enfants
Question de :
M. Jean-Claude Buisine
Somme (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Claude Buisine attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la forme de recueil spécifique au droit musulman, dans des États dont la législation ne reconnaît pas l'adoption comme le Maroc ou l'Algérie. Cette forme, nommée la kafala, s'apparente à une adoption simple pour la famille. Pourtant, les enfants sont régulièrement pénalisés devant l'administration française qui connaît mal ce type de recueil et génère ainsi des inégalités de droit entre les enfants. Il demande donc à la ministre de bien vouloir lui faire part des mesures qu'elle entend prendre pour obtenir une vraie reconnaissance de la kafala afin de faire primer l'intérêt supérieur des enfants recueillis en France dans le cadre juridique de ce mode de recueil.
Réponse publiée le 13 août 2013
La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. En Algérie comme au Maroc, la kafala, qui peut être adoulaire ou judiciaire, peut concerner des enfants ayant des parents biologiques qui ne peuvent matériellement ou moralement les élever, ou des enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins. Dans ce dernier cas, au Maroc, la kafala procède nécessairement d'une décision judiciaire. La kafala est donc une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle ne peut donc être assimilée à une adoption, ce qui a été rappelé par la Cour de cassation à propos de l'adoption simple (Civ 1re, 10 octobre 2006). Afin de garantir le respect de la législation des pays étrangers, la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a introduit dans le code civil des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Or, le droit algérien comme le droit marocain prohibent formellement ce mode d'établissement de la filiation. Si la kafala ne peut pas être juridiquement assimilée à une adoption, elle permet toutefois à l'enfant de bénéficier d'une protection en France conformément aux prescriptions de l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui prévoit qu'un enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d'une protection de remplacement. Ainsi, la kafala judiciaire (ainsi que la kafala adoulaire homologuée par le tribunal), comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Les effets du jugement de kafala diffèrent en fonction du contenu de la décision et de la situation de l'enfant recueilli. Ainsi, dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins pour lesquels seule une kafala judiciaire peut être prononcée, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives, la kafala est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle. La kafala est donc reconnue en droit interne, tout en conciliant les impératifs que sont la protection de l'enfant et le respect de sa loi personnelle. Le respect de cet équilibre a conduit la Cour européenne des droits de l'homme, dans sa décision du 4 octobre 2012, à considérer que le droit français était respectueux des conventions internationales et ne portait pas atteinte au droit à une vie familiale normale. Il convient de relever en outre que l'interdiction d'adopter cesse à partir du moment où l'enfant acquiert la nationalité française, ce qui est possible après que l'enfant aura résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Les propositions de réforme portées à l'attention du gouvernement par le défenseur des droits, susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés, font actuellement l'objet d'un examen attentif. Par ailleurs, une circulaire destinée à rappeler les règles applicables et à faciliter les démarches des familles est en cours de rédaction au ministère de la justice.
Auteur : M. Jean-Claude Buisine
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 2 octobre 2012
Réponse publiée le 13 août 2013