Question de : M. Thierry Lazaro
Nord (6e circonscription) - Les Républicains

M. Thierry Lazaro attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la publication, par la très sérieuse revue Prescrire, d'une liste de 68 médicaments plus dangereux qu'utiles. Il s'agit de médicaments actifs, mais qui compte tenu de la situation clinique exposent à des risques disproportionnés par rapport aux bénéfices qu'ils apportent, de médicaments anciens dont l'utilisation est dépassée car d'autres ont une balance bénéfices-risques plus favorable, de médicaments récents dont la balance bénéfices-risques s'avère moins favorable que celle de médicaments plus anciens, ou encore de médicaments dont l'efficacité n'est pas prouvée au-delà d'un effet placebo et qui exposent à des effets indésirables graves. Au nombre de ces médicaments cités par la revue Prescrire figure, utilisée en pneumologie-ORL, l'omalizumab, un anticorps monoclonal utilisé dans l'asthme, qui expose à des infections, des anaphylaxies, des maladies sériques, des thromboembolies artérielles cardiaques et cérébrales. Aussi, il la remercie de bien vouloir lui indiquer les mesures de précaution qu'elle compte prendre rapidement dans l'intérêt des patients en ce qui concerne ce médicament.

Réponse publiée le 28 octobre 2014

Conformément aux dispositions de l'article L.5121-8 du code de la santé publique, tout médicament doit faire l'objet, avant sa commercialisation, d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) octroyée au terme d'une procédure européenne ou nationale selon des exigences d'efficacité, de qualité et de sécurité posées par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Dans ce contexte, l'évaluation d'une spécialité pharmaceutique se base sur l'appréciation d'un rapport bénéfice/risque établi à un moment donné (moment de l'évaluation), compte tenu des connaissances scientifiques disponibles tant sur le produit concerné que sur sa substance active ou encore sur la pathologie pour laquelle son indication est revendiquée. Aussi, dans la mesure où cette balance entre les bénéfices et les risques est favorable, l'AMM du produit peut être délivrée. Sur ce point, il importe de souligner que ce rapport bénéfice/risque n'est pas figé et est réévalué lorsque de nouvelles données tant sur les bénéfices que sur de nouveaux risques sont disponibles. En effet, s'agissant plus particulièrement de l'existence de risques d'effets indésirables liés à l'utilisation du produit, l'ensemble des risques de survenue d'effets indésirables, qui sont identifiés au cours des essais cliniques conduits dans le cadre de la demande d'AMM, sont mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de la spécialité concernée et figurent dans la notice d'information destinée au patient. Pour autant, les essais cliniques conduits et fournis à l'appui du dossier de demande d'AMM ne permettent pas toujours d'identifier et a fortiori de mesurer parfaitement les risques d'une spécialité en conditions réelles d'emploi. En effet, les essais cliniques sont limités dans le temps. Ils ne concernent qu'un nombre limité de personnes et par mesure de sécurité excluent des populations spécifiques (femmes enceintes par exemple). C'est pourquoi un processus de suivi des effets indésirables des médicaments est mis en oeuvre au niveau européen ainsi qu'au niveau national, dans le cadre du système national de pharmacovigilance, destiné à surveiller, évaluer, prévenir et gérer le risque d'effet indésirable résultant de l'utilisation des médicaments. La pharmacovigilance comporte ainsi le signalement des effets indésirables et le recueil des informations les concernant, l'enregistrement, l'évaluation, l'exploitation de ces informations aux fins de prévention, la réalisation d'études ou de travaux concernant leur sécurité d'emploi (enquête nationale, suivi national et européen etc.), le suivi de rapport périodique de sécurité concernant chaque médicament, ainsi que la mise en place d'actions telles que les modifications des informations destinées aux professionnels de santé et aux patients, la suspension et le retrait de l'AMM. Certains médicaments sont soumis à une surveillance plus spécifique, soit parce qu'il s'agit d'une nouvelle substance active ou d'une nouvelle classe pharmacologique, soit, pour un médicament déjà commercialisé, en raison de la détection de nouveaux signaux nécessitant une exploration approfondie. Cette surveillance supplémentaire implique notamment la mise en place d'un plan de gestion des risques (PGR) européen ou national, ainsi que la mise en oeuvre d'enquêtes de pharmacovigilance. Sur ce point, il peut être précisé que l'ensemble des médicaments faisant l'objet d'une surveillance supplémentaire est disponible sur le site internet de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) (www. ansm. sante. fr) ; un lien interactif a été mis en place pour chacun des produits concernés, permettant ainsi de visualiser l'ensemble des informations relatives à chaque produit, telles que le résumé des caractéristiques du produit (RCP), les motifs du suivi renforcé, les différentes communications et les actions de sécurité sanitaire réalisées, en cours ou envisagées pour chacun d'entre eux. En ce sens, la directive 2011/84/UE précitée impose désormais que pour les médicaments listés par l'agence européenne du médicament (EMA) comme devant faire l'objet d'une surveillance particulière, la notice et le RCP doivent comporter un symbole noir (triangle noir inversé) et une phrase explicative tels que déterminés par la Commission européenne. Ces dispositions ont été mises en oeuvre depuis septembre 2013. La liste des médicaments faisant l'objet d'une surveillance au niveau européen (additionnal monitoring list) est disponible sur le site de l'EMA et est venue se substituer à la liste nationale. En résumé, il s'agit d'évaluer de façon continue, dans les conditions réelles d'utilisation du médicament, le rapport bénéfice/risque de ce dernier. Dès lors que l'évaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou de la santé publique liés à sa qualité, à sa sécurité ou à son efficacité n'est plus considérée comme favorable dans les conditions normales d'emploi, l'AMM du produit peut être modifiée, suspendue ou retirée et ce à tout moment, au niveau national pour les AMM purement nationales, au niveau européen pour les autres (dès qu'un produit est autorisé dans plus d'un Etat membre). A ce titre, l'ANSM a notamment engagé un programme de révision du rapport bénéfice/risque des médicaments dont les AMM ont été octroyées selon une procédure nationale avant 2005, en tenant compte à la fois de l'évolution des connaissances concernant leurs bénéfices et leurs risques, ainsi que des progrès de la thérapeutique. L'objectif de cette révision est donc, d'une part de retirer ou suspendre les AMM des médicaments dont le rapport bénéfice/risque apparaît comme défavorable, compte tenu des connaissances acquises au moment de la révision, d'autre part d'évaluer la nécessité de modifier les RCP pour les adapter aux derniers développements des connaissances médicales et scientifiques. Cette révision systématique suit toutefois un ordre déterminé par les problématiques potentielles de risque et de rapport bénéfice/risque. Ainsi, cette révision a-t-elle démarré par les médicaments soumis à prescription médicale obligatoire, dont l'action est systémique (par opposition à ceux qui ont une action principalement locale), et non réservés à l'usage ou à la prescription hospitalière, ainsi qu'en fonction du niveau de service médical rendu (SMR) (critère d'amplitude d'efficacité) et du niveau de risque inhérent à son utilisation. Cette révision des AMM comporte pour chaque médicament une première étape de révision interne par l'ANSM ; laquelle est complétée si nécessaire par une seconde étape de réévaluation plus complète du rapport bénéfice/risque en demandant au laboratoire titulaire de l'AMM de documenter les informations permettant de mettre à jour les données du rapport bénéfice/risque du médicament concerné. Parallèlement à cette révision systématique des anciennes AMM, l'ANSM poursuit le travail de réévaluation en continu du rapport bénéfice/risque des médicaments, quelle que soit la date de leur AMM, quand un signal est susceptible de remettre en cause le profil de sécurité d'un médicament. Dans tous les cas, la décision française est soumise à un arbitrage européen, traité selon une procédure adaptée au critère d'urgence, au terme de laquelle la Commission européenne statue. Ainsi, en 2012-2013, l'ANSM a réévalué 59 substances ou associations de substances. Ces réévaluations ont abouti à 13 suspensions ou arrêts de commercialisation, 10 restrictions d'indication, 36 modifications / renforcements / harmonisations des RCP. Il est à noter que 23 des 59 substances ont fait l'objet d'une procédure d'arbitrage européen. L'ensemble de ces informations est disponible sur le site internet de l'agence. Plus précisément, s'agissant de la liste des médicaments publiée par la revue médicale Prescrire de février 2014, il y a lieu de préciser que sur les 68 médicaments cités, 29 ont fait ou font l'objet d'une réévaluation du rapport bénéfice/risque au niveau national ou européen ayant abouti à la modification des RCP notamment en termes de restriction d'indications thérapeutiques ou de mise à jour des informations relatives à l'efficacité, à la sécurité d'emploi et aux risques (flunarizine, trimétazidine, tianeptine, orlistat, quinine, etc), à la mise en place de mesures de minimisation du risque (fer dextran, tianeptine, etc). Les 39 autres médicaments sont suivis dans le cadre du système national et européen de pharmacovigilance. Pour 13 d'entre eux, un suivi renforcé ou une enquête de pharmacovigilance a été mis en place.

Données clés

Auteur : M. Thierry Lazaro

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Affaires sociales

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2014
Réponse publiée le 28 octobre 2014

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