Ukraine
Question de :
M. Jacques Bompard
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit
M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la crise en Ukraine et le précédent kosovar survenu en 2008. On a en effet beaucoup glosé ces derniers temps sur la pertinence de la comparaison entre la sécession du Kosovo et celle de la Crimée. Alors que la situation en Ukraine ne cesse de s'empirer au point qu'il n'est pas exagéré de parler de guerre civile, alors que d'autres territoires ukrainiens font sécession et proclament leur indépendance à l'instar de la République de Donetsk, il apparaît pertinent de revenir un instant sur les similitudes avec le cas du Kosovo sur lesquelles la Russie se base pour répondre aux accusations occidentales. L'Ukraine n'a jamais reconnu l'indépendance du Kosovo ; elle est donc cohérente lorsqu'elle se montre hostile à la sécession de la Crimée. En revanche, la France, tout comme son allié les États-unis, furent parmi les premiers pays à reconnaître le Kosovo comme un nouvel État. Par conséquent, le Gouvernement français ne peut reprocher la contestation des frontières ukrainiennes sans se montrer hypocrite. En pratiquant un droit d'ingérence au Kosovo (bombardements de l'OTAN en 1999), en Libye (renversement de Kadhafi avec l'aide militaire française notamment), en Syrie (ventes d'armes à la rébellion), etc., la France ne peut sérieusement reprocher à la Russie l'usage de ce même "droit" au sein de sa propre sphère d'influence. Le précédent du Kosovo a ouvert la boîte de Pandore et mis en route la balkanisation de l'Europe. La France a accepté l'éclatement de la Yougoslavie en 1991, elle a participé aux bombardements de Belgrade, capitale de son traditionnel allié serbe, au mépris du droit international et des chartes des Nations-unies et de l'OTAN, elle a cautionné en 2008 l'indépendance du Kosovo, il serait donc aujourd'hui mal venu de la part du Gouvernement de s'opposer par principe à la partition de l'Ukraine. C'est pourquoi il lui demande s'il compte revenir sur la politique étrangère française et s'il entend coopérer davantage avec la Russie pour trouver une solution au problème épineux de la crise ukrainienne plutôt que de brandir de vaines menaces en direction de la fédération de Russie.
Réponse publiée le 29 juillet 2014
L'action de la Russie en Crimée, est intervenue en violation du droit international (mémorandum de Budapest du 5 décembre 1994 garantie par Cinq Grands pour garantir l'intégralité territoriale de l'Ukraine). La France a plusieurs fois rappelé le principe d'inviolabilité des frontières contenu dans la Charte des Nations unies que la Russie est tenue de respecter. La situation unique de la Crimée n'est pas comparable à celle du Kosovo. Celle-ci a revêtu un caractère unique, en ce qu'elle a marqué l'achèvement d'un processus historique particulier ; l'indépendance du Kosovo n'est intervenue qu'après l'échec d'intenses négociations internationales entre les parties, sous l'égide du Secrétaire général des Nations unies puis d'une troïka réunissant l'UE, les Etats-Unis et la Russie afin de déterminer le statut final de cette entité. La résolution 1244 du 10 juin 1999 du Conseil de sécurité avait impliqué toute la communauté internationale et mis en place sur le terrain, pour de nombreuses années, une administration provisoire des Nations unies (MINUK). Aucun processus de négociation de ce type n'a eu lieu en Crimée. Des forces armées étrangères (hors celles en nombre limité prévues dans l'accord bilatéral de bail de Sébastopol valable jusqu'en 2042) ont annexé purement et simplement une partie du territoire ukrainien sans l'accord des autorités ukrainiennes internationalement reconnues. Les autorités de Kiev n'ont mené aucune répression de la population russe ou russophone ni de suppression ou d'intention de remettre en cause l'autonomie de la République de Crimée. Le pseudo-référendum de rattachement a été organisé en 15 jours, sous occupation militaire russe et dans une atmosphère d'intimidation à l'égard des minorités tatares et ukrainiennes, la consultation du 16 mars n'a donc aucune portée juridique. La France ne peut donc pas reconnaître l'annexion de la Crimée par la Russie.
Auteur : M. Jacques Bompard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 27 mai 2014
Réponse publiée le 29 juillet 2014