Question de : Mme Luce Pane
Seine-Maritime (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Luce Pane interroge M. le ministre de l'intérieur sur sa position relative aux procédures "prioritaires" de demande d'asile. Dans le cadre des débats relatifs au futur projet de loi portant réforme du droit d'asile, de nombreuses critiques portent sur la procédure dite "prioritaire", prévues aux articles L. 723-1 et L. 742-5 du CESEDA, qui déroge à la procédure normale. Elle se caractérise par deux aspects : un examen de la demande dans des délais plus rapides et l'absence, par dérogation aux règles du droit commun, d'un recours suspensif devant la CNDA contre la décision de l'OFRPA. Ces conséquences sont lourdes pour les demandeurs d'asile qui voient leur temps de préparation de leurs dossiers très largement amputé, particulièrement pour ceux placés en centre de rétention (délai de 96 heures) mais aussi pour l'OFPRA qui a peu de temps pour répondre à la demande et mener les enquêtes nécessaires. Pourtant, en pratique, la procédure "prioritaire" n'est pas utilisée marginalement puisque 26 % des demandes d'asile ont été traitées en 2011 de cette manière et 15 % des premières demandes d'asile hors rétention. De plus, les taux d'accord de l'OFPRA et les taux d'annulation de la CNDA infirment aussi le caractère a priori infondé de ces demandes. Une telle dérogation aux règles du droit d'asile n'a d'ailleurs pas échappé aux institutions internationales et européennes qui mettent en garde la France en ce que cette procédure "prioritaire" est susceptible de ne pas garantir efficacement les droits des demandeurs d'asile dans l'examen de leur demande. Ainsi, elle demande si l'OFRPRA ne devrait pas être la seule autorité compétente pour prendre la décision d'accélérer l'examen d'une demande d'asile sur la seule appréciation des éléments présentés à l'appui de cette demande, en lieu et place du préfet. Quant aux recours devant la CNDA, elle demande comment justifier le non-effet suspensif de celui-ci, surtout au regard du fait que 14,2 % des décisions prises au terme d'un examen accéléré ont été annulées en 2011.

Réponse publiée le 16 septembre 2014

Le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, adopté par le conseil des ministres du 23 juillet 2014 et déposé le même jour sur le bureau de l'Assemblée nationale, vise à restaurer le droit d'asile, droit fondamental ancré dans la tradition républicaine et confirmé par les engagements internationaux et européens de la France. Il s'appuie sur les travaux de la concertation menée sous l'égide de Mme Valérie Létard, sénatrice, et M. Jean-Louis Touraine, député, avec l'ensemble des acteurs de l'asile en France et qui s'est achevée avec la remise de leur rapport en novembre 2013. Il s'appuie également sur les directives du « paquet asile » européen finalisé en juin 2013 et que la France doit transposer d'ici juillet 2015. Ce projet de loi répond à la nécessité de refonder le système de l'asile que la forte croissance de la demande d'asile depuis 2008 a fragilisé, en renforçant les garanties juridiques d'examen des demandes, en accueillant les personnes dans des conditions dignes, en permettant une instruction plus rapide des demandes et en renforçant l'efficacité globale du dispositif d'asile. Le rôle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) comme acteur de premier plan de l'asile est renforcé et le projet de loi réaffirme qu'il ne reçoit aucune instruction dans l'exercice de ses missions d'octroi de protection. Le projet de loi prévoit que les décisions de placement d'une demande d'asile en procédure accélérée ne peuvent être prises qu'à l'initiative de l'OFPRA ou sous son contrôle : l'Office est seul compétent pour ce classement lorsqu'il est opéré sur la base de critères inhérents au contenu de ladite demande et il aura également la possibilité de reclasser en procédure normale des demandes placées en procédure accélérée par détermination de la loi ou à l'initiative de l'autorité préfectorale, sur la base de critères objectifs, chaque fois qu'il l'estimera nécessaire au vu de chaque dossier. De plus, conformément aux engagements du Président de la République, le projet de loi prévoit que le recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) contre les décisions de rejet de l'OFPRA est dans tous les cas suspensif, que la demande ait été examinée en procédure normale ou en procédure accélérée. Ainsi désormais, les demandeurs d'asile bénéficieront du droit au maintien sur le territoire durant la durée de la procédure d'examen par l'OFPRA et en cas de recours, par la CNDA et ne pourront faire l'objet d'une mesure d'éloignement tant que l'OFPRA ou la CNDA n'aura pas statué définitivement. Cette garantie nouvelle s'accompagne de la mise en place au sein de la Cour d'une procédure de jugement à juge unique permettant de statuer dans des délais plus courts dans les cas où la demande a été placée en procédure accélérée, sauf si le juge considère qu'il y a lieu de renvoyer à une formation collégiale.

Données clés

Auteur : Mme Luce Pane

Type de question : Question écrite

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 20 mai 2014
Réponse publiée le 16 septembre 2014

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