14ème législature

Question N° 56353
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > sécurité publique

Tête d'analyse > sécurité des biens et des personnes

Analyse > délinquance et criminalité. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 27/05/2014 page : 4199
Réponse publiée au JO le : 11/08/2015 page : 6182
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Jacques Bompard alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le drame survenu le mardi 20 mai 2014 à Caluire où un détenu de 49 ans a tué son ex-femme de plusieurs coups de hache alors qu'il était en permission de sortie depuis la veille. L'individu était incarcéré à la prison de Corbas, dans le Rhône, pour des faits de violences ayant déjà concerné la victime. Une permission d'une semaine lui avait été accordée pour qu'il puisse se rendre à des entretiens d'embauche, sa sortie définitive de prison étant alors prévue pour le mois de juillet 2014. L'octroi de cette permission peut surprendre puisque l'individu aurait proféré des menaces à l'encontre de son ex-femme. Une ordonnance de protection aurait dû être mise en place. Une fois encore, le laxisme judiciaire met en danger la vie des citoyens. Il lui demande donc ce qu'elle compte faire pour assurer la sécurité des citoyens face aux délinquants et aux criminels.

Texte de la réponse

La tragique agression dont a été victime une femme à Caluire le 20 mai 2014 par son ancien compagnon, déjà condamné à de nombreuses reprises, a retenu toute l'attention de la ministre de la justice. Dans le souci de faire toute la lumière sur les conditions du déroulement et de la prise en charge du mis en cause, la garde des sceaux a saisi l'inspection générale des services judiciaires et l'inspection des services pénitentiaires. Une réflexion a parallèlement été engagée afin de garantir la circulation de l'information dans le suivi des condamnés entre l'ensemble des acteurs judiciaires et pénitentiaires. Les permissions de sortir ont pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale de la personne condamnée, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d'accomplir une obligation exigeant sa présence. Elles sont accordées souverainement par le juge de l'application des peines, après avis de la commission de l'application des peines, et il n'appartient pas au ministre de la justice d'interférer dans les décisions judiciaires. Cette mesure, qui vise à la réinsertion et la prévention de la récidive, peut s'accompagner d'obligations ainsi que de mesures d'assistance et de contrôle destinées à faciliter et vérifier le reclassement de la personne condamnée qui est suivie par le juge de l'application des peines et les personnels du service pénitentiaire d'insertion et de probation. A cet égard, elle peut être assortie de l'interdiction « d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction » en application de l'article 132-45 13° du code pénal. Tout manquement au respect des obligations imposées dans le cadre de la permission de sortir, toute commission d'une nouvelle infraction pendant la durée de l'aménagement de peine ou plus généralement, le simple non-respect par la personne condamnée des conditions auxquelles la mesure était subordonnée, est susceptible d'entrainer son retrait par le juge de l'application des peines et son incarcération. Le Gouvernement a fait de la prévention de la récidive et de la protection de la société et des victimes une des priorités de sa politique pénale. La lutte contre les violences faites aux femmes constitue aussi l'une des actions majeures du ministère de la justice et des procureurs de la République. Cette action interministérielle s'appuie sur le plan global et national annoncé par le Président de la République le 25 novembre 2012, à l'occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, dont les mesures mobilisent, pour une grande partie, le ministère de la justice. Dans le prolongement de ce plan, le Comité interministériel relatif aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes a adopté le 30 novembre 2012 plusieurs mesures, avec pour objectifs d'améliorer l'accueil et l'accompagnement des victimes, de prévenir les violences par la sensibilisation et l'éducation, de prendre en charge les auteurs et de prévenir leur récidive. Ce comité a notamment créé la Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes contre les violences (MIPROF), chargée d'animer au plan local les politiques publiques en matière de protection des femmes victimes de violences, de réunir et de publier les statistiques, et de diffuser les bonnes pratiques et les innovations en la matière. Depuis 2005, cinq lois et six circulaires ou dépêches sont venues renforcer la protection des victimes et coordonner la politique pénale en la matière. La loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes traduit cette volonté de faire de la lutte contre les violences conjugales une véritable priorité judiciaire. Elle est particulièrement empreinte par la volonté d'améliorer la protection et la prise en charge des victimes de ces violences, et apporte des améliorations notables concernant la lutte contre les violences commises au sein du couple. Dans un souci de protection des victimes, le recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales est désormais encadré et limité. Elle ne peut être mise en oeuvre qu'à la demande expresse de la victime et doit être doublée d'un rappel à la loi pour l'auteur des violences. Elle est, en tout état de cause, exclue en cas de réitération des violences. La loi créée deux nouveaux articles dans le code pénal, les articles 221-5-5 et 222-48-2 qui imposent à la juridiction de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale lorsqu'elle condamne pour un crime ou un délit d'atteinte volontaire à la vie, d'atteinte volontaire à l'intégrité de la personne, de viol et d'agression sexuelle ou de harcèlement, commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l'autre parent. L'article 35 de la loi prévoit que, sauf circonstance particulière, dans le cadre d'une alternative aux poursuites, d'une composition pénale, d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve, l'auteur des violences conjugales est astreint à résider hors du logement du couple dès lors que les faits de violences sont susceptibles d'être renouvelés et que la victime sollicite cette mesure. Le magistrat peut alors préciser les modalités de prise en charge des frais afférents au logement du couple. La loi généralise par ailleurs au plan national le téléphone grave danger (TGD). Ce dispositif, prévu par l'article 41-3-1 du code de procédure pénale permet au procureur de la République, en cas de grave danger menaçant une victime de violences dans le cadre conjugal, d'attribuer à cette dernière, pour une durée de six mois renouvelable, et si elle y consent expressément, un dispositif de téléprotection lui permettant d'alerter les forces de l'ordre en cas de danger. Avec son accord, le dispositif peut permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l'alerte. Ce dispositif ne peut être accordé qu'en l'absence de cohabitation entre la victime et l'auteur des faits et lorsque ce dernier a fait l'objet d'une interdiction judiciaire d'entrer en contact avec la victime. Ce dispositif qui a démontré son efficacité dans le cadre des expérimentations menées, a notamment vocation à prévenir les homicides conjugaux. La loi créée enfin un « stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes » et complète à cet effet, les articles 41-1, 41-2 du code de procédure pénale ainsi que les articles 132-45 et 222-44 du code pénal. Ce stage peut être prononcé comme peine complémentaire, mais aussi comme obligation particulière d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'une peine de contrainte pénale, ou comme mesure d'une composition pénale ou d'une alternative aux poursuites. Outre sa participation à l'élaboration de ces nouveaux textes, le ministère de la justice met en oeuvre une politique pénale dynamique pour lutter contre les violences au sein du couple qui se traduit par la diffusion de dépêches à l'intention des parquets généraux et des parquets. Ainsi, la dépêche du 30 décembre 2013 appelait l'attention des parquets généraux sur la mise en oeuvre, au plan départemental, du protocole-cadre sur le traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignements judiciaires, élaboré à partir des travaux du groupe de travail interministériel piloté par la MIPROF. Ce protocole-cadre a pour objectif affiché de ne laisser sans réponse pénale et sociale aucune violence déclarée en réaffirmant le principe du dépôt d'une plainte suivi d'une enquête pénale lorsqu'une victime de violences au sein du couple se présente dans un service de police ou une unité de de gendarmerie, et en améliorant la transmission aux parquets des copies des mains courantes et des procès-verbaux de renseignements judiciaires relatifs à des violences commises au sein du couple. Enfin, une circulaire du 24 novembre 2014 de la ministre de la justice précise les grands axes de la lutte contre les violences conjugales. Elle rappelle que la politique pénale en la matière trouve son efficacité dans une approche globale de la question, envisagée à chacune de ses étapes : la prévention des violences, le choix et les modalités des poursuites, l'exécution des peines et l'accompagnement des victimes, notamment par le biais du nouveau dispositif de téléphone grand danger.