe d'experts piloté par A. Semeta et N. Kroes sur la fiscalité numérique rendu le 28 mai dernier). Le règlement de ce sujet dans les instances internationales est un passage obligé pour faire avancer le droit. 2) Contribution à la production. Le décret du 12 novembre 2010 précise les règles applicables en matière : de contribution des SMAd à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, d'exposition et de mise en valeur effective de ces oeuvres, de règles applicables à la publicité, au parrainage et au téléachat. Ce décret ne s'applique qu'aux plateformes établies en France ; ses dispositions ne s'appliquent notamment pas à iTunes, GooglePlay, ni à Netflix. De ce fait, la révision de la directive SMA, sur laquelle s'appuie le décret précité, constituera dans les prochains mois un sujet important pour les autorités françaises, dans la perspective, notamment, d'y faire s'appliquer la règle du pays de destination, et non plus du pays d'origine. 3) Chronologie des médias. Seuls les SMAd établis en France sont directement soumis à la chronologie des médias. Néanmoins, si un service établi hors de France contrevenait à celle-ci, tout ayant droit de l'oeuvre établi en France et, à ce titre, soumis à cette chronologie, pourrait, le cas échéant, faire l'objet de sanctions financières. Ainsi, toute la production domestique est a minima couverte par la chronologie des médias, quel que soit le lieu d'établissement du SMAd concerné. A noter qu'à ce jour, aucun acteur de SMAd établi hors de France n'a volontairement enfreint la chronologie des médias française, y compris pour des oeuvres acquises directement auprès d'ayants droit étrangers. En particulier, iTunes respecte totalement cette chronologie, bien qu'établi au Luxembourg et bien qu'il soit impliqué dans la plupart des expérimentations de sorties simultanées salle de cinéma / VàD dans d'autres pays, notamment en Europe et aux États-Unis. La pertinence économique de la chronologie des médias pour les ayants droit, et l'importance de la production nationale dans la consommation des oeuvres en VàD en France pondèrent fortement le risque d'une infraction à la chronologie émanant de SMAd établis à l'étranger.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Arts et spectacles

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 13 mai 2014
Réponse publiée le 21 avril 2015

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