Question de : M. Dominique Dord
Savoie (1re circonscription) - Les Républicains

M. Dominique Dord attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le non-paiement volontaire des pensions alimentaires par les parents coupables d'abandons de famille et les sanctions pénales envisagées. Nous savons que les impayés de pension alimentaire ne relèvent pas systématiquement de situations d'infortune du parent débiteur : il existe derrière ces situations des mécanismes de violence économique, de précarisation volontaire, ou de fuite des responsabilités parentales. Lors des séparations, plus de la moitié des situations de conflit sont liées au patrimoine et à la fixation d'une contribution alimentaire. Or il peut arriver que le parent condamné touche une succession, modifiant ainsi son statut économique. Afin de prévenir toute manoeuvre de précarisation volontaire en vue de rester en situation d'insolvabilité, nous proposons d'opérer des saisies conservatoires des successions dont serait bénéficiaire le parent condamné pour abandon de famille. Cette saisie implique la participation du notaire et notamment la consultation du casier judiciaire. La loi ALUR du 26 mars 2014 ouvre un précédent dont nous proposons de nous inspirer. Sa section 3 intitulée « améliorer la lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat indigne » prévoit la consultation du casier judiciaire par le notaire pour vérifier que la personne proposant le bien immobilier n'est pas un marchand de sommeil. L'abandon de famille étant un délit suffisamment grave car mettant en péril la situation du parent gardien et l'avenir de l'enfant, il lui demande donc s'il est envisagé d'opérer des saisies conservatoires des successions dont le parent condamné pour abandon de famille serait bénéficiaire.

Réponse publiée le 6 septembre 2016

De nombreuses procédures permettent à une personne de recouvrer une pension alimentaire impayée lorsque celle-ci a été prononcée ou homologuée par une décision de justice exécutoire. Le créancier dispose d'abord des procédures civiles d'exécution forcée de droit commun qui lui permettent de procéder à diverses mesures comme la saisie des rémunérations de son débiteur,  la saisie-attribution entre les mains d'un établissement de crédit,  la saisie-vente des biens mobiliers matériels ou la saisie immobilière. Sauf le cas de la saisie d'un immeuble ou des rémunérations, le créancier qui bénéficie d'une décision exécutoire peut directement recourir à un huissier de justice pour qu'il procède à une mesure d'exécution sur le patrimoine de son débiteur. Pour trouver les informations nécessaires à la localisation du débiteur ou de ses biens, l'huissier de justice a un large pouvoir d'interrogation des administrations, en application des dispositions de l'article L. 152-1 du code des procédures civiles d'exécution.  Outre ces procédures d'exécution, le créancier d'aliments dispose d'une procédure de paiement direct de la pension alimentaire spécifique et dérogatoire au droit commun. Prévue pour le recouvrement des six derniers mois d'arriérés de pension alors étalé sur douze mois au plus, elle permet également le recouvrement de la pension en cours. Cette procédure suppose une seule échéance impayée de pension fixée par une décision de justice. En ce cas, le créancier d'aliments se rend chez l'huissier de justice qui notifie une mesure de saisie, selon une procédure simplifiée, au tiers saisi, qui peut être l'employeur, l'établissement bancaire ou tout tiers débiteur du débiteur d'aliments. Le tiers saisi est alors tenu de verser entre les mains de l'huissier le montant de la pension alimentaire si son obligation vis-à-vis du débiteur d'aliments le permet. Le créancier d'aliments est payé par priorité à tout autre créancier. Par ailleurs, plusieurs dispositifs sont destinés à faciliter au créancier d'aliments le recouvrement de sa pension. Ainsi, lorsque les procédures d'exécution ne fonctionnent pas, il peut s'adresser au procureur de la République pour qu'il mette en œuvre une procédure de recouvrement public par le biais d'un comptable public. Les procédures utilisées pour le recouvrement de certains impôts peuvent donc être appliquées par l'administration pour le compte du créancier d'aliments. Le code de la sécurité sociale prévoit enfin que le créancier d'une pension alimentaire au bénéfice d'enfants, peut, sous certaines conditions et dans certains cas, obtenir l'aide des organismes débiteurs de prestations familiales pour le recouvrement de celle-ci. Lesdits organismes, selon qu'ils ont versé ou non une prestation qui compense le non versement de la pension alimentaire, sont subrogés dans les droits du créancier, ou agissent sur son mandat. En outre,  le défaut de paiement de ces sommes est susceptible de constituer le délit d'abandon de famille puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. S'agissant des saisies effectuées dans le cadre des successions, il paraît nécessaire de rappeler que les lots ne sont pas constitués tant que le partage n'est pas intervenu,  de sorte qu'il existe un risque à saisir prématurément un bien qui appartiendra in fine à un autre coindivisaire. La saisie est en revanche possible, et ce de manière définitive, une fois le partage intervenu si la pension alimentaire a été consacrée par une décision de justice exécutoire. Les mécanismes tendant à favoriser le recouvrement des pensions sont donc nombreux et viennent d'être renforcés par la loi no 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, dont l'article 44 généralise à l'ensemble du territoire national à compter du 1er avril 2016, le dispositif de garantie contre les impayés de pension alimentaire (GIPA) qui avait été mis en place à titre expérimental par l'article 27 de la loi no 2014-873 du 4 août 2014, pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ce mécanisme bénéficiant aux personnes élevant seules leurs enfants à la suite d'une séparation ou d'un divorce permettra d'améliorer le recouvrement des pensions alimentaires impayées puisque l'organisme débiteur des prestations familiales pourra faire procéder au paiement direct prévu par l'article L 213-4 du code des procédures d'exécution ou au prélèvement direct prévu par l'article L. 3252-5 du code du travail sur les vingt-quatre derniers mois de pension alimentaire, au lieu de six en droit commun. Pour renforcer la mise en oeuvre de l'ensemble de ces mesures, sera créée une agence pour le recouvrement des impayés de pensions alimentaires. Une mission, destinée à définir son cadre d'intervention et l'étendue de ses missions, a été confiée conjointement aux inspections des finances, des affaires sociales et des services judiciaires et rendra ses conclusions à l'automne.

Données clés

Auteur : M. Dominique Dord

Type de question : Question écrite

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 3 juin 2014
Réponse publiée le 6 septembre 2016

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