14ème législature

Question N° 561
de M. Maurice Leroy (Union des démocrates et indépendants - Loir-et-Cher )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > élections et référendums

Tête d'analyse > élections cantonales

Analyse > circonscriptions. découpage. procédures.

Question publiée au JO le : 18/02/2014 page : 1411
Réponse publiée au JO le : 26/02/2014 page : 2279

Texte de la question

M. Maurice Leroy interroge M. le ministre de l'intérieur sur le redécoupage cantonal. Il souhaite revenir sur deux explications données par M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, lors de la séance des questions d'actualité au Sénat du 10 janvier 2014, au sujet du redécoupage des cantons. Il cite M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement : « Le Gouvernement essaie de tenir compte au maximum des limites de l'intercommunalité. Lorsque le schéma départemental n'a pas été adopté, la règle de substitution conduit à tenir compte au maximum des cantons existants ». Il souhaite donc qu'il lui explique comment le Gouvernement justifie que la majorité des limites des nouveaux cantons ne suivent ni les intercommunalités, ni les cantons existants. Il cite à nouveau M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement qui a expliqué que la loi de 1990 interdisant tout redécoupage électoral dans l'année précédant le scrutin ne s'appliquait pas en cas d'annulation d'un décret : « L'éventuelle annulation d'un décret constitue, en effet, juridiquement un évènement extérieur à l'exercice du pouvoir réglementaire, seul concerné par l'article de la loi ». Si l'annulation est extérieure au pouvoir réglementaire, il souhaite savoir si la prise d'un nouveau décret l'est également et par conséquent si ce nouveau décret, pris pendant l'année pré-électorale, et violant la loi de 1990, sera compatible avec la légalité des comptes de campagne.

Texte de la réponse

REDÉCOUPAGE CANTONAL


Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy, pour exposer sa question, n°  561, relative au redécoupage électoral.

M. Maurice Leroy. Monsieur le ministre de l'intérieur, je souhaite revenir sur deux explications données en votre nom par M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, à nos collègues sénateurs lors de la séance des questions d'actualité du 10 janvier 2014 dernier, au sujet du redécoupage des cantons. Je cite fidèlement M. Vidalies d'après le compte rendu paru au Journal officiel : « Le Gouvernement essaie de tenir compte au maximum des limites de l'intercommunalité. Lorsque le schéma départemental n'a pas été adopté, la règle de substitution conduit à tenir compte au maximum des cantons existants. » Ce n'est pas le cas dans mon département de Loir-et-Cher et ailleurs, mais passons. Je pose la question suivante : comment se fait-il que ces deux maxima conduisent à un résultat minimal dans un très grand nombre de départements ? Comment justifiez-vous que, dans leur majorité, les limites des nouveaux cantons ne correspondent ni à celles des intercommunalités, ni à celles des cantons existants ? Comment justifiez-vous donc l'inanité de vos efforts ?

Je cite à nouveau M. Vidalies, qui a expliqué que la loi de 1990 interdisant tout redécoupage électoral dans l'année précédant le scrutin ne s'appliquait pas en cas d'annulation d'un décret : « L'éventuelle annulation d'un décret constitue, en effet, juridiquement » – écoutez bien – « un événement extérieur à l'exercice du pouvoir réglementaire, seul concerné par l'article de la loi. » Persistez-vous dans cette argutie, ou plutôt cette faribole juridique ? Si l'annulation est extérieure au pouvoir réglementaire, la nécessaire prise d'un nouveau décret l'est-elle également ? Avez-vous ainsi inventé, ou allez-vous inventer, le décret non-réglementaire ? Comment ce nouveau décret, pris pendant l'année préélectorale, et violant la loi de 1990, sera-t-il compatible avec la légalité des comptes de campagne ? C'est une véritable question, qui n'est toujours pas tranchée. J'observe d'ailleurs de nombreuses questions écrites sont posées sur ce sujet, particulièrement au Sénat ; on peut comprendre pourquoi, les grands électeurs sont les plus concernés. Il n'y est toujours pas répondu.

Je souhaite donc des éclaircissements. Ces questions me paraissent majeures.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le député Leroy, dans le strict respect du principe d'égalité démographique – je ne rappelle pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel –, le découpage s'organise à partir d'une ligne directrice, qui est soit la carte cantonale actuelle, soit, et c'est le plus souvent le cas, la carte des établissements publics de coopération intercommunale. Mais, pour le Conseil d'État, je veux le rappeler, le respect du périmètre d'un EPCI n'est pas un motif d'intérêt général qui permettrait de déroger au principe prioritaire, celui de l'égalité démographique, qui s'impose.

Je vous confirme cependant que, dans une très grande majorité des départements, c'est bien la carte intercommunale qui a servi de base à la nouvelle carte cantonale, dès lors que la population des EPCI s'inscrit dans l'écart à la moyenne démographique de 20 %. Ainsi, dans votre département, il y a neuf EPCI sur quatorze qui, leur population le permettant, s'inscrivent entièrement dans un canton. Parmi les cinq cantons de la communauté d'agglomération de Blois, qui doit être divisée entre plusieurs cantons, quatre s'inscrivent entièrement dans son périmètre.

Dans des départements voisins du vôtre, pour rester dans votre région, ce sont vingt-quatre EPCI du Loiret sur vingt-six, dix-sept EPCI de l'Eure-et-Loir sur vingt-deux et tous les EPCI de la Sarthe qui, leur population le permettant, sont de la même façon strictement respectés. Comment pouvez-vous donc affirmer, monsieur Leroy, que le Gouvernement n'a pas – dans ces départements – respecté les lignes directrices qu'il avait publiquement énoncées ?

Comme je vous le disais à l'instant, le Conseil d’État a été plus rigoureux encore que le Gouvernement, puisque dans dix-huit cas, il a modifié les projets du Gouvernement en faisant primer le respect du critère démographique sur le respect du périmètre des intercommunalités. Comme vous le savez, demain, le Conseil d’État se sera prononcé sur l'ensemble des projets de décret. Il a d'ores et déjà émis un avis favorable sur quatre-vingt-douze d'entre eux, en apportant parfois des modifications ; je viens de le rappeler. Comme vous le savez aussi, leur publication a commencé le 20 février dernier et sera terminée en fin de semaine, donc dans le parfait respect des dispositions de la loi de 1990 que vous mentionnez.

En ce qui concerne l'effet d'une éventuelle annulation par le juge administratif d'un décret de définition des nouvelles limites cantonales, je veux d'abord vous dire que je ne me place pas du tout dans cette hypothèse, compte tenu des précautions qui ont été prises et du travail qui a été fait. Si, toutefois, le cas se présentait, je vous confirme les propos d'Alain Vidalies : une telle annulation serait un événement juridique extérieur à l'exercice du pouvoir réglementaire. On ne reviendrait naturellement pas à l'ancienne carte cantonale, et le Gouvernement proposerait un nouveau projet de décret, conforme à la décision de la juridiction administrative. Les dispositions de la loi du 11 décembre 1990 s'appliquent aux actes du pouvoir réglementaire, pas aux décisions des juridictions. Les élections départementales auront donc bien lieu en mars 2015. En attendant, soyons attentifs à la publication de l'ensemble des décrets, et attendons que le Conseil d’État se prononce sur les recours qui seront intentés.