Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports sur l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme du 1er juillet 2014 validant la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. À l'occasion de cet arrêt, la Cour rejette l'argument selon lequel le principe d'égalité entre les hommes et les femmes justifie l'interdiction du port du voile intégral. Il lui demande son avis sur le sujet.

Réponse publiée le 26 janvier 2016

Dix ans après la loi encadrant le port de signes religieux dans les écoles, la Cour européenne des droits de l'Homme, dans un arrêt SAS c/France du 1er juillet 2014, a admis la conventionalité de la loi française no 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Pour déclarer cette loi conforme à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour s'est essentiellement placée sur le terrain de la liberté de manifester sa religion ou ses convictions (article 9) ainsi que sur le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8). Tout en reconnaissant que l'interdiction de dissimulation du visage constitue une ingérence permanente du droit au respect de la vie privée et à celui d'exercer librement sa religion, elle estime cette ingérence justifiée au regard des exigences minimales de la vie en société en tant qu'élément de la protection des droits et libertés d'autrui. Les juges européens concluent ainsi au caractère proportionné de la loi française relevant d'un choix de société effectué selon des modalités démocratiques, eu égard à la marge d'appréciation dont bénéficient dans ce domaine les États signataires de la Convention. Le principe d'égalité entre les femmes et les hommes est un principe pleinement reconnu par le droit européen et que la Cour qualifie de notion fondamentale sous-jacente à la Convention depuis un arrêt Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/Royaume-Uni du 28 mai 1985 (série A, no 94, § 78). Toutefois, la Cour ne retient pas l'argument relatif au respect de l'égalité entre les femmes et les hommes pour justifier l'interdiction de dissimulation du visage dans l'espace public, pour deux raisons : les juges européens relèvent que l'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas mentionnée parmi les buts légitimes énumérés au second paragraphe des articles 8 et 9 de la Convention ; par ailleurs,  si le principe de l'égalité des sexes est écarté en l'espèce, c'est en raison de l'objet même de la loi. La Cour relève ainsi qu'il ressort très clairement de l'exposé des motifs de la loi du 11 octobre 2010 que l'interdiction posée n'a pas pour objectif principal de protéger des femmes contre une pratique qui leur serait imposée ou qui leur serait préjudiciable, mais qu'elle consacre une prohibition indistincte et générale qui ne vise pas spécifiquement le port d'un vêtement féminin.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques

Ministère interrogé : Femmes, ville, jeunesse et sports

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Dates :
Question publiée le 15 juillet 2014
Réponse publiée le 26 janvier 2016

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