Question orale n° 567 :
maintien

14e Législature

Question de : M. Pierre Lellouche
Paris (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Lellouche alerte M. le ministre de l'intérieur sur la présence de très nombreux citoyens, mendiants roms, provenant de Roumanie et de Bulgarie sur le sol de la capitale, dans des conditions scandaleuses qui transforment la plus belle ville du monde en dortoir géant. Il rappelle que la majorité précédente avait pris en septembre 2011, à sa demande, un arrêté anti-mendicité. Depuis, le nouveau Gouvernement l'a supprimé. Ainsi, il souhaite connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement afin de répondre à ce problème.

Réponse en séance, et publiée le 26 février 2014

PROBLÈME DE LA MENDICITÉ DANS LES RUES DE PARIS
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour exposer sa question, n°  567, relative au problème de la mendicité dans les rues de Paris.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, il s'agit d'une question particulièrement difficile, que vous connaissez bien : la présence sur les trottoirs de la capitale de Roms, et plus généralement de populations venues d'Europe de l'Est, qui se livrent à des activités problématiques comme la mendicité agressive, les escroqueries à la charité publique, les vols à la tire à proximité des distributeurs automatiques de billets, sans parler de la prostitution des enfants, dans les gares, et d'une sorte de camping à ciel ouvert, à longueur d'année, dans les plus beaux quartiers de la capitale. Paris est ainsi à la fois la première ville du monde – ou l'une des premières villes du monde – pour ce qui est du tourisme, et une capitale défigurée par des campements sauvages. Dans ma propre circonscription, sur les grands boulevards et autour de l'église de la Madeleine, il y en a tous les deux cents mètres.

Je sais que vous connaissez ce sujet, qui est compliqué. Il est directement issu de l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne, il y a sept ans. Depuis cette époque, des communautés très défavorisées dans ces pays ont le droit de circuler en Europe, d'entrer et de sortir de notre pays sans contrôle, au mépris, d'ailleurs, de la fameuse règle des trois mois. Lorsque nous étions aux affaires, nous avons essayé de régler ce problème avec ces pays, en vain. Seuls quelques policiers roumains ont été envoyés à Paris. Nous n'avons aucun moyen de peser sur des gouvernements qui prennent l'argent de l’Union européenne – 1,3 milliard d'euros – et qui nous envoient cette population en très grande difficulté.

À partir du 14 septembre 2011, c'est-à-dire peu avant votre arrivée aux affaires, monsieur le ministre, un arrêté anti-mendicité a été pris à ma demande et à celle d'autres élus parisiens. Cet arrêté permettait, dans les quartiers les plus touristiques, comme le Louvre et les Champs-Élysées, de prendre les gens sur le terrain et de les déplacer. Dès que vous avez été nommé ministre, cet arrêté a été supprimé par le nouveau préfet de police de Paris. Celui-ci avait lui-même reconnu que « nul ne conteste que les arrêtés anti-mendicité ont, dans un premier temps, permis de faire diminuer les nuisances et délits associés à certaines formes de mendicité. » Malgré cela, il a supprimé ce dispositif ! Vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré avoir « discuté avec les policiers confrontés aux phénomènes de mendicité, y compris ceux qui travaillent avec des collègues roumains et bulgares : si les arrêtés ont pu avoir une efficacité, se posent aujourd'hui d'autres problèmes » – personne n'en doute – « plus importants, tels que les trafics d'êtres humains ou de drogue, ou l'utilisation des mineurs. La seule consigne que j'ai donnée au préfet de police à cet égard est de prendre ses dispositions en liaison avec le maire de Paris. »

L'ennui, monsieur le ministre, c'est que ces dispositions n'ont pas été prises, vous le savez bien ! Ce système perdure : je ne sais pas par quel bout vous voulez prendre le problème. Se pose d'abord la question du respect, par la Roumanie et la Bulgarie, des principes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et notamment de son article 2, qui oblige les États membres à respecter leurs minorités. On ne peut accepter que des pays aient tous les droits à partir du moment où ils entrent dans l’Union européenne, violent les droits de leurs minorités, et les exportent vers d'autres État membres.

J'en termine par là, monsieur le ministre. Je sais que c'est difficile, mais j'ai vraiment besoin de votre aide : peut-on compter sur un autre arrêté de ce type ? À défaut, que comptez-vous faire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Lellouche, la question que vous posez soulève un problème plus général. Je ne suis pas sûr que les problèmes que vous évoquez, à propos de la Roumanie et de la Bulgarie, seraient réglés par un arrêté anti-mendicité à Paris ! Ce n'est pas exactement ce que vous dites, j'en conviens : je ne veux pas déformer vos propos.

Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, il faut être pragmatique. C'est pour cela que nous avons renforcé la présence policière sur la voie publique, notamment depuis le printemps 2013, au moyen d'un plan de sécurisation des zones touristiques. Ce plan a eu des résultats : je l'ai constaté hier encore, au Louvre. Nous avons également mis en place un partenariat renforcé avec le parquet de Paris. Enfin, des policiers roumains ont été détachés à la préfecture de police : honnêtement, vous ne devriez pas sous-estimer leur rôle et l'efficacité de leur action. Grâce à ces mesures, les suites données aux interpellations sont plus dissuasives. Ainsi, en moins de deux ans, plus de 200 peines d'incarcération ont été prononcées contre de jeunes mineurs roumains. Sur le plan administratif, les reconduites coercitives de ressortissants roumains en situation irrégulière ont également fortement progressé en 2013 à Paris : leur nombre a crû de 47 %.

Nous devons par ailleurs poursuivre le démantèlement des réseaux. Une dizaine d'entre eux ont été démantelés en un an, avec une nette accélération à l'automne dernier.

Il faut en outre poursuivre le démantèlement des campements. C'est une politique systématique : dix-neuf ont été démantelés en 2013. Je ne dis pas que cela règle tous les problèmes, qui restent difficiles et compliqués. Nous devons néanmoins poursuivre ce travail.

Vous réclamez le retour des arrêtés anti-mendicité. Malheureusement, dans le cadre de ces arrêtés, une absence de recouvrement des amendes a été constatée : aucune d'entre elles n'a jamais été payée. Le dispositif a de plus perdu son intérêt pour l'identification des personnes mises en cause ou leur éloignement, car la jurisprudence ne permet plus de mettre en garde à vue au titre du séjour irrégulier. Enfin, la pratique policière depuis juin 2012 en témoigne, le droit commun permet tout à fait aux policiers d'agir contre les personnes se livrant à la mendicité agressive : je pense aux réquisitions délivrées par le parquet, qui sont beaucoup plus efficaces que les arrêtés pour permettre des contrôles d'identité. Le nombre de contrôles de police sur les sites anciennement couverts par les arrêtés a ainsi été accru.

Je n'ignore rien des difficultés que vous avez décrites. Je pense qu'effectivement, les solutions passent par l'Europe, par des accords avec la Bulgarie et la Roumanie, et par une politique de contrôle, de présence et de démantèlement des campements à Paris et en région parisienne.

Données clés

Auteur : M. Pierre Lellouche

Type de question : Question orale

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 2014

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